Les séropositifs sénégalais discriminés


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Un rapport de la Section sénégalaise d’Amnesty International montre que les Sénégalais porteurs du virus HIV sont victimes de discriminations au sein du corps médical. Le secret médical n’est pas toujours respecté à leur encontre et certains médecins leur refusent des soins.

Les porteurs du VIH sénégalais sont encore victimes de discriminations dans le milieu médical, 20 après l’isolement de ce virus responsable du sida. C’est ce qui ressort d’un rapport publié la semaine dernière par le Groupe médical de la Section sénégalaise d’Amnesty International.  » Certains membres de ce Groupe nous ont alerté sur des pratiques discriminatoires dont sont victimes les malades du sida et des malades se sont plaint de ces pratiques « , explique Félix Atchadé, médecin, président du Groupe médical et principal auteur du rapport avec Ann Spencer.

D’où la création d’un atelier en juillet 2001,  » VIH/sida et droits de l’Homme en milieu médical « , qui a permis de cerner les problèmes et d’aboutir à la rédaction du rapport. Celui-ci pointe différentes formes de discrimination : le dépistage sans aucune forme de consentement – qui peut être dû à la crainte des médecins de soigner un séropositif-, la violation flagrante de la confidentialité, le refus de dispenser des traitements et des soins aux personnes vivant avec le VIH, ainsi que la complicité dans le refus de les traiter (pour le personnel médical).

Violation du droit à l’intimité

 » Le plus grave, c’est la violation du droit à l’intimité des personnes, du droit à leur vie privée. Les tests de dépistage se font ainsi régulièrement à l’insu du patient, auquel les résultats ne sont pas annoncés et qui ne déterminent pas une quelconque prise en charge. Les résultats sont communiqués à des personnes tierces, ce qui donne des situations inadmissibles où seul le principal intéressé n’est pas au courant de son état !  » indique Félix Atchadé.

Selon le rapport, certains médecins se refusent à discuter des résultats des tests sérologiques avec leur patient, par peur de ne pouvoir gérer les réactions ou bien refusent de communiquer une information claire permettant aux personnes de prendre des décisions en toute connaissance de cause.  » Pour faire évoluer les mentalités il ne faut pas prendre de front le pouvoir médical, très fermement établi en Afrique. Il faut rencontrer les médecins, les sensibiliser aux droits des patients et leur expliquer que les pratiques discriminatoires ne sont pas productives du point de vue de la santé publique. Même si je n’aime pas trop cette expression, il faudrait organiser des cours d’éducation aux droits de l’Homme en milieu médical.  »

1,4% de taux de prévalence

Les manquements aux règles de déontologie, s’ils sont parfois dus à des préjugés et des peurs, s’expliquent également par l’absence de textes légaux définissant et protégeant les droits des personnes vivant avec le VIH, ainsi que par les carences du système de santé sénégalais qui souffre du manque de moyens et de personnel. Pour autant, la prise en charge des séropositifs est dans l’ensemble assez bonne au Sénégal.  » Depuis deux ans, il y a un effort de décentralisation des soins. Avant, les centres spécialisés étaient concentrés dans la capitale. Il y a eu beaucoup de choses faites dans la lutte contre le sida et ce, très tôt. C’est pourquoi le bilan de la lutte est positif. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas rester vigilant.  »

Le Sénégal peut aujourd’hui s’enorgueillir de posséder l’un des taux de prévalence les plus faibles d’Afrique subsaharienne (1,4%). Malgré le prix très élevé des médicaments, le pays mise sur l’Initiative sénégalaise d’accès aux anti-rétroviraux.  » Dans ce programme, un millier de malades sont pris en charge. 75% d’entre eux ne paient rien, les autres ont un forfait de 5 000 FCFA par mois. Ce sont bien sûr des privilégiés et des milliers d’autres sont délaissés « , regrette Félix Atchadé.

Traitement équitable

Le rapport, étayé de nombreux exemples, permet de se rendre compte des problèmes rencontrés au quotidien par les séropositifs sénégalais et du rôle-clé que jouent les professionnels de la santé. Ce sont eux qui sont le plus à même d’influer sur le comportement et de réduire le risque de transmission.

Pour Oumar gaye, magistrat et membre de la section sénégalaise d’Amnesty International,  » Les personnes, quel que soit leur statut, ont le droit d’être traitées équitablement – en tenant compte de leurs besoins spécifiques, que ce soient des femmes, des enfants ou des personnes privées de leur liberté, et quelle que soit la structure fréquentée : publique, privée, dispensaire, prison ou hôpital psychiatrique « . C’est exactement ce que défend le rapport.

Lire le rapport.

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