Mais où est passée l’autorité de l’Etat ?


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Une nation est en péril dès qu’elle n’est pas guidée par son élite. Or depuis, la véritable élite du Togo, si elle n’est pas expatriée, est corrompue ou alors, se terre, bien malheureuse, dans un silence peureux. Elle est ainsi privée de sa part – une part importante – dans l’Etat et ne joue pas le rôle actif auquel son intelligence, son savoir faire, sa culture lui donnent droit. Le Togo qui est capable de faire des miracles ne saura le faire. Le pays va tout seul, abandonné à lui-même, sans feuille de route.

La classe dirigeante, députés et ministres, à peu d’exceptions près, n’ont aucune expérience des affaires publiques. Les réformes dont elles éprouvent le besoin, c’est en vain que les classes instruites de l’opinion les réclament. Avec ses six millions d’habitants, son sol fertile, sa natalité drue, sa jeunesse hardie, le Togo a tout pour être l’un des plus viables et des plus vigoureux états de la région.

Mais, le RPT a commis l’erreur essentielle de se cristalliser, de pièce à ensemble, dans un état immuable, dans une impasse de l’autoritarisme, alors que tout autour, le monde continue de changer. A cause des vices nombreux qu’il tient de son statut d’ancien parti unique, notamment le népotisme de type antique, comme cela se pratiquait au Vatican au XVIème siècle, le pays stagne. D’année en année, le ternaire sacré de notre indépendance : Travail-Liberté-Patrie est tordu en brêche, donnant lieu à un état hybride, à une nation virtuelle que régente une autorité publique débraillée, sans vision. Economistes, écrivains, juristes, leaders d’opinions, universitaires, artistes… beaucoup d’autres encore, ont montré et démontré les tares et les dangers d’une absence totale d’un contre-pouvoir effectif et opérationnel.

L’odyssée, redoutable, vient du péché qu’ont commis les togolais de chanter et danser, des décennies entières, à la gloire d’un pharisien en substitut du Dieu du haut des cieux. Pendant sa fausse liesse générale, le pays a manqué de produire, en quantité suffisante, des hommes de bravoure et de valeur. Aujourd’hui, il semble se dissoudre, gouverné par ceux de ses fils dont l’intelligence paraît médiocre et, de surcroît, moins patriotes, accoquinés à des badauds étrangers pour mettre à sac le pays. Le RPT a ainsi perdu ses intermédiaires naturels avec le peuple qui ne voit plus en lui l’incarnation de son orgueil et de sa confiance. Un signe encourageant que le peuple togolais s’est ressaisi et n’est plus prêt à seulement obéir. Ayant appris chez ses voisins, il réfléchit et raisonne. Mais, les ruisseaux de sang qui, à intervalles régulières rougissent ses rues, les nuages de bombes lacrymogènes qui assombrissent fréquemment son ciel, semblent lui rappeler sans cesse que le p
ouvoir ne sera pas donné ou gagné, il doit être arraché.

Le temps est arrivé où le Togo a besoin d’un changement qui ne peut plus être remis à demain. L’aspiration commune vers ce profond changement traverse la nation entière. Bien que matée, brutalisée et parfois monnayée, elle n’est pas entamée ou près de fléchir, jusqu’au jour où, par l’énergie d’un brave homme, s’établira un ordre neuf sur des assises que plus rien ne pourra chambouler. Isolé, le régime l’est déjà, de son propre choix.

Une de ses figures, Abass Bonfoh, personnage caractériel à la limite de la paranoïa, qui manque d’éducation et de rondeur, l’a illustré il n’y a pas si longtemps, de fort belle manière. Les propos négationnistes tenus par ce président de l’Assemblée Nationale ne sont qu’un tapis bariolé qui saille la barbarie du régime grossier et décrépit. “Un témoin qui nie le crime en devient complice”. On s’étonne qu’après avoir gauchement offusqué avec son discours cynique, Bonfoh n’ait pas démissionné illico. Le principal témoin des massacres de 2005, après son vulgaire “où sont les tombes, où sont les plaignants”, se détourne de l’excuse publique qu’il doit au peuple, pour se lancer, tel un sot, dans une puérile turbulence au sujet du véhicule de service de J.-P. Fabre. Avant même que l’Assemblée ne statue, à sa rentrée, sur la question de la présidence du groupe parlementaire UFC, celui qui occupe le perchoir par un malheureux accident de notre histoire, prend fait et cause pour les infâmes AGO, les sept députés alimentaires mis au rancart par l’opinion. C’est ça, le style du RPT sous Faure, caractérisé par la “langue de chêne”comme au temps des tsars russes.

Tout cela s’entend. Avec un Chef de l’Etat mou, irrégulier à son poste, paresseux et inconsciencieux qui laisse délibérément son influence se fondre dans les extravagances de quelques surexités, l’urgence d’une ère heureuse a pris forme dans tous les esprits. C’est réel, jusqu’à l’intérieur du système. La victoire finale de la discipline sur l’anarchie, de la pensée moderne sur l’obscurantisme doit enfin advenir. Car, nulle part, les conditions pour un changement de régime n’ont rencontré un terrain aussi bien préparé – Gouvernement haï, Assemblée Nationale déprimée, ordre moral dissolu, plaies sociales vives, puissantes complicités sous-jacentes – Il suffirait d’un FRAC structuré et habile ou, à son défaut, du sursaut patriotique d’un Homme du sérail éclairé, agile et déterminé, pour mettre fin au grand désordre. Son nom sera gravé en lettres d’or, immortalisé, au nom du père, du fils et du peuple, dans les annales du Togo.

Kodjo Epou

Washington DC

USA

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Kodjo Epou est journaliste et chroniqueur pour différents médias, spécialisé sur l'Afrique et/où d'investigation. Il est aussi spécialiste de Relations Publiques
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