Macky Sall : le nouvel os en travers de la gorge de la CEDEAO


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Macky Sall, Président du Sénégal
Macky Sall, Président du Sénégal

Jamais la CEDEAO n’aura été autant secouée. Alors que l’annonce du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger est encore brûlante, se pointe le cas Macky Sall. Attendu pour organiser l’élection présidentielle dans 20 jours, le Président sénégalais sort une nouvelle carte samedi. Il reporte les élections sine die. De quoi donner du fil à retordre à l’organisation régionale.

Macky Sall a reporté sine die la Présidentielle au Sénégal, déclenchant une nouvelle crise dans le pays de la Téranga. Une énième crise sous le régime de Macky Sall dans un pays qui, jadis, était cité comme un modèle démocratique.

Avec son agenda caché, Macky Sall parvient à ses fins

En réalité, Macky Sall n’a jamais voulu laisser le pouvoir. Avec son fameux « ni oui ni non » qui s’est totalement éloigné de sa promesse ferme tenue en 2019 où il affirmait avec force ne jamais vouloir se lancer dans l’aventure du troisième mandat, cela crevait l’œil que le Président sénégalais ne voulait pas quitter les affaires. Dans le faux suspense qu’il entretenait autour d’un sujet qui n’en avait cure, il était clair que Macky Sall ne se voyait pas du tout dans la peau d’un Président prêt à se contenter de ses deux mandats constitutionnels. Cependant, dépassé par les événements, il s’est vu contraint et forcé de rebrousser chemin et de déclarer son entière disposition à respecter la limitation constitutionnelle des mandats.

Dans la foulée, le chef de l’État posera des actes pour convaincre de sa bonne foi. Il fera par exemple ses adieux aux forces armées sénégalaises. Mais dans le fond, tout ceci semblait prémédité, organisé à dessein. Macky Sall semblait avoir son agenda caché. La protestation du PDS lui a juste offert une occasion en or dont il s’est rapidement saisi. Sinon, comment comprendre qu’un Parlement dominé par la majorité présidentielle, et qui a toujours rejeté presque systématiquement toutes les revendications de l’opposition, change subitement de posture et accède à la requête du PDS ? Pourquoi soudainement la revendication du PDS demandant une enquête a-t-elle trouvé grâce aux yeux de la coalition au pouvoir ? Il faut être irrémédiablement aveugle pour ne pas voir qu’il y a anguille sous roche. En fait, Macky Sall n’a jamais voulu quitter le pouvoir.

La CEDEAO va-t-elle se contenter d’exprimer « sa préoccupation » ?

Aussitôt l’annonce de Macky Sall faite, la CEDEAO a fait part de sa préoccupation. « La Commission de la CEDEAO exprime sa préoccupation quant aux circonstances qui ont conduit au report de l’élection et lance un appel aux autorités sénégalaises à accélérer les différents processus afin de fixer une nouvelle date pour l’élection », lit-on dans le texte. « La Commission, poursuit le communiqué, exhorte en outre l’ensemble de la classe politique à privilégier le dialogue et la collaboration pour l’organisation d’une élection transparente, inclusive et crédible ».

Cette nouvelle situation vient s’ajouter à la crise que traverse l’organisation régionale depuis quelques mois. Laquelle crise a atteint un niveau jamais égalé depuis l’annonce, le dimanche 28 janvier 2024, du retrait simultané des trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES).

L’acte posé par Macky Sall est un coup d’État pur et simple. En effet, décider unilatéralement de reporter la date de l’élection présidentielle, à 20 jours de sa tenue, pour se maintenir au pouvoir n’a pas d’autre nom. Il se place exactement au même niveau que les militaires qui prennent les armes pour renverser un régime démocratiquement installé.

Si dans le cas des militaires comme au Mali, au Burkina Faso et surtout au Niger, l’organisation régionale a eu la dent dure, que fera-t-elle dans le cas de Macky Sall ? Va-t-elle rester silencieuse comme elle l’a fait en Côte d’Ivoire avec Alassane Ouattara et en Guinée avec Alpha Condé, en 2020, ou comme elle le fait toujours au Togo du très… fort Gnassingbé ? Va-t-elle continuer dans sa politique de deux poids deux mesures ? En tout cas, l’équation est difficile. Les responsables de la CEDEAO doivent être les premiers à le savoir. Macky Sall est devenu un très gros os en travers de la gorge de la CEDEAO.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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