Les exciseuses nigériennes hors-la-loi


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Drapeau du Niger
Drapeau du Niger

Le gouvernement nigérien va sanctionner les personnes reconnues d’avoir opéré des mutilations sexuelles génitales. Peines de prison et amendes sont prévues pour les exciseuses qui ne veulent pas déposer leurs couteaux. Une avancée énorme dans un pays où l’excision est taboue.

 » Depuis onze ans que je travaille à la Justice, je n’ai jamais vu un seul cas d’excision porté au tribunal « , s’étonne Mariama Cissé, juriste à la Cour d’appel de Niamey. Et pourtant… Et pourtant les mutilations sexuelles génitales sont bel et bien pratiquées au Niger, avec des cas qui tournent au drame. Pour que les exciseuses et les familles abandonnent cette pratique dangereuse qui peut entraîner la mort de fillettes, le gouvernement nigérien a décidé de sanctionner les praticiennes et leurs complices.

Dans le cadre du projet de la révision du Code pénal, le Comité nigérien sur les pratiques traditionnelles néfastes (Coniprat), ONG du cru, a réussi à proposer un texte de loi qui sera soumis au Conseil des ministres puis à l’Assemblée. Les articles 231 et 233 vont donc condamner  » quiconque aura tenté de commettre un acte de mutilation génitale  » à une peine de six mois à trois ans de prison et à une amende de 20 000 à 200 000 F CFA. Les peines de prison pouvant atteindre 10 à 20 ans si l’action de la praticienne a  » conduit à la mort sans intention de la donner « .

Pratique ignorée

Mariama Cissé espère ainsi que cette loi  » dissuadera  » les exciseuses et souligne que les complices – la famille – seront punis de la même manière. Un voisin, un parent ou le personnel de santé – souvent confronté à des cas d’hémorragie suite à une excision -, tous seront tenus de dénoncer la pratique. Quant à la victime, elle pourra porter plainte auprès des autorités. La loi est non-rétroactive, les peines seront donc appliquées lors de sa mise en pratique, à une date encore inconnue.

Le vide juridique qui existe jusqu’à maintenant sur la question de l’excision découle du fait que la pratique est ignorée, voire niée par les Nigériens.  » L’excision est un sujet tabou car elle touche au sexe et la religion. On commence à en parler mais cela fait dix ans que nous nous battons « , martèle Maïga Amsou, présidente de Coniprat. Elle explique :  » Lors de la conférence de Dakar en 1984, qui a dénoncé les mutilations génitales, les Nigériens disaient  » ça n’existe pas chez nous « . Nous avons fait une étude avec l’appui de l’Unicef en 1992 qui a révélé que la pratique de mutilations sexuelles existait dans le pays, même si le phénomène n’est pas aussi important que dans des pays comme le Mali, le Burkina ou le Soudan. Nous avons un taux de prévalence de 5% sur l’étendue du pays.  »

Recycler les exciseuses

La pratique diffère selon les régions.  » Des types spécifiques de mutilations sexuelles génitales sont pratiquées par les barbiers sur toute l’étendue du pays. Celles qui sont décrites par l’Organisation mondiale de la Santé se retrouvent surtout à Diffa (est), à Tillabéry (ouest) et dans la communauté urbaine de Niamey « , note Maïga Amsou. C’est chez le groupe ethnique des Peuls que le taux de fréquence de l’excision est le plus élevé.

Pour la présidente de l’ONG, la pratique de l’excision est liée à la coutume, à la tradition mais pas à la religion,  » Il existe des pays musulmans qui ignorent ces pratiques, comme la Tunisie par exemple « , renchérit-elle. C’est pourquoi le travail sur le terrain est fondamental :  » La sensibilisation de la population est plus importante que les lois. Nous aimerions que les gens abandonnent d’eux-mêmes ces pratiques.  »

Malgré les résistances au changement, Maïga Amsou souligne des victoires :  » Certaines communautés ont accepté d’abandonner ces pratiques. En novembre dernier, des exciseuses ont déposé officiellement leurs couteaux.  » Le Coniprat tente alors de les recycler :  » Nous devons orienter les ex-exciseuses qui n’ont plus de sources de revenus. Elles pratiquent à présent la vente de riz, la restauration, l’embouchage des ovins « . Autre nécessité : former les magistrats et les officiers de police judiciaire qui auront à juger les praticiennes. Le Coniprat a déjà prévu une formation.

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