Les afropéruviens perpétuent les pratiques de guérison africaines


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medecine traditionnel par la musique

Elles comprennent l’usage des plantes, des prières, la musique et l’interprétation des rêves. À Chincha se conserve une tradition coloniale. Découvrez cette histoire.

« La médecine traditionnelle afropéruvienne guérit grâce aux plantes et par des prières », affirme Hermes Palma Quiroz, un habitant de Chincha, avocat, ancien maire du district d’El Carmen, et lui-même descendant de guérisseurs.

« Chaque prieur a son propre style », déclarait le grand Amador Ballumbrosio dans une interview,  » je joue mon violon pour guérir parce que la musique des noirs a quelque chose de fabuleux qui vous purifie. Un bon musicien peut guérir plus d’un millier de personnes en une soirée. »

« Je n’ai pas eu la chance d’être guéri par Amador, mais je connais ses qualités, il a guéri beaucoup de gens, y compris une de mes filles, » affirme Palma Hermes

Chincha n’a pas été abandonnée suite au départ de Amador, on y trouve encore des guérisseurs comme Julio Mendoza Acevedo dans le district d’El Carmen, et Luzmila Mosquera Vasquez, dans le Centre Habité d’El Guayabo. Ils guérissent les maladies de l’âme: les maux d’amour, les mauvais rêves, le mauvais œil, la peur et la douleur.

PARTAGE DES CONNAISSANCES

Dans le roman « Malambo », dont la trame se déroule durant l’époque de l’esclavage, l’auteure Lucía Charún Illescas évoque le métissage dans le travail du guérisseur: deux personnages tentent de soigner le bras de Altagracia Maravillas et dialoguent :  » coca des Yungas et bâtons de Guinée », des prières et des chants des Andes et d’Afrique. Elle fait référence aux croyances et aux superstitions des deux visions du monde: le mauvais air, le mauvais œil et les revenants. Les esclaves n’ont cependant pas apporté leurs plantes, ils ne sont arrivés qu’avec ce qui était dans leur mémoire.

« Dans certains cas, ils ont trouvé des arbustes semblables et dans d’autres, ils ont redécouvert des plantes curatives et ont été respectueux de celles utilisées par les frères des Andes, que nos ancêtres appelaient les paysans », indique Hermes Palma.

RÔLE IMPORTANT

Le Dr. Uriel Garcia Caceres, scientifique et historien de la médecine péruvienne a souligné dans un article le rôle de guérisseurs exercé par des descendants d’africains. « Même si on le mentionne rarement, dit-il, à l’époque de la vice-royauté et de l’ère républicaine jusqu’à la moitié du 19ème siècle, ils ont joué un rôle important en tant que professionnels de la santé. »

L’éminent docteur soutient qu’aucun créole blanc ne voulait être « chirurgien Latino »- une sorte de spécialiste des sutures, des amputations et des autopsies, et compte tenu de la demande de ces professionnels, le Real Protomedicato Lima dû admettre des chirurgiens descendants d’africains, mais avec l’interdiction d’entrer à l’Université et d’obtenir un diplôme de docteur.

LE GRAND DOCTEUR

Le cas de José Manuel Valdez est notable. Il fut empêché d’étudier la médecine à cause de sa couleur, malgré le fait qu’il exerçait ce métier avec succès. Il allait obtenir un permis du roi d’Espagne pour entrer à l’Université de San Marcos, et après avoir obtenu son diplôme, il fut l’un des médecins les plus importants de Lima, membre de l’Académie Royale de Médecine de Madrid, proto-médecin général de la République et le directeur du Collège de médecine en 1836 . Il y avait eu auparavant d’autres médecins afrodescendants. Selon les recherches d’Uriel Garcia: « Dr Juan Llano Jaraba a obtenu en 1695 un bonnet doctoral. Le vice-roi Conde de la Moncloa ordonna au Protomedicato de lui accorder un certificat de pureté de sang pour son rendement académique remarquable.  »

Il y eut également José Manuel Davalos (1758-1821), fils d’un dignitaire espagnol et d’une esclave affranchie. Il fut, comme Hipólito Unanue-séminariste et étudia la Latinité, la philosophie et les arts. Il fit le cours de chirurgien latino à San Marcos, mais son père avait obtenu un permis d’études en Europe qu’il effectua à l’Université de Montpellier, en France et fut disciple de scientifiques comme Lavoisier. C’est avec les honneurs qu’il allait réussir sa thèse-en latin – sur les maladies présentes à Lima durant son exercice. Une thèse qui fut publiée en français par plusieurs revues scientifiques. De retour à Lima, il fut maltraité par l’Université et eut recours à Cour royale pour revalider son titre. « Le seul médecin péruvien dont Alexander von Humboldt fit l’éloge était cet afropéruvien », note Uriel Garcia.

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