Les éditeurs français complices de plagiats en série


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Il y a quelques années, Thierry Ardisson, auparavant publié chez Albin Michel, Gallimard, Du Seuil, écrivait Pondichery : ce roman était une contrefaçon sauvage de plusieurs ouvrages. Le livre avait été mis au pilon par Albin Michel, connu pour être également l’éditeur de Calixthe Beyala, Philippe Guilhaume et tant d’autres ! Si l’animateur à succès a continué à parler de livres dans ses différentes émissions, il n’a plus jamais eu la prétention de se piquer de littérature, hors des témoignages et des œuvres de collaboration.

Il y a quelques mois, Patrick Poivre d’Arvor (PPDA) a été confondu d’une façon telle que ceux qui, en Afrique, suivent son actualité, avaient pensé qu’il prendrait du temps pour son prochain livre, histoire de faire oublier sa forfaiture. Il est revenu récemment avec un livre qui n’a pas encore livré son lot de contrefaçons, mais dont on sait, avant tout examen sur le fond, qu’il n’est pas l’œuvre d’un écrivain français de premier ordre.

Un plagiat chassant l’autre, le journaliste Joseph Macé-Scaron a fait son « Lautréamont », son « Jean de la Fontaine » dans son roman « Ticket d’entrée ». Sa ligne de défense a consisté en la justification de ses emprunts par la pratique courante de l’intertextualité qu’il a redéfinie à sa manière, avec son style, tout en clins d’œil que peine à éclairer la thématique de son œuvre ou son contexte d’écriture.

Que dire de la nouvelle « queen of denial », Rama Yade, qui campe dans un pathétique déni ? La talentueuse « Noire » serait plus recevable dans sa défense si elle avouait avoir recouru à un nègre, coupable de cette infamie. Elle a dit ne pas se faire aider, c’est un mérite bien mince quand on a été piqué à gauche et à droite. Son éditeur, impitoyable envers les lecteurs français, s’est fendu d’un communiqué où il a osé promettre une « réimpression ou réédition », comme avant lui l’éditeur de Frédéric Lefebvre, autre ministre plagiaire.

La sempiternelle excuse du temps d’écriture, également avancée plus tôt cette même année par PPDA, n’est-elle pas la preuve qu’ils devraient tous se consacrer dans les activités qui les ont révélés plutôt que dans celles où ils s’enlisent en dépit d’aptitudes non reconnues ? Les qualités avérées de plume de François Mitterrand font de plus en plus défaut à la classe politique française. Ayant aimé le dernier Mélenchon (Qu’ils s’en aillent tous ! : Vite, la révolution citoyenne), j’espère de tout cœur que tout y est de lui. Avec la verve qui est la sienne, ce serait bien justice qu’une telle écriture !

Consécration de la médiocrité et banalisation du talent

Les éditeurs français ont inventé une nouvelle écologie qui consiste au recyclage à l’échelle industrielle, à la chaîne, d’auteurs contemporains ou tombés dans le domaine public … Le magazine français Lire qui naguère expertisait toutes les productions de Calixthe Beyala au point de décréter qu’elle n’était pas une écrivaine et qu’en conséquence on ne lui ferait plus les honneurs des pages de l’illustre magazine, ce magazine-là n’a évidemment rien vu dans les supercheries de PPDA et continue de faire les honneurs de sa critique à des copistes patentés.

L’une des constantes dans ce sport bien français est que tous ces auteurs fabriqués sont édités par de puissantes maisons d’édition qui détiennent les versions électroniques des ouvrages publiés et peuvent passer au scanner tous les manuscrits qui leur sont soumis. De tels logiciels sont utilisés dans certains milieux universitaires et sont d’une incontestable efficacité !

En réalité, les éditeurs ne s’intéressent ni à la vérité, ni au talent (non compris celui de vendre), et le scandale d’un plagiat ne fait plus peur à personne. Ils ne sont ni Voltaire ni Montaigne, mais se croient fondés à justifier leurs égarements par le fait que ces illustres auteurs avaient en leur temps été convaincus de plagiat : comme c’est commode ! Voltaire l’a fait, Montaigne aussi, etc.

Pourquoi pas nous ?

Quand vos œuvres auront atteint à l’immortalité, tout cela vous sera passé. Mais rien dans les productions dénoncées ne relève généralement du chef d’œuvre !

Certains éditeurs, comme cela a été le cas avec PPDA, vont jusqu’à revendiquer la responsabilité de la supercherie. C’est qu’ils ne sont pas simplement complices, ils sont coauteurs de ces pratiques.

« Les voleurs de beautés » : plagiat, mode d’emploi

Puisqu’ils sont de plus en plus nombreux à défendre ce type de productions, pourquoi n’en feraient-ils pas un genre littéraire à part entière où l’on verrait au bas de certains ouvrages « plagiat », comme on peut lire sur d’autres « roman » ou « essai » ? Cela resterait un plagiat parce que les auteurs n’indiqueraient pas leurs « sources ».

Quant aux genres traditionnels, l’on ferait figurer cet avertissement dans chaque œuvre : « toute ressemblance avec une œuvre précédemment publiée est voulue et a été mise là pour que vous la découvriez. » A chaque rentrée littéraire, les lecteurs auraient ainsi à choisir leur plagiaire préféré : « Un bon Troyat ? Le dernier Minc ? Le nouveau PPDA ? ». Le plagiat aurait ainsi ses classiques et ses chefs d’œuvre : « C’est du Attali ! »

Ce qui leur est reproché finalement à ces écrivains, ces machines à copier-coller, ça n’est pas les reproductions serviles et non déclarées, mais de se faire piéger par des journalistes, des étudiants, de « simples mortels » : c’est donc qu’ils ne mettent aucun art dans leur (re)production. La hâte leur fait négliger les précautions élémentaires de maquillage, de brouillage des pistes.

Une épizootie française ?

Si la déclaration du directeur littéraire et avocat Emmanuel Pierrat est vraie, qui aurait affirmé (le 3 octobre 2003: émission « Merci pour l’info », Canal+) sur la base d’on ne sait quelles statistiques que 90 % des ouvrages signés par des personnes publiques sont rédigés par des « nègres de l’édition », si c’est seulement à moitié vrai, alors la France de l’écriture va complètement mal et serait bien inspirée d’importer désormais des écrivains d’Afrique au même temps que des footballeurs. Car les « nègres » de cette France-là semblent avoir des « backlog » et surcharges de commandes qui leur font se livrer au pillage méthodique d’œuvres déjà publiées.

Karl-Theodor zu Guttenberg, ministre allemand de la défense, responsable d’une imposture scientifique, a démissionné alors qu’il jouissait d’une côte de popularité que Sarkozy lui aurait reprise contre n’importe laquelle de ses Rolex. Aux USA, le Washington Post a suspendu Sari Horwitz ce même mois de mars 2011 pour des faits de « plagiarism ».

Contrairement à certains éditeurs français qui donnent le sentiment d’encourager ces pratiques, la règle outre-Atlantique semble être à la tolérance zéro ! L’on a particulièrement admiré la déclaration d’un éditeur américain (Little, Brown & Company). C’était il y a un mois : « Our goal is to never have this happen, but when it does, it is important to us to communicate with and compensate readers and retailers as quickly as possible.» Celui-ci a mis le roman querellé au pilon sitôt que les « copillages » ont été révélés. On ne reverra pas de sitôt l’auteur, Q. R. Markham (pseudonyme de Quentin Rowan), en tête de gondole des librairies américaines.

Les plagiaires ne sont jamais des auteurs irremplaçables, d’où vient-il que l’on persiste à les publier après qu’ils ont fait l’étalage savant de leurs limites ? Ils ne peuvent pas simuler d’être écrivains parce que ne sachant pas comment dissimuler leurs « emprunts », leurs platitudes : importer des écrivains d’Afrique, voilà sans doute un fier service qu’on peut rendre à la littérature issue du pays de Molière (autre illustre plagiaire ?) !

A quoi pourrait-on comparer les écrivains français ?

Dans une chronique publiée dans le journal LE Monde, le 19 novembre dernier, Yannick Noah, mi-provocateur, mi-sérieux, à la fois scandaleux et vrai, avait comparé le dopage dans les milieux sportifs à une « potion magique ». Cette potion magique existe aussi pour les écrivains français, que n’excitent plus « les paradis artificiels » des « fleurs du mal ». Ces écrivains qui pratiquent et défendent le plagiat au plus haut niveau. Jean-Luc Hennig, agrégé de grammaire et écrivain, a bien écrit une « Apologie du plagiat » !

Marc Levy, Michel Houellebecq, Bernard Werber, qui comptent parmi les écrivains français les plus populaires et les plus représentatifs des dernières années, Bernard-Henri Lévy, intellectuel et grand défenseur des peuples opprimés et riches, ont tous été accusés de plagiat
Il se pratique actuellement une sorte de politique de quotas chez certains éditeurs majeurs qui publient les Noirs dans des collections particulières ; n’était cette ghettoïsation, ils ne pourraient pas se targuer, comme leurs confrères qui ont souvent « leurs nègres de service », ils ne pourraient pas se targuer d’avoir promu par décennie plus de trois écrivains africains. On pourrait donc comparer les écrivains français à des sportifs en mal de performance: quand ça va mal côté inspiration, il leur faut faire jouer le capital humain des anciennes colonies et des descendants d’esclaves installés dans les territoires d’outre-mer. Quand on a faim, on n’a peut-être pas d’oreilles, mais il y a toujours des choses à dire, assez en tout cas pour n’avoir pas besoin d’aller plagier !

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