Les Mauritaniens mobilisés pour l’Irak


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Les manifestations spontanées pour dénoncer  » l’agression anglo-américaine contre l’Irak  » animent depuis le 20 mars les rues de Nouakchott et des grandes villes mauritaniennes. Résultat : le gouvernement a mis les étudiants en vacances forcées pour éviter tout débordement. Les écoles resteront fermées jusqu’au 6 avril prochain.

Depuis que la guerre a commencé en Irak, le 20 mars dernier, les Mauritaniens ne vont plus à l’école. Les vacances scolaires, avancées de deux semaines, se sont transformées en vacances  » forcées  » pour les étudiants et les élèves du pays. Raison invoquée par le gouvernement : éviter les rassemblements d’étudiants et les troubles qu’ils pourraient engendrer. Seules les maternelles accueillent les enfants, encore trop jeunes pour avoir une conscience politique.

Au-delà des problèmes d’organisation que cela peut poser au sein des familles – de nombreuses mères qui travaillent doivent faire garder leur progéniture -, les étudiants ont surtout peur de l’année blanche. En effet, le ministère de l’Education a annoncé la fermeture de universités, collèges, lycées et écoles primaires jusqu’au 6 avril. Il n’exlue pas une prolongation de cette mesure jusqu’à la fin du conflit en Irak. L’avenir scolaire du pays est donc relativement incertain, à deux mois de la fin de l’année.

Année blanche ?

Abdoulaye, en quatrième année de mathématiques à Nouakchott, est catastrophé.  » Nous allions passer nos examens, c’est complètement injuste. Si la guerre continue, les épreuves vont être annulées. Qu’est-ce-qu’on va faire ? On a travaillé dur cette année et tout ça pour rien ?  » En attendant, Abdoulaye qui, comme la plupart de ses camarades, se prononce contre la guerre en Irak, continue de plancher chez lui, en espérant que la situation revienne à la normale rapidement.

 » Le gouvernement a peur que les étudiants se mettent en grève « , explique Mamadou, en deuxième année de biologie à l’Université de Nouakchott.  » C’est vrai qu’il y a déjà eu plusieurs manifestations contre la guerre organisées par les élèves, notamment celle du jeudi 20 mars et elles se sont terminées dans les gaz lacrymogènes. Le problème, c’est que les étudiants exagèrent, ils prennent les policiers à partie. Moi, je suis contre cette guerre mais je ne participe pas aux manifs, j’ai trop peur !  »

En finir avec Saddam

Le copain de Mamadou, Abderrahmane, prend une position atypique par rapport à sa génération :  » Il faut en finir avec Saddam Hussein. Ce n’est pas un président, c’est un dictateur. Il est complètement fou, il faut l’empêcher de construire des armes chimiques. Cette guerre, c’est la seule solution pour l’éliminer « , assume-t-il.  » Va expliquer ça aux gens qui meurent sous les bombes !  » réplique Mamadou.  » A la télé, j’ai vu une image horrible. Une mère et son fils se promenaient et la mère a été fauchée par une explosion. Le petit garçon est resté hagard, tout seul… c’est affreux quand même !  »

Les jeunes Mauritaniens sont très au fait de la situation internationale par le biais de chaînes de télévision comme Al Jazira.  » Les étudiants s’étaient déjà engagés au début de la deuxième Intifada en Israël et pendant la guerre d’Afghanistan « , explique Hindou Mint Amina, rédactrice en chef du journal Le Calame.  » La présence d’une ambassade d’Israël à Nouakchott rend les choses encore plus sensibles. Le gouvernement a peur des débordements.  » De fait, la sécurité aux entrées des représentations et ONG américaines a été renforcée depuis le début du conflit.

Manifestations spontanées

La rue mauritanienne, elle, dit non en masse à la  » busherie  » comme le titrait la semaine dernière Le Patriote. Plusieurs manifestations spontanées ont eu lieu depuis le 20 mars dans la capitale et les grandes villes du pays, Kiffa, Nouadhibou, Aleg et Tidjikja, auxquelles certains membres du gouvernement ont même participé. Après les partis d’opposition, les avocats et les journalistes indépendants la semaine dernière, ce lundi, ce sont les artistes qui ont manifesté contre la guerre. Et les titres de presse, comme La Tribune, de rappeler que  » le premier volontaire arabe à avoir débarqué en Irak est Abdel Kader Ould Nagi « , un ancien militaire mauritanien qui a vendu tous ses biens pour se rendre là-bas.

Alors que l’Etat mauritanien, allié déclaré des Etats-Unis dans la guerre contre le terrorisme, n’a toujours pas pris de position officielle, la population ne désarme pas.  » Ça dépasse le politique « , indique Hindou.  » Les Mauritaniens gardent en mémoire les travaux d’infrastructures réalisés, notamment dans les quartiers populaires de Nouakchott, grâce aux financements irakiens dans les années 80 et 90, lorsque l’Irak était alors un bailleur de fonds important pour la Mauritanie.  » Les étudiants ont promis la poursuite d’actions pendant tout le temps que durerait  » l’agression anglo-américaine « . D’ici là, les stylos ont le temps de sécher.

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