Lettre au Président Obama


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Barak Hussein Obama
Président des Etats-Unis d’Amérique
Maison blanche
Washington, DC

Le 26 juin 2013

Monsieur le Président,

vous foulerez dans quelques heures le sol du continent africain où vous êtes attendu avec impatience. L’Afrique fait partie intégrante de mon ADN, c’est le continent où je suis né et où se trouvent mes racines. C’est là où j’ai rencontré mes meilleurs amis, c’est le pays qui m’a imprégné de lieux et d’odeurs, dont les habitants ont su cohabiter dans la paix et l’harmonie pendant plusieurs siècles, qui n’avait jamais connu les conflits d’ordre religieux que nous vivons aujourd’hui. L’Afrique, c’est aujourd’hui un pays d’un milliard d’habitant, dont de nombreux jeunes à la recherche de perspectives, qui placent en vous d’énormes espoirs à la veille de votre arrivée.

Votre voyage en Afrique intervient à un moment particulièrement opportun. Nelson Mandela, icône mondiale et mentor qui vous a sans nul doute inspiré et qui est comme vous lauréat du prix Nobel de la paix, est au crépuscule de sa vie. Ce n’est pas une coïncidence, mais un message, un passage de témoin. Je pense que c’est le signe que vous avez personnellement un rôle de premier plan à jouer dans l’avenir de ce continent.

J’ai réuni début juin au Gabon sous le patronage de S.E. le président Ali Bongo Ondimba le New York Forum AFRICA 2013, en présence de dix chefs d’Etat et de plus de 1 500 chefs d’entreprise. A Libreville, nos discussions sur les moyens d’accélérer le développement économique et social ont débouché sur des résultats concrets et des innovations politiques, parmi lesquels le lancement d’un fond de formation professionnelle, des propositions pour faciliter la mobilité de la main d’œuvre et des mesures essentielles pour lutter contre le trafic de médicaments.

Après ces échanges intenses entre dirigeants des Etats-Unis, d’Afrique et du reste du monde, j’ai quitté Libreville la semaine dernière fort d’une conviction profonde, celle que le continent a besoin de l’Amérique et de votre leadership. Aujourd’hui, l’Afrique doit réaliser d’elle-même ce que les Etats-Unis ont de mieux à offrir. Ses peuples sont déjà inspirés par les Etats-Unis, par la technologie, l’innovation, la créativité, l’ouverture, la stabilité, la sécurité et la promesse que la génération actuelle bénéficiera de meilleures opportunités que les générations qui l’ont précédée. L’Afrique doit maintenant répliquer l’ADN de votre grande nation. Au cours de cette décennie, l’Afrique a trouvé sa voix et réclame aujourd’hui des partenariats et des investissements. Notre ami commun Larry Summers qui était mon invité au Forum l’a dit en des termes très justes : dans un monde où les pays prêteurs parlent et où les pays emprunteurs écoutent, le moment est venu pour l’Afrique de parler et pour le monde d’écouter. Le Sénégal peut emprunter à des taux inférieurs à ceux de la Grèce, et le Gabon bénéficie de taux plus favorables que la Belgique et le Chili.

L’Afrique ne se résume pas au pétrole et aux ressources naturelles. L’Afrique, c’est la jeunesse, le talent, l’enthousiasme et la passion, ce sont des jeunes filles et des jeunes garçons qui aspirent à la démocratie, au leadership, à l’éducation et à la santé. L’Afrique, c’est le changement, ce sont des citoyens qui se lèvent face à leurs gouvernements et aux acteurs non étatiques et disent qu’ils veulent être maîtres de leur destin et réunir les conditions pour la paix et le progrès dans leurs pays. Les Africains ont montré à leurs sœurs et frères à Tunis qu’ils ne craignent pas un changement de régime, et à Tombouctou qu’ils peuvent se rebeller lorsque crimes et conflits font obstacle au développement économique des peuples.

Je suis convaincu que le continent africain constitue aujourd’hui avec les Etats-Unis une plateforme idéale pour créer une co-entreprise mondiale avec d’autres acteurs économiques majeurs, aux premiers rangs desquels l’Union européenne et la Chine. L’objet de cette « co-entreprise » ne serait pas d’apporter une aide ou d’investir dans les industries extractives, mais de soutenir une croissance durable et inclusive profitant au continent et à ses habitants. Ce processus, Monsieur le Président, je sais que vous pouvez et devez l’encourager et le conduire.

Je voudrais en profiter pour partager avec vous mon rêve et vous inviter, dans le cadre d’un nouveau partenariat mondial pour l’Afrique qui s’inscrit dans le droit fil de l’engagement des Etats-Unis pour la réalisation du potentiel économique de l’Afrique, à apporter une assistance technique et financière à Train My Generation, le fond pour l’emploi créé par S.E. le président Ali Bongo Ondimba, ses pairs de la CEMAC et mon New York Forum Institute, que vous connaissez bien. Train My Generation financera la création de 50 établissements d’enseignement professionnel qui formeront 100 000 élèves et chômeurs en 18 à 24 mois. Ces écoles se concentreront sur les trois secteurs – tourisme, agriculture et distribution – qui ont le plus gros potentiel de croissance et de création d’emplois. J’espère que le gouvernement américain deviendra un pilier de ce fond et participera à son impact transformateur pour l’Afrique.

Peut-être savez-vous déjà que nous célèbrerons la vie et l’œuvre du docteur Albert Schweitzer, lauréat comme vous du Prix Nobel de la paix, à l’occasion du 100ème anniversaire de la fondation au Gabon de sa clinique, réputée pour l’excellence des soins qu’elle dispense. Monsieur le Président, comme vous pouvez accomplir beaucoup pour l’Afrique en montrant l’exemple, je voudrais reprendre à mon compte cette citation du docteur Schweitzer, ce grand humaniste dont l’héritage a considérablement influencé l’Afrique et le monde : « Faites quelque chose de merveilleux, les gens peuvent l’imiter ». J’espère que votre visite sera couronnée de succès.

Bien à vous,
Richard Attias
Fondateur du New York Forum et du New York Forum AFRICA

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