Les Motowniens veulent la tête de Diam’s


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Le collectif des Motowniens conteste la nomination de la rappeuse Diam’s à la direction artistique du label Motown France. Il reproche à l’artiste sa non expérience et craignent que le label perde l’essence de la maison de disque américaine mythique, qui a notamment lancé Marvin Gaye, les Jackson Five, Lionel Richie et Diana Ross. Motown France refuse pour sa part de rentrer dans « la polémique ».

La nomination de Diam’s est une boulette. C’est le sentiment qu’ont les Motowniens concernant l’arrivée de la jeune rappeuse à la direction artistique de Motown France, créée le 4 juillet dernier au sein d’ULM, une branche de la major Universal Music. Ce collectif, constitué au lendemain de l’annonce, estime que Mélanie Georgiades n’a pas sa place dans ce label.

« Le problème, c’est qu’elle n’a aucune légitimité pour être directrice artistique et on lui donne un patrimoine de la culture noire, dénonce Essimi, un membre du collectif. Sa seule légitimité est d’avoir un succès populaire et de vendre des disques. A ce moment-là, M Pokora ou Michaël Youn auraient aussi pu être nommés. Elle n’a jamais exercé cette fonction, or c’est un poste très important et déterminant. Au lieu de lui donner le label le plus prestigieux de la musique noire soul, on aurait dû lui montrer comment faire son label pour qu’elle apprenne. »

Diam’s une « insulte » à Motown

Pour le collectif, il est question de préserver l’héritage Motown, créé à Detroit (Etats-Unis) en 1957 par Berry Gordy. Ce label mythique a lancé des artistes de renom comme Marvin Gaye, Stevie Wonder, les Jackson Five, Lionel Richie et Diana Ross. Il a permis de démocratiser un autre genre de musique, de le rendre accessible à un plus grand nombre de gens. Des spécificités qui, selon Essimi, sont en péril.

Il va même plus loin et estime que la chanteuse est une « insulte » à ceux qui aiment l’esprit Motown. Lorsqu’on lui demande s’il n’y va pas un peu fort et si, jusqu’ici, il trouve que Diam’s a fait du mauvais travail, il rétorque : « Pour l’instant, il n’y a qu’une artiste qui est sortie, c’est sa copine Vitaa. Est-ce qu’ensuite elle va signer Sinik et China, qui sont ses amis ? Ce label n’est pas crédible. Respectons la tradition du label avec un vrai catalogue de la musique soul, où les artistes auront un véritable univers ».

Motown et bouche cousue

Motown France, qui vient de signer Dan Kamit, explique pour sa part n’avoir « rien à déclarer. On ignore et on travaille. [Les Motowniens] ont des griefs qu’ils expliquent clairement, mais nous avons fait le choix de ne pas entrer dans la polémique ». Une polémique peu médiatisée, constate Essimi, qui souhaite « ouvrir le débat et mettre au courant le public ».

« Nous sommes boycottés par les medias, se plaint-il. Nous avons envoyé un communiqué à tous les medias et personne ne nous a répondu. Ceux qui avaient promis de faire quelque chose n’ont plus donné signe de vie par la suite. Diam’s a tous les medias avec elle, les magazines spécialisés de musique, les chaînes de musique… »

Pour sortir leur protestation de l’anonymat, Essimi a profité de la remise des trophées du hip-hop, le 5 février, pour monter sur scène et expliquer à l’assistance leurs revendications : que le label permette de mettre en valeur le patrimoine de la soul française et que Motown France s’installe correctement, « sans brader » l’esprit du label. Un projet tué dans l’œuf puisque le présentateur Yassine Belattar aurait déchiré le texte qui devait être lu. Le lendemain, dans une émission de la chaîne Canal+, En Aparté, un chroniqueur revenant sur l’affaire aurait assimilé Essimi à un membre de la Tribu Ka, un groupe extrémiste défendant la cause des Noirs.

Berry Gordy et les Jackson Five « très en colère »

« C’est une accusation scandaleuse et fausse. Nous avons prévenu Canal+ que si cela se reproduit, nous attaquerons en justice. C’est la même chose pour le journaliste Olivier Cachin et (l’animateur de télévision, ndlr) Mouloud », explique Essimi, qui ajoute que « toute personne qui va nous assimiler à la Tribu Ka ou à un gang raciste et extrémiste sera aussi poursuivi ».

Certains détracteurs des Motowniens considéreraient en effet que le réel problème n’est pas l’inexpérience présumée de Diam’s mais sa couleur de peau. Un « raccourci » que condamne vivement Essimi. Il raconte que le rappeur sulfureux Booba s’est pourtant fait « taxer de racisme, voire d’antisémitisme » parce qu’il a dénoncé la nomination de Diam’s comme directrice artistique.

Sur le blog des Motowniens, la cause est semble-t-il soutenue par quelque 2 000 personnes, parmi lesquelles des anonymes et des personnalités. Comme des chanteurs (Manu Dibango, Les Nubians, Princess Erika, Joby Valente, Stomy Bugsy, Ahmed Daye…) ou encore la journaliste-animatrice-styliste Ayden. Le père de Motown serait lui-même excédé par le choix de Diam’s. « Berry Gordy est très en colère, les Jackson Five sont très en colère. Même Sinik, le meilleur ami de Diam’s, a dit que si on lui avait proposé le poste, il aurait refusé car ce label est très prestigieux », assure Essimi. Loin du combat « pour-contre », Motown France poursuit sa quête d’artistes.

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