Litige immobilier : la France l’emporte contre Malabo à La Haye


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Justice, Tribunal
Tribunal (illustration)

La Cour internationale de justice a donné raison à la France dans le contentieux qui l’oppose à la Guinée équatoriale sur l’affaire des « biens mal acquis ». En rejetant la demande de Malabo visant à bloquer la vente d’un hôtel particulier parisien saisi, les juges de La Haye valident la décision française.

La Cour internationale de justice (CIJ) a tranché en faveur de la France dans l’un des volets du contentieux qui l’oppose depuis plus d’une décennie à la Guinée équatoriale. En rejetant la demande de Malabo visant à bloquer la vente d’un hôtel particulier parisien saisi dans l’affaire des « biens mal acquis », la juridiction de La Haye relance un débat où se mêlent justice, souveraineté et accusations de néocolonialisme.

Une propriété au cœur d’un litige diplomatique

Situé avenue Foch, à deux pas de l’Arc de Triomphe, l’hôtel particulier qui suscite tant de tensions est estimé à plus de 100 millions d’euros. Il avait été saisi en 2012 par les autorités françaises dans le cadre d’une enquête pour corruption visant Teodoro Nguema Obiang Mangue, dit « Teodorin », vice-président de Guinée équatoriale et fils du chef de l’État Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, au pouvoir depuis 1979.

En 2021, la justice française avait confirmé la condamnation de Teodorin à trois ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amende et la confiscation de ses biens saisis, dont cette luxueuse demeure équipée d’un cinéma, d’un hammam et de sanitaires en marbre et en or.

La requête rejetée par la CIJ

Saisie en urgence, la CIJ a rejeté vendredi la demande de la Guinée équatoriale, qui souhaitait empêcher la France de vendre l’immeuble et obtenir un accès immédiat et sans restriction à la propriété. Le juge président Yuji Iwasawa a estimé que Malabo n’avait pas démontré de « droit plausible » à la restitution du bâtiment, et la cour a voté à une large majorité contre les mesures conservatoires.

Ce revers judiciaire marque une victoire symbolique pour Paris, qui voit ainsi validée sa position face aux accusations d’atteinte à la souveraineté formulées par Malabo.

Entre souveraineté et accusations de néocolonialisme

Lors des audiences, l’ambassadeur de Guinée équatoriale en France, Carmelo Nvono-Nca, avait dénoncé une approche « paternaliste, voire néocoloniale », accusant Paris de mépris à l’égard de la souveraineté de son pays. De son côté, la France a fustigé ce qu’elle qualifie de « manœuvre abusive » visant à retarder l’exécution de décisions judiciaires définitives.

Ces échanges soulignent combien cette affaire dépasse le simple cadre judiciaire : elle symbolise aussi le bras de fer politique entre un État africain accusant une ancienne puissance coloniale d’ingérence, et une France qui se veut garante de la lutte contre la corruption internationale.

Une bataille qui n’est pas terminée

Si la décision de la CIJ constitue un succès diplomatique pour Paris, elle ne met pas fin au différend entre les deux pays. La Guinée équatoriale conserve la possibilité de poursuivre d’autres recours et continue de dénoncer ce qu’elle perçoit comme une instrumentalisation du droit à des fins politiques.

En toile de fond, demeure la question centrale des « biens mal acquis » : faut-il restituer les biens confisqués aux populations spoliées, comme le réclament de nombreuses ONG, ou les gérer selon les procédures judiciaires internes aux pays concernés ? Dans ce duel juridique et politique, la décision de La Haye n’est sans doute qu’une étape, mais elle confirme que la France a, pour l’heure, remporté une bataille décisive.

Maceo Ouitona
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Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
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