Les Touaregs : un exil perpétuel ?


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Le 17 janvier 2012 éclatait de nouveau une rébellion Touareg dans le Nord-Est malien. Cette révolte est déclenchée par des combattants du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), issus du régime déchu de Khadafi. Ces derniers sont rentrés au Mali très lourdement armés. Ce mouvement réclamant l’autonomie politique d’un territoire dénommé l’Azawad, – la partie nordique de l’actuel Mali – enchaîne des succès militaires face à l’Armée Malienne. Les rebelles allaient deux mois plus tard, le 22 mars, provoquer indirectement un coup d’Etat au Mali.

Le 6 avril, le MNLA proclame l’indépendance de l’État de l’Azawad. Cette proclamation, « unilatérale », est rejetée par la communauté internationale. Mais le mouvement Touareg dit trouver ainsi une solution définitive au conflit qui oppose le Nord et le Sud du Mali depuis l’indépendance de ce pays, en 1960. Avec une première révolte en 1963, puis celle de 1990, et de 2006.

En 2012, le conflit atteint des proportions aux conséquences humanitaires assez inquiétantes. En effet, ces affrontements, entre rebelles et militaires provoqueront l’exil de 210 000 personnes, déplacées internes et réfugiés dans les pays frontaliers du Mali. Ils sont environ 70 000 à être arrivés depuis trois mois en Mauritanie. Comme en 1990, ils sont partis femmes, enfants et hommes, en laissant tout derrière eux. Les exilés sont installés dans des campements humanitaires à l’extrême Sud-Est mauritanien. Là où le vent, la chaleur, la soif et les épidémies se traduisent par une sécheresse aussi rude que la vie désertique.

Pour faire le point sur la situation de ces réfugiés, nous rencontrons le responsable d’une ONG mauritanienne, la première organisation humanitaire à avoir apporté une aide en direction des réfugiés qui ont fuit le Nord-Mali.

Afrik.com : Pouvez-vous vous présenter ?
Hamada :
Je m’appelle Mohamed Mahmoud Sidi dit Hamada, je suis de Nouakchott, en Mauritanie. Je suis président d’une organisation humanitaire, l’Organisation pour l’assistance aux enfants malades et en situation difficile (OAEMSD).

Afrik.com : Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre organisation ?
Hamada :
Notre siège social se situe à Nouakchott. Nous avons crée cette association pour venir en aide aux nombreux enfants nécessiteux menacés par les maladies, la pauvreté, le manque d’éducation et le sous-développement, en général. Nous sommes une équipe composée d’un président, d’un secrétaire général, d’un trésorier, d’un commissaire au compte, d’un responsable des relations extérieures, et cinq membres permanents. Nous sommes représentés par une quarantaine de volontaires au niveau de la capitale Nouakchott et à l’intérieur du pays.

Afrik.com : Concrètement, quelles actions menez-vous ?
Hamada :
Nous accueillons les enfants malades et en situation difficile, nous assistons les nécessiteux à travers l’appui sanitaire et éducationnel. Nous facilitons l’accès des enfants cibles à la nutrition et aux services de santé de base. Nous faisons travailler la créativité de ces enfants et nous permettons aussi aux groupes concernés de se préparer à l’apprentissage et à l’éducation, en général. Nous menons des programmes au cours desquels, nous impliquons des enfants aux manifestations culturelles et artistiques. Nous revenons d’une mission d’urgence, d’aide aux réfugiés maliens, dans le Sud-Est mauritanien.

Afrik.com : Pouvez-vous nous dire quelle est la situation de ces réfugies maliens aujourd’hui en Mauritanie ?
Hamada :
Depuis le 25 janvier 2012, plusieurs dizaines de milliers de personnes fuient le conflit armé au Nord Mali, beaucoup d’entres elles ont trouvé refuge en Mauritanie.

À ce jour, les exilés se trouvent tous dans les camps de Mbéra (à 60 km de la frontière). Ils sont environ 70 000 personnes selon les chiffres officiels. Un centre de transit à été installé par le HCR (Agence des Nations unies pour les réfugiés, ndlr) à Fassala pour réceptionner puis acheminer les réfugiés vers Mbéra. Il existe un écart entre les chiffres que détiennent les autorités et le HCR. Cette différence est due à l’arrivée de certains refugiés directement au camp tandis que d’autres s’installent à la frontière et ne sont pas pris en compte par l’Agence des Nations unies. A cela, il faut ajouter les quelques familles que la protection du HCR a identifiées et enregistrées au niveau du camp de Mbéra.

Il faut par ailleurs signaler la présence de plus de 3 500 réfugiés maliens dans la ville de Nouakchott. Ces derniers sont sans aucune assistance.

Afrik.com : Je crois que vous êtes la toute première ONG à être intervenue dans les camps de réfugiés ?
Hamada :
Nous étions les premiers à intervenir dans le camp des réfugies dès février 2012. Lors de notre arrivée dans le camp, le nombre de refugiés était estimé à 13 000. Ces personnes étaient dans un état catastrophique caractérisé par la crainte et le désespoir en plus du manque d’abris et de nourriture. Nous avons apporté une aide composée d’un lot de médicaments, des habits pour les enfants et des couvertures. Cette contribution était nécessaire pour faire évaluer les besoins vitaux de ces refugiés.

 

Afrik.com : Pourquoi avoir dépêché une aide aussi rapidement, plus vite que les grandes organisations reconnues pour les situations d’urgence ?
Hamada :
En tant qu’humaniste et président d’une ONG humanitaire, je n’ai pu rester les bras croisés devant cette situation indescriptible de ces refugiés chassés par la violence des armes, la peur et la faim.

Afrik.com : On parle d’environ 70 000 personnes (voire plus) aujourd’hui, dans les camps, où en est-on de l’aide humanitaire internationale ?
Hamada :
Dans le cadre de l’intervention humanitaire internationale dans les domaines de la santé, l’éducation, les vivres et l’approvisionnement en eau potable, nous pourrons citer des grandes organisations telles que le PAM (Programme alimentaire mondial, ndlr) qui a réalisé avec le HCR une large donation de vivres et de tentes. D’autres organismes tels que MSF-Belgique (Médecins sans frontières, ndlr), Solidarités International et l’UNICEF ont contribué en ce qui concerne la santé, l’eau, et l’éducation. Toutefois, selon les portes paroles des réfugiés, l’aide demeure insuffisante, et la situation scolaire est préoccupante. L’avenir de plusieurs milliers d’enfants, d’élèves et étudiants est sombre.

Afrik.com : Envisagez-vous avec votre organisation de repartir de nouveau pour exécuter des programmes sur les camps ?
Hamada :
Comme d’habitude, notre organisation a toujours envisagé après notre retour du camp de repartir de nouveau. Mais, cette fois-ci nous voulons partir lentement mais sûrement après avoir évalué les besoins du camp par rapport à nos moyens.

Afrik.com : Avez-vous un appel à faire ?
Hamada :
Je saisi cette occasion pour m’adresser à toutes les organisations nationales et internationales agissant dans le cadre humanitaire et leur demander de répondre à cet appel alarmant venant d’un désert frappé par la sécheresse, le soleil ardent, occupé par une population sans abris et fuyant la guerre en espoir de retrouver la paix et la prospérité. Nous lançons un appel à ces bonnes volontés pour nous aider à accomplir notre mission humanitaire auprès de ces réfugiés. Toute aide est la bienvenue.

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