Maam Daour Wade, le nouveau souffle du conte


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Maam Daour Wade
Maam Daour Wade

Maam Daour Wade recueille depuis le début des années 80 les contes wolofs de tradition orale dont la transmission avait tendance à dangereusement s’essouffler. Pour assouvir l’appétit de ses enfants et défendre un patrimoine en danger. Pour son travail, il a été primé le 20 décembre 2002 par l’agence de la Francophonie.

Maam Daour Wade a été primé le 20 décembre 2002 par l’Agence de la Francophonie pour son recueil de contes en wolof Ndesiti doomi Aadama, Les restes des fils d’Adam. L’écrivain sénégalais, qui avait déjà reçu en 1993 le prix du livre pour enfant de l’Unicef, n’en a pas pour autant abandonné sa profession. Depuis plus de vingt ans, il vulgarise les techniques modernes d’agriculture dans les campagnes du Sénégal. C’est au contact de ces populations rurales qu’il a pris conscience de la richesse de la culture de son pays et du risque de disparition qui pesait sur elle. Alors il a écrit. Pour que les parents sénégalais ne soient jamais à court d’histoires à raconter à leurs enfants. Et qu’à travers ses contes, la culture sénégalaise ne soit pas  » mangée à la soupe de la mondialisation « .

Afrik : Votre métier ne semblait pas vous prédestiner à l’écriture ?

Maam Daour Wade : Quand j’étais à l’école française, j’aimais la lecture, la BD… et j’étais assez bon en rédaction. Mais je n’ai jamais pensé que je serais un jour écrivain. C’est à travers le conte que je suis venu à l’écriture. Un soir, mes enfants m’ont demandé de leur dire un conte. J’ai commencé à leur raconter plusieurs histoires que me racontait ma grand-mère mais je n’ai pas été capable d’en terminer une seule. Si moi-même je ne me souvenais plus de ces contes, je me suis dit qu’il y avait de grandes chances pour que beaucoup soient dans ce cas. Alors, j’ai décidé de recueillir ces histoires, pour assouvir la curiosité des enfants.

Afrik : En wolof, ce qui était original à l’époque…

Maam Daour Wade : En 1979, j’ai été initié à la transcription en wolof dans le cadre de mon travail. Pour préparer mes questions aux agriculteurs et mes émissions radiodiffusées… C’était l’outil qui me manquait. J’avais pris conscience du danger qui pesait sur les contes transmis oralement mais j’étais incapable de les recueillir techniquement. Je crois avoir été l’un des premiers à m’intéresser à cette question, surtout pour ce qui est des contes. De nombreux écrivains exerçaient leur métier en français et beaucoup se sont rabattus sur le wolof. La prise de conscience date surtout du phénomène de la mondialisation, je crois. Il ne fait pas bon se laisser manger à la soupe de la mondialisation. Nous continuerons à parler français et anglais mais nous devons également nous battre pour notre culture.

Afrik : Le wolof est une langue très métaphorique. La transcription des contes doit se révéler délicate ?

Maam Daour Wade : Il est sûr que lorsque l’on couche une histoire sur papier, on perd quelque chose. Cela est valable pour toutes les langues mais encore plus pour le wolof. Il y a des expressions qu’on ne peut pas rendre à l’écrit. De toutes les façons, il faut continuer à raconter ces histoires. Moi-même je le fais. Nous avons formé une association :  » Lée boon ci leer « ,  » Contes au clair de lune « , à travers laquelle nous essayons de préserver cette tradition. Même dans les villages, les gens ne racontent plus de contes comme cela se faisait autrefois, le soir, à la grande place. Il nous revient le devoir de faire revivre cette partie de notre patrimoine.

Afrik : Vous avez réalisé des recueils et ensuite vous avez écrit des histoires originales…

Maam Daour Wade : J’ai commencé par un recueil de 25 contes en 1993, qui a reçu le prix du livre pour enfants de l’Unicef. Mais les besoins des enfants étaient tellement grands que je n’avais plus le temps d’en recueillir assez. J’avais mis plus d’un mois pour recueillir les 80 contes qui m’ont permis d’écrire le premier livre. Et environ six mois pour exploiter les données. Alors, j’ai commencé à en créer. Je crois que nos contes ne sont pas suffisamment exploités. On le réalise à force de les raconter. On se constitue une sorte de banque dans laquelle on peut ensuite puiser.

Afrik : Vous avez obtenu en décembre 2002 le prix Kadima de littérature, remis par l’agence de la Francophonie, pour Les restes des fils d’Adam. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

Maam Daour Wade : C’est un recueil de contes avec des poèmes intercalés. L’histoire qui a donné son nom au recueil parle de chats. Ces animaux sont très respectés au Sénégal, voire craints. Ce ne sont pas vraiment des animaux domestiques comme en Europe. Ils passent de foyers en foyers, et chaque famille leur réserve les restes de ses repas. Mais après la dévaluation de 1994, les gens étaient moins enclins à donner ces restes aux chats. Ces derniers en ont conclu qu’il n’est pas bon de laisser les moyens de sa subsistance entre les mains d’un tiers. Qu’il faut vivre à la sueur de son front et ne pas compter sur les restes des fils d’Adam. C’est également une métaphore sur les rapports entre les pays pauvres et les pays du Nord.

Afrik : Pourquoi ne pas faire de l’écriture votre métier ?

Maam Daour Wade : L’individu est indivisible. Nous sommes beaucoup de choses à la fois. Cela ne me pose pas de problème de travailler comme je le fais. Je ne suis pas poète mais j’écris chaque fois que je suis inspiré, les dimanches, week-ends et jours de fêtes… L’écrivain n’existe pas , tout le monde peu écrire. En wolof, le bien se dit  » am-am « , qui signifie littéralement  » tiens-tiens « . Quand on te donne quelque chose, toi aussi tu dois donner à l’autre. J’ai reçu les contes des ancêtres, que je transmets à mon tour. En contrepartie, j’ai la satisfaction d’être un écrivain. Ceux à qui je passe les contes devront à leur tour les passer, c’est un cycle infini.

Nopp amul kubéer, L’oreille n’a pas de couvercle, recueil de 50 histoires pour enfants.

Goj yu jaxasoo, Cordes emmêlées, recueil d’histoires pour adultes.

Un extrait de Cordes emmêlées :

Baobabs

Tronc majestueux

Ecorce peau d’éléphant

Ecorchures verticales

Promesses d’amour cicatrisées

Branches doigtées

La forêt de Baobabs

Implore le ciel

Pour joindre Maam Daour Wade

mambaw@hotmail.com

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