Lourd comme une plume


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Une plume
Une plume

Quelque chose se passe au Maghreb, où la liberté des journalistes ne semble plus pouvoir impunément être mise en cause. Non que de vieilles et fâcheuses habitudes aient totalement disparu, mais parce qu’elles ne parviennent plus, désormais, à s’exercer dans l’ombre, par l’auto-censure et l’intimidation.

Hier, la révocation de Larbi Belarbi, directeur général de la chaîne marocaine 2M, et des responsables de l’antenne et de l’information a fait quelques remous du côté de Casablanca. Leur faute ? Avoir laissé reprendre en revue de presse, la Une de l’hebdomadaire Le Journal, censuré le même jour, parce qu’il donnait la parole à Mohamed Abdelaziz, président du Front Polisario. Symboliquement, c’est toute l’ouverture attendue de l’avènement de Mohammed VI qui semble renvoyée aux calendes grecques… Même si ces censures sont tacitement ou explicitement approuvées par toute la presse, à gauche comme à droite, tant la question territoriale est sensible.

Aujourd’hui, tous les yeux sont braqués contre le sort du journaliste tunisien Taoufik Ben Brik, en grève de la faim depuis le 2 avril pour protester contre le « harcèlement » dont sa famille et lui-même étaient victimes, contre « l’interdiction d’écrire sur la Tunisie » qui lui avait été signifiée, et contre la privation de liberté de circulation et de communication qui lui était appliquée. Ne plus bouger, ne plus écrire, ne plus parler : comment mieux étouffer un journaliste qui a eu le front d’être libre ?

Journalistes de Presse de Langue Française

Mais la réaction de l’Union Internationale des Journalistes de Presse de Langue Française (UIJPLF), qui assurait Taoufik Ben Brick de sa « totale solidarité », a suivi de peu celle de l’Union des Journalistes Algériens, qui avait déjà fait part de son « indignation » face à sa situation. Admirables journalistes algériens, qui ont déjà payé leur lourd tribut aux extrémistes, pendant les dix années de sang dont leur pays sort enfin, et qui en ont gardé le goût du courage et de la vérité, comme le prouve la liberté des critiques impatientes qu’ils adressent à Abdelaziz Bouteflika, à l’occasion du premier anniversaire de son accession à la Présidence…

La prochaine réunion de l’UIJPLF aura justement lieu à Alger. Elle sera l’occasion de réaffirmer l’importance pour la vie démocratique de l’indépendance et de la responsabilité des journalistes. Mais elle se projettera aussi vers un avenir, imminent, où le développement d’Internet réduira à néant les velléités de censure : déjà certaines informations, diffusées sur Internet, ont circulé dans tout le Maghreb sans pour autant être imprimées. Or refuser Internet, ce serait refuser de participer, demain, aux grands flux d’échanges de richesses, de biens, et d’informations.

Ce n’est pas par hasard que le discours de François Mitterrand lors du Sommet franco-africain de La Baule liait démocratie et développement : les pays du Maghreb ne peuvent pas à la fois prendre la voie de la croissance économique et tourner le dos à la liberté d’expression. Quoi qu’en pensent les esprits chagrins, le progrès ne se divise pas, et la croissance ne va pas sans liberté politique.

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