
Après dix ans de détention sans procès, le Liban a ordonné la libération d’Hannibal Kadhafi, fils de l’ancien dirigeant libyen, contre une caution record de 11 millions de dollars.
Après dix années de détention sans procès, Hannibal Kadhafi, fils de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, a obtenu ce vendredi 17 octobre sa libération sous caution, fixée à 11 millions de dollars. Une décision judiciaire qui suscite de nombreuses réactions, tant à Beyrouth qu’à Tripoli.
Une libération sous haute tension
Le juge libanais Zaher Hamadeh a ordonné la remise en liberté de Kadhafi, détenu depuis 2015 au siège de la police à Beyrouth, après son enlèvement par un groupe armé libanais. Ce groupe exigeait alors des informations sur la disparition en 1978 de l’imam Moussa al-Sadr, fondateur du mouvement chiite Amal et figure emblématique du chiisme libanais.
Selon des sources judiciaires, la libération est conditionnée au versement de la caution et à une interdiction de quitter le territoire libanais pendant deux mois. L’avocat de Kadhafi, Laurent Bayon, a dénoncé une décision « absurde », estimant que la caution « n’a aucun sens pour un homme détenu arbitrairement depuis dix ans » : « Hannibal Kadhafi a déjà payé, même s’il est innocent. Il n’a rien à se reprocher et n’a aucun lien avec la justice libanaise », a-t-il déclaré à l’AFP.
Une affaire politique vieille de près d’un demi-siècle
Hannibal Kadhafi, âgé de 49 ans, avait trois ans au moment de la disparition de Moussa al-Sadr lors d’une visite officielle en Libye. Les autorités libanaises l’accusent de « recel d’informations » dans cette affaire jamais élucidée. La famille du religieux soutient qu’il pourrait encore être détenu en Libye, bien que la plupart des Libanais le croient mort.
Cette affaire est longtemps restée un tabou politique au Liban, notamment en raison du poids du président du Parlement, Nabih Berri, à la tête du mouvement Amal fondé par Moussa al-Sadr. Selon plusieurs observateurs, la décision de justice marquant la libération de Kadhafi symboliserait le déclin de l’influence politique de Berri, qui bloquait depuis des années toute tentative de remise en liberté.
Un détenu malade et isolé
Ces derniers mois, l’état de santé d’Hannibal Kadhafi s’était gravement dégradé. Il avait entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention sans procès, poussant Tripoli à demander officiellement sa libération en 2023. Son avocat a confirmé qu’il avait été hospitalisé récemment à Beyrouth et qu’il souffrait d’un état de fatigue extrême.
Kadhafi, marié à l’actrice libanaise Aline Skaf, vivait en exil en Syrie avec sa famille avant d’être enlevé et remis aux autorités libanaises en décembre 2015. Depuis, il avait été placé en isolement et était visé par des sanctions internationales, notamment le gel de ses avoirs par l’Union européenne et l’ONU depuis 2011.
Un avenir incertain au Liban
La défense d’Hannibal Kadhafi a déposé une plainte contre l’État libanais à Genève, accusant les autorités de détention arbitraire. L’affaire devrait être examinée par la justice suisse dans les prochaines semaines. Laurent Bayon a également alerté sur les risques sécuritaires pesant sur son client : « Sa sécurité au Liban est une réelle préoccupation. Il ne veut pas rester à la merci d’un juge ou d’un gouvernement qui pourrait le détenir à nouveau », a-t-il déclaré.
Pour l’heure, Hannibal Kadhafi reste confiné dans sa cellule, en attendant le paiement de la caution et les formalités de sa libération effective.