Levée de l’état d’urgence en Algérie : le changement dans la continuité


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L’ouverture tant attendue n’a pas eu lieu. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a, la semaine dernière, levé l’état d’urgence qui était en vigueur depuis 1992. Mais le champ des libertés ne sera pas pour autant étendu.

Qu’est-ce qui a réellement changé depuis la levée de l’état d’urgence en Algérie ? Longtemps réclamé par l’opposition, le décret abrogation de cette mesure d’exception a été publié le 24 février dernier au Journal Officiel. Pour autant, les libertés politiques restent retreintes en Algérie et l’armée garde la mainmise sur le domaine de la lutte antiterroriste.

La manifestation qui devait se tenir à l’appel de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) le 26 février, soit deux jours après l’annonce de l’abrogation de l’état d’urgence, en vigueur depuis 1992, a été durement réprimée par la police. « Les marches ne sont pas interdites, elles sont soumises à autorisation. Pour être autorisées, les marches doivent offrir le maximum de garanties quant aux risques. Le moment ne paraît pas être venu pour autoriser les marches à Alger », a indiqué le ministre de l’Intérieur, Dahou Ould Kablia, à la radio algérienne. La CNCD, qui réclame le « départ du système », avait déjà organisé des marches le 12 et le 19 février, toutes deux empêchées par les autorités.

Pas d’agréments pour les nouveaux partis

La levée de l’état d’urgence ne sera pas suivie d’une ouverture politique pour le moment. Ainsi, l’agrément de nouveaux partis politiques ne semble pas à l’ordre du jour. « Cela ne veut pas dire qu’ils ne le seront pas lorsque le moment apparaîtra opportun. Aucun agrément n’a été délivré pour l’instant », a encore indiqué le ministre de l’Intérieur. Dernièrement, des informations de presse avaient fait état de l’agrément prochain de plusieurs partis politique, dont le Parti de la liberté et de la justice (PLJ) de Mohamed Saïd, du Front démocratique (FD) de l’ancien chef de gouvernement, Sid Ahmed Ghozali, et de l’Union pour la démocratie et la république (UDR) de Amara Benyounes. Les dossiers d’agrément de ces partis trainent dans les tiroirs du ministère de l’Intérieur depuis presque dix ans.

Le président Bouteflika avait promis début février, lors de sa première sortie médiatique depuis les émeutes de la vie chère en janvier, l’ouverture de la télévision publique à tous les partis d’opposition. Mais hormis les partis de l’Alliance présidentielle (FLN, RND et MSP) et les formations favorables au pouvoir, comme le Parti des Travailleurs (PT) de Louisa Hanoune, aucun mouvement d’opposition n’a été convié sur les plateaux de la télévision pour débattre de la situation de politique du pays. De plus, l’opposition réclame depuis plusieurs années l’ouverture du champ audiovisuel aux opérateurs privés. Mais sur ce point, le pouvoir n’entend faire aucune concession.

Les procédures d’exception accordées au ministère de l’Intérieur dans le cadre de l’état d’urgence sont désormais abrogées. La garde à vue de 12 jours ne peut plus excéder 48 heures, renouvelable par le procureur de la République. De même, les arrestations, perquisitions et écoutes téléphoniques devront se faire sous le contrôle d’un magistrat. Quant à l’armée algérienne, véritable puissance politique et économique dotée d’importants pouvoirs de police sous l’état d’urgence, elle reste en charge de la lutte antiterroriste.

Plusieurs partis d’opposition estiment que la levée de l’état d’urgence en Algérie n’est en réalité qu’un message destiné à vendre l’image d’une Algérie soucieuse d’ouverture auprès des grandes puissances au moment où un vent de révolte sans précédant est en train de secouer le monde arabe.

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