Les voix de la clandestinité au Sahel


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Selon les estimations de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), il y aurait jusqu’à 35 000 migrants clandestins qui quittent l’Afrique subsaharienne chaque année pour gagner l’Afrique du Nord et l’Europe.

Les chercheurs ont concédé qu’il était quasi impossible de contrôler ces migrations, qui se déroulent dans le secret, un secret facilité par les relations familiales, les faveurs, les pots-de-vin et les violences.

Malgré les mesures de sécurité plus sévères et les expulsions massives auxquelles procèdent les forces de sécurité nord-africaines, des milliers de migrants ouest-africains tentent encore la traversée du désert à partir du nord du Niger, en passant par Agadez, ville de transit. Les migrants qu’IRIN a rencontrés ont souhaité conserver l’anonymat.

Flore*, nigériane, 20 ans

« Je suis arrivée à Agadez (Niger) avec une dizaine d’amis. Je veux aller en Algérie, et pourquoi pas poursuivre mon parcours jusqu’en Allemagne ? Quand je suis arrivée à Agadez, des policiers m’ont pris tout mon argent sans me donner de reçu. Je me suis retrouvée sans un sou, à devoir me débrouiller pour trouver 150 dollars (la somme requise pour le passage jusqu’à Tamanrasset, en Algérie). Je suis une fille instruite, une bonne chrétienne, si on veut, mais ici, je dois vendre mon corps pour survivre. J’ai du mal à retenir mes larmes, parfois. Les clients ne manquent jamais, ici. Et bon nombre d’entre eux ne paient pas parce que ce sont des représentants des autorités. À qui pourrais-je me plaindre ? ».

Un migrant ghanéen, 26 ans

« Je suis originaire de Kumasi, dans la région d’Ashanti, au Ghana. Nous voulons partir en Libye pour travailler et mettre de côté un peu d’argent ; ça nous aiderait. Si je mets de côté beaucoup d’argent en Libye, je retournerai au Ghana, mais si je n’ai pas de chance, je poursuivrai mon parcours jusqu’en Europe. Mon rêve est de devenir riche, parce que la pauvreté est source de honte pour les hommes jeunes. Quand je suis arrivé à Niamey, j’ai payé presque 30 dollars pour prendre un bus jusqu’à Agadez. Nous étions environ 25 personnes. Les passagers nigériens ont pu poursuivre leur voyage. Mais à nous, la police nous a dit d’entrer dans une salle. Là, ils nous ont dit : “si vous avez un passeport, donnez-nous 10 dollars. Sinon, c’est 20 dollars. Cinquante dollars pour aller à Dirkou (à 650 kilomètres d’Agadez), et 70 dollars pour aller en Libye” ».

Adolf*

« Vous n’êtes pas de la police, par hasard, non ? Parce qu’après m’avoir promis de me conduire jusqu’à la frontière marocaine, un Nigérien m’a dépouillé de mes 500 dollars et m’a dénoncé à la police. J’ai passé toute la journée en détention ».

Ahmed*, passeur

« Pour moi, ce travail est rentable. Ce n’est pas fatigant du tout. L’essentiel, c’est d’avoir le courage de faire face aux dangers que cela implique. Si les migrants sont arrêtés, nous avons tous des ennuis. Est-ce qu’il nous arrive de les laisser mourir dans le désert ? Ça n’a pas de sens (en réponse aux allégations de certains migrants, selon lesquelles des passeurs auraient abandonné les passagers de leur véhicule dans le désert). L’année dernière, j’ai crevé un pneu pas loin de Tadara, un puits d’eau situé à une centaine de kilomètres d’Arlit. J’avais 38 passagers, ghanéens, pour la plupart. Il a fallu quelques jours pour réparer le véhicule ; beaucoup d’entre eux ont préféré abandonner la voiture pour tenter de gagner la frontière libyenne à pied. Résultat : j’ai entendu dire que beaucoup d’entre eux étaient morts de soif ».

Un responsable religieux d’Agadez

« Je les aide à titre personnel, pas au nom de l’église. Je leur donne des conseils et un peu d’argent pour qu’ils puissent manger. C’est tout. Ils viennent à l’église parfois, le dimanche, pour prier avec nous ».

* Noms d’emprunt

Photo: Ibrahim Diallo Manzo/IRIN

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