Madagascar, 30 décembre : grand jour du socialisme à la malgache


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Il y a quarante et un ans jour pour jour, Didier Ratsiraka proclamait la République démocratique de Madagascar et devenait ainsi son premier président « rouge ». Ce nouveau régime socialiste et révolutionnaire ne connaîtra que cet homme complexe à sa tête, qui transformera durablement son pays. Afrik.com revient sur l’origine et les conséquences de ce 30 décembre 1975.

Didier Ratsiraka dit « Deba », fils de fonctionnaire ayant mené des études à l’Ecole navale, s’intéresse très vite à la politique et s’y engage malgré son appartenance à la Marine malgache. Suite aux mouvements estudiantins de mai 1972 et au départ forcé du président pro-français Tsiranana, ce capitaine de frégate devient le ministre – le plus jeune du gouvernement – des Affaires étrangères du régime de transition militaire.

L’ascension de Didier Ratsiraka

Au cours de ses trois années à ce poste, il brille par sa capacité à négocier et à prendre des décisions fortes et risquées. Ainsi lors de la révision des Accords de coopération avec la France, il obtient le départ des militaires français et la sortie de la zone Franc. Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » des présidents français de Gaulle et Pompidou, lui donne d’ailleurs le surnom significatif de « Caméléon ».

Le président d’alors, proche de ses positions radicales, Richard Ratsimandrava, successeur du colonel Ramantsoa, est assassiné le 11 février 1975. La période d’instabilité qui suit favorise naturellement la mise en avant du charismatique Deba qui devient chef de l’Etat et du gouvernement sur décision du Directoire militaire (transformé par la suite en Conseil suprême de la Révolution). Un nouveau régime est finalement enfanté pour mettre fin à la crise et renforcer le tournant idéologique du pays.

Proclamation de la Deuxième République

Les Malgaches approuvent le 21 décembre 1975 par voie référendaire la Charte de la Révolution socialiste (expliquée à travers un « petit livre rouge » d’inspiration maoïste, le Boky Mena) et la nouvelle constitution instituant la Deuxième République. La date de la proclamation de la République démocratique de Madagascar est fixée au 30 décembre de la même année.

Madagascar n’applique pas réellement un système de parti unique mais un système de partis politiques révolutionnaires ayant l’obligation d’adhérer au Front de défense de la Révolution, gardien des valeurs constitutionnelles, au sein duquel l’Avant-garde de la Révolution malgache (L’« Arema » le parti de Deba « l’Amiral rouge ») est clairement dominant. Le président Ratsiraka promet un progrès économique rapide grâce à une planification rigoureuse.

Une politique offensive est également engagée en intensifiant la malgachisation de l’enseignement et de l’économie. Sur le plan diplomatique, Antananarivo se veut non-aligné mais se rapproche progressivement du bloc communiste notamment afin de résister aux pressions de Paris.
En dépit des promesses et de l’inefficacité des réformes, l’Etat devient de plus en plus centralisateur et autoritaire. Il contrôle tous les échanges avec l’extérieur, se durcit en fermant plusieurs ambassades et restreint les libertés.

De l’intransigeance au pragmatisme

Face à la dégradation de la situation économique et politique, l’Amiral rouge finit par réformer, mais trop tard pour sauver ce régime en fin de course et au bout d’une quinzaine d’années, la Grande Île est classée parmi les pays les plus pauvres de la planète. Madagascar se tourne alors vers le FMI et demande un rééchelonnement de sa dette en échange d’une ouverture de son économie. A cela s’ajoute la pression des acteurs extérieurs et intérieurs pour le rétablissement du multipartisme, qui sera officialisé par la réforme constitutionnelle de décembre 1988.

Cette accumulation d’échecs pour le régime n’entame toutefois pas la réputation de son chef parmi les plus pauvres car même après sa perte totale du pouvoir de 1993 et l’effondrement du bloc de l’Est, Deba revient au pouvoir démocratiquement en 1997. A ce moment, il promeut un « humanisme écologique » et modère sa politique en favorisant le développement durable et la décentralisation. La croissance économique est alors au rendez-vous.

Malgré ces avancées, il est devancé au 1er tour de l’élection présidentielle de décembre 2001 par Marc Ravalomanana qui refuse un second tour avec le soutien des populations des Hautes-Terres malgaches (notamment le peuple Merina, dominant). Ce dernier s’autoproclame président de la République le 22 février 2002 et force Ratsiraka à s’exiler à Tamatave puis en France où il restera plus de 9 ans. Les médiations menées par l’Union Africaine et le président sénégalais Abdoulaye Wade n’y feront rien.

A son retour en 2011, il est condamné aux travaux forcés et à une forte amende mais sera finalement amnistié. Il ne peut toutefois participer à l’élection suivante. Il continue depuis, à la tête de l’Avant-garde pour la Rénovation (et non plus Révolution) de Madagascar, à peser sur la vie politique malgache. A 80 ans, avec un parti qui vient de fêter ses 40 ans, cet amiral plus vraiment rouge continue le combat.

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