Livres d’Afrique met « les 1001 littératures africaines » à l’honneur


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Un livre ouvert
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La seconde édition du salon Livres d’Afrique se déroule le samedi 28 octobre à l’Unesco, à Paris. Elle met à l’honneur « les 1001 littératures africaines ». Y seront présents une pléiade d’écrivains et d’éditeurs. A l’origine de cette manifestation, des étudiants du monde entier. Afrik.com s’est entretenu avec Jean-Paul Mvogo, le président de Livres d’Afrique.

Placée sous le signe de la diversité, l’édition 2006 du salon Livres d’Afrique présente « les 1001 littératures africaines ». Les jeunes étudiants africains et africanophiles qui organisent cette manifestation ont choisi ce thème pour mettre en valeur la créativité littéraire des écrivains africains et la diversité des situations littéraires d’un continent souvent considéré de manière monolithique. Dédicaces, expositions, débats, contes, initiation à la B.D, la diversité sera aussi présente dans les animations proposées au public ce samedi 28 octobre 2006. Jean-Paul Mvogo, 27 ans, brillant étudiant, est le président de Livres d’Afrique. Après avoir obtenu son bac au Cameroun, en 1997, il se rend en France et intègre Sciences Po Paris. Il prépare aujourd’hui une thèse de finances à l’université de Paris Dauphine. Afrik.com a recueilli l’interview de cet amoureux de la littérature et de l’Afrique.

Afrik.com : Comment avez-vous eu l’idée d’organiser le salon Livres d’Afrique ?

Jean-Paul Mvogo : Livres d’Afrique est parti d’un constat, en 2004. Nous nous sommes rendus compte que beaucoup d’étudiants africains ont été imprégnés de littérature africaine sur les bancs de l’école. Ils y ont découvert les grands classiques. Mais une fois qu’ils arrivent en France pour faire leurs études, ils sont coupés de l’actualité littéraire africaine. Comme beaucoup de membres de l’équipe, j’avais un goût prononcé pour cette littérature, mais je manquais de connaissances actuelles. Notre initiative est née de la volonté de reconnecter les étudiants de la diaspora avec la littérature africaine. Nous avons aussi voulu viser un public beaucoup plus large. Nombre de nos amis de Sciences Po, par leurs itinéraires, connaissaient bien la littérature mondiale exceptée celle du continent africain. Et ils avaient le désir de développer leurs connaissances sur le sujet.

Afrik.com : Qui compose l’équipe de Livres d’Afrique ?

Jean-Paul Mvogo : C’est un patchwork ! Les membres, pour la majorité, sont des élèves ou des anciens de Sciences Po et d’autres universités parisiennes. Ils sont d’origines diverses et variées. Pour moitié, ils sont africains. Les autres viennent du monde entier. Ils sont français, anglais, mexicains, brésiliens… Mais ce sont des personnes qui ont une fibre africaine très forte et la volonté de découvrir et de faire connaître l’Afrique.

Afrik.com : Pourquoi mettre tant d’énergie à faire découvrir la littérature africaine ?

Jean-Paul Mvogo : La littérature africaine doit être connue ! Il y a une culture, des langues, des modes de vie à partager. C’est une invitation au voyage. De plus, si l’on se limite au contexte français, il faut se rappeler que Paris a été une capitale pour cette littérature. Nous avons la volonté de renouer avec ce passé. Nous avons également senti autour de nous le désir de nombre de personnes qui souhaitaient être initiées à la littérature africaine mais ne savaient comment s’y prendre ni où aller. Car cette dernière reste une littérature d’initiés. Même les grands auteurs n’ont pas toujours de gros tirages.

Afrik.com : Que pourrons découvrir les visiteurs du salon Livres d’Afrique ?

Jean-Paul Mvogo : Il y en aura pour tous les goûts et tous les âges. Nous n’avons pas voulu faire un salon pour spécialistes. Il y aura des conférences d’initiation à la littérature africaine, des cafés littéraires, des expositions sur les grandes figures littéraires négro-africaines comme Aimé Césaire, Léopold Sedar Senghor, Amadou Hampâté Bâ. Et de nombreux écrivains de la nouvelle génération seront présents. Nous organiserons, par exemple, un débat avec Alain Mabanckou sur le thème des nouveaux écrivains africains et leur lectorat. Est-ce qu’ils écrivent des ouvrages qui correspondent aux goûts des Africains du continent et de la diaspora ? Il y a-t-il une rupture entre les écrivains de l’époque des indépendances, très engagés, et ceux d’aujourd’hui beaucoup plus centrés sur l’individu que sur le collectif ? Au-delà de ces débats, il y aura aussi des ateliers n’initiation à la BD et un espace librairie. Celui-ci, pour répondre aux désirs des visiteurs de l’an dernier, sera consacré pour moitié à la littérature technique, et l’autre partie aux auteurs indépendants et aux petites maisons d’édition. Enfin, il ne faut pas oublier le cœur du salon : l’espace dédicaces où seront présents plus de 120 auteurs.

Afrik.com : En 2005, le salon était consacré à la femme et cette année aux 1001 littératures africaines. Pouvez-vous nous expliquer le choix de ces thèmes ?

Jean-Paul Mvogo : Lors de la première édition de Livres d’Afrique, nous sommes partis d’un constat. La femme, comme dans de nombreux domaines, était marginalisée de la littérature africaine. Donc nous avons eu la volonté de rencontrer des femmes auteurs, de les entendre, et de découvrir la place des femmes en tant personnages dans les contes et les romans. Nous voulions aussi rendre hommage à celles qui chaque jour font la force de l’Afrique… Cette année, nous voulons parler des 1001 littératures d’Afrique parce que linguistiquement le continent est très riche. Plus de 1300 langues et dialectes sont parlés en Afrique. Et la littérature produite dans ces langues n’est pas toujours connue. Nous avons aussi la volonté de mettre en avant la diversité stylistique. Il y a de la poésie, du roman, des contes, et certains auteurs écrivent dans un français très pur et d’autres à l’africaine, dans une langue très imagée. Notre thème de cette année répond aussi à la situation de la filière littéraire en Afrique. Dans certains pays elle fonctionne, dans d’autres il est très complexe d’éditer et de trouver des livres. Et cette diversité, Livres d’Afrique la présentera de 1001 façons !

Afrik.com : Livres d’Afrique organise également un concours…

Jean-Paul Mvogo : Oui, nous dispensons deux prix littéraires. Le concours « Jeune auteur d’Afrique » récompense de nouveaux talents. Car une carrière se bâtit rapidement et très tôt. Les prix apportent la renommée, mais les écrivains africains n’ont pas toujours la possibilité d’y accéder. Par conséquent, nous nous sommes focalisés sur les jeunes. Ils concourent dans une catégorie roman et une catégorie conte et poésie. L’an dernier, le vainqueur de la première catégorie, Edem, a vu son roman Port Mélo, publié chez Gallimard dans la collection Continent Noir. En 2005, nous avions reçu 73 manuscrits et cette année plus de 100.

Afrik.com : Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans la réalisation de ce salon ?

Jean-Paul Mvogo : Réaliser cette manifestation, c’est dur. D’autant plus dur que nous sommes des étudiants qui fonctionnons sur la base du bénévolat. Il y a les cours, les devoirs, les partiels à gérer en même temps. Mais il y a la nécessité d’avoir une attitude professionnelle. Car une réputation se fait très rapidement. Nous avons la volonté de monter un projet qui donne une bonne image de l’Afrique : compétente, professionnelle et ouverte. Et créer cette crédibilité n’est pas évident. L’autre difficulté est de convaincre les partenaires. Mais c’est un peu moins problématique cette année, grâce au succès de l’édition précédente. De toutes façons, montrer quelque chose de beau sur l’Afrique est un challenge qui nous motive.

Afrik.com : Combien de personnes attendez-vous au salon Livres d’Afrique ?

Jean-Paul Mvogo : Il y aura plus de 120 écrivains, 35 maisons d’édition, 9 associations, et l’an dernier nous avons accueilli 5000 visiteurs. En 2005, le défi était la réalisation de la manifestation, aujourd’hui c’est sa pérennisation. L’an dernier, on avait peur le matin en arrivant, lorsque la salle était vide. Et l’après-midi, elle était pleine ! On a lu notre succès dans les yeux des éditeurs et des écrivains. Au moment de la clôture, les gens ne voulaient pas partir ! Cette année, nous nous y sommes mieux pris au niveau de la communication. Nous avons consolidé notre base de partenaires africains et atteint les médias généralistes franco-français. Sur cette base, nous espérons que le public sera plus dense et plus varié.

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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