Les écrits retrouvés d’un sage d’Abyssinie


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le sage d abyssinie

Les éditions Alternatives publient la traduction d’un manuscrit étonnant du XVIIème siècle, celui des souvenirs et des réflexions spirituelles et philosophiques d’un sage éthiopien, Zara Yacob, sous le titre  » Le Sage d’Abyssinie « .

C’est toujours un étonnement de découvrir un texte qui sort d’une époque révolue, dont le contexte politique, culturel, religieux, est largement mystérieux et réclame d’être recomposé. Le Traité de Zara Yacob est un de ces textes aérolithes qu’un chercheur soudain a exhumé, traduit en français, et brièvement présenté, pour le rendre accessible à tous.

Premier étonnement, pour un livre de sagesse du XVIIème siècle, Zara Yacob commence par raconter sa propre existence, qui se lit comme un roman d’aventure, dans cette Ethiopie très développée qui est au XVIIème siècle un véritable creuset où se mêlent et se confrontent les confessions religieuses monothéistes, christianisme des premiers âges, tradition copte, catholicisme strict des jésuites portugais, introduits dans le pays après que les armées du Roi du Portugal eurent aidé le souverain éthiopien, Susenyos, a repousser une invasion musulmane.

Deuxième étonnement, la fraîcheur de sa réflexion théologique, qui avance dans la foi comme dans une eau claire et limpide où la raison trie sans hésitation ni concession l’acceptable de ce qui doit être refusé. Exemple probant : sa conception de l’amour physique… « Dans les livres de Moïse se trouve une fausse sagesse qui n’est pas en harmonie avec la sagesse du créateur ou avec l’ordre et les lois de la création. En effet, de par la volonté du créateur et les lois de la nature, il a été ordonné que l’homme et la femme s’unissent en un entrelacement charnel afin d’engendrer des enfants, de sorte que les être humains ne disparaissent pas de la terre. Or cette union qui est voulue par Dieu dans sa loi de la création ne peut pas être impure, puisque Dieu ne souille pas l’oeuvre de ses propres mains. Cependant Moïse considérait l’acte de chair comme mauvais ; mais notre intelligence nous enseigne qu’il est faux de dire une telle chose et d’attribuer un tel mensonge au créateur « .

Cette sévérité à l’encontre des dogmes du judaïsme et du christianisme s’exerce de la même manière à l’égard de l’Islam de l’époque :  » Les mahométans disent qu’il est juste d’aller acheter un homme comme s’il était un animal. Mais avec notre intelligence nous comprenons que cette loi mahométane ne peut venir du créateur de l’homme qui nous a faits égaux comme des frères, de sorte que nous appelions notre créateur notre père. Mais Mahomet a fait de l’homme plus faible la possession du plus fort et a identifié la créature raisonnable avec les animaux privés de raison ; cette dépravation peut-elle être attribuée à Dieu ?  »

Roboratif et sincère, Zara Yacob est le Voltaire du dix-septième siècle éthiopien, comme Voltaire rapide et joyeux dans son expression, comme Voltaire persécuté par les pouvoirs spirituels et temporels du moment, comme Voltaire enfin leur échappant et construisant l’une des oeuvres majeures de son époque. Etonnant de clarté à chaque page, Le Traité de ce mystique rationaliste et lucide est une découverte aussi décapante que passionnante.

Commander le livre Zara Yacob, Le Sage d’Abyssinie, Editions Alternatives, 1997.

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