Les religieux s’arment contre le sida


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John Essobé

Une soixantaine de leaders religieux d’Afrique de l’Ouest et du Centre achèvent, ce mercredi, au Sénégal, un atelier de réflexion sur la lutte contre le VIH/sida. La rencontre, initiée par l’Unicef et l’Onusida, vise particulièrement à renforcer l’action des évêques, imams et pasteurs dans la réduction de l’impact de la pandémie sur les enfants.

Tous unis contre le VIH/sida. Des leaders religieux catholiques, protestants et musulmans d’Afrique de l’Ouest et Centrale sont réunis depuis lundi, à Dakar (Sénégal), pour un atelier de réflexion sur la lutte contre la maladie. A l’initiative de l’Unicef et de l’Onusida, les évêques, pasteurs et imams d’une vingtaine de pays échangent leurs expériences de sensibilisation contre la pandémie, dont la prévalence oscille entre 1 et 13% dans l’Ouest et le Centre du continent. En matière de prévention, la majorité d’entre eux « sont ouverts en ce qui concerne la sexualité. Ils savent que le sida se transmet surtout sexuellement et, s’ils gardent toujours comme grands principes l’abstinence et la fidélité, ils recommandent le port du préservatif quand il n’y a pas moyen de faire autrement », indique-t-on à l’Unicef.

La rencontre de Dakar, qui s’achève mercredi, a pour objectif de renforcer, voire d’exporter, les actions des religieux. Cependant, l’attention est particulièrement focalisée sur le soutien aux enfants affectés par le VIH/sida dans cette région. Selon les statistiques 2005 de l’Unicef : 21% des 20 millions d’orphelins se retrouvent seuls à cause du sida, plus de 680 000 enfants âgés de 0 à 14 ans sont séropositifs et, toujours dans cette tranche, 220 000 nouvelles infections ont été recensées. La situation est de plus en plus préoccupante, mais les principales confessions s’organisent pour limiter les dégâts.

L’exemple camerounais

Christine Naré-KaboréL’une des actions remarquables donnée lors de la réunion multiconfessionnelle est celui de l’hôpital catholique de Njinikom (Nord-Ouest du Cameroun). « Cet hôpital offre divers services classiques, mais il propose en plus un programme de lutte contre le VIH/sida : il y a notamment la prévention de la transmission mère-enfant, la prise en charge pédiatrique des enfants et adolescents séropositifs et un orphelinat pour les enfants vulnérables et orphelins du sida. Au sein de l’hôpital, ils ont une structure pharmaceutique qui dose les médicaments pour les enfants séropositifs, ce qui permet d’éviter les problèmes qui surviennent quand on divise les comprimés pour adultes », explique avec enthousiasme Christine Naré-Kaboré, spécialiste du VIH/sida au bureau régional (Ouest-Centre) de l’Unicef chargée de la question des enfants touchés par la maladie.

Aujourd’hui, poursuit Christine Naré-Kaboré, l’hôpital a placé quelque 400 femmes sous antirétroviraux et prend en charge environ 200 enfants. Il approche par ailleurs des établissements hospitaliers publics pour expliquer son fonctionnement et le décentraliser.

Malgré des problèmes de trésorerie et de ressources humaines, « l’Eglise protestante a un bilan assez élogieux », souligne pour sa part John Essobé, chef du département santé des églises protestantes du Cameroun. En ce qui concerne les enfants, le point focal de la lutte contre le VIH/sida pour les églises protestantes du Cameroun ajoute : « Nous aidons environ 1 000 enfants à travers le territoire. Nous leur donnons une petite éducation sur la lutte contre le VIH et assurons une prise en charge nutritionnelle, sanitaire et scolaire ».John Essobé

Alliances multiconfessionnelles

L’implication des religieux dans la lutte contre le sida ne date pas d’hier. Elle avait été mise en lumière lors d’une rencontre panafricaine, en 1997, et d’une réunion internationale, en 1999. Cette année-là, ils avaient d’ailleurs lancé un système d’alliances multiconfessionnelles. Appliqué dans quelques pays, il consiste en le rassemblement, au niveau national, des leaders de différentes religions afin qu’ils trouvent et harmonisent ensemble des moyens de lutte. Un changement majeur car, auparavant, chaque courant tendait à œuvrer de son coté. Autre avancée, le regroupements de chefs religieux infectés ou affectés par le VIH/sida. Le mouvement en est à ses balbutiements, mais leurs membres contribuent déjà à former leurs pairs contre la stigmatisation.

Les résolutions de la rencontre dakaroise devraient confirmer tous les engagements des leaders et mettre l’accent sur la nécessité de formaliser l’aide aux enfants infectés et affectés par le VIH/sida. L’Unicef pourrait annoncer son soutien à leurs initiatives et leur montrer des stratégies pour lever les fonds nécessaires à leur action. Car l’argent n’afflue pas, regrette Christine Naré-Kaboré : « La zone Ouest et Centre est considérée comme une zone de faible prévalence et on estime que son cas n’est pas aussi urgent que celui du reste de l’Afrique (et notamment de l’Afrique australe, minée par la maladie, ndlr). Nous représentons un tiers du fardeau du sida, mais ne recevons qu’un quart des ressources. Pourtant, l’impact du sida sur les enfants est partout le même ! »

Crédit photos : Antony Cassetari

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