Les Afroéquatoriens veulent faire valoir leur histoire


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Drapeau de l'Equateur
Drapeau de l'Equateur

À la Casa de Ébano, des expositions rappelant l’histoire des afrodescendants en Équateur sont organisées.

Antécédents

En 1455, le Pape Nicolas V déclare les Africains des êtres sans âme et des ennemis de Dieu, ce qui va permettre la traite négrière qui suivit plus tard.

En 1998, les AfroÉquatoriens obtiennent leur reconnaissance historique en tant que « peuple ».

En 2001, le Plan d’Action de la Troisième Conférence Mondiale contre le Racisme presse les États à lutter contre tout acte de discrimination ou de racisme contre les afrodescendants.

Afin de promouvoir l’interaction entre tous les groupes ethniques, la Maison Main d’Ébène (Casa Mano de Ébano) réalise actuellement trois activités de socialisation autour de l’histoire et la culture afroéquatoriennes : une exposition artistique, un processus d’éducation pour les jeunes et des représentations des anciens modes de vie collectifs. Par le biais des ces initiatives, le centre culturel a déjà sensibilisé plus de 3000 personnes – dont 90% sont des afrodescendants et 10% d’autres ethnies- à la culture afro.

La première forme de socialisation de l’histoire de l’ethnie se fait par l’exposition « Le chemin de l’esclavage », où les visiteurs peuvent en apprendre sur les luttes d’indépendance du peuple noir. Sonia Viveros, directrice générale du Centre Culturel Afroéquatorien explique que l’objectif de ce projet est que les afrodescendants connaissent et aiment leur culture et qu’ils disposent des outils pour lutter contre la discrimination et pour gagner des espaces de participation.

« C’est pour savoir pourquoi nous sommes noirs, d’où nous venons, ce que nous avons apporté à la société ainsi que nos luttes revendicatives qui ne sont pas encore terminées », affirme Viveros. Et elle ajoute qu’il s’agit là d’un moyen de conscientiser tout le monde sur les combats qu’a dû mener la population noire pour en arriver à une certaine égalité dans la période moderne.

La directrice affirme également qu’en raison de la migration et des changements d’environnement, de nombreuses familles afrodescendantes ont soit perdu leurs traditions, ou alors leurs enfants ne les ont jamais connues. C’est la raison pour laquelle a été initié ce travail visant à recouvrer la culture chez les groupes jeunes.

Une des façons d’atteindre leur objectif est l’enseignement des danses traditionnelles afroéquatoriennes auxquelles participent des enfants, des adolescents et des adultes plus âgés. Cependant, on ne leur enseigne pas seulement les chorégraphies, mais aussi l’origine de ces rythmes, la raison pour laquelle on les dansait et à quel moment. « Les Afrodescendants doivent respecter les traditions et savoir qu’ils ne dansent pas pour divertir les autres, mais pour revendiquer une vision du monde que l’on a voulu détruire ».

Et cette technique de transfert de connaissances aux nouvelles générations fonctionne pour Cesar Teran, qui, à 14 ans, joue et danse la marimba. Il sait tout cela parce que, depuis plus de 100 ans, sa famille transmet ce savoir. Et il reconnait que si effectivement ses parents et grands-parents lui ont raconté comment son peuple est arrivé en Équateur, beaucoup de ses camarades de classe ne savent rien sur leur appartenance ethnique, et encore moins « sont intéressés par leurs traditions ».

Casa de Ébano essaye par conséquent d’utiliser une autre technique de transmission de la culture par la représentation de ce qu’on appelle “Casas de los Abuelos” (maisons des anciens), qui sont des maquettes grandeur nature montrant les expériences de vie des populations afrodescendantes de la Sierra et de la Côte. Une méthode par laquelle, selon Vivero, on peut connaitre l’ensemble du parcours de ses ancêtres et « évaluer le poids de leurs sacrifices ».

Mais ce n’est pas la seule chose qui est faite dans le but de revendiquer l’histoire, selon Jose Chala, secrétaire exécutif de la Corporation de Développement Afroéquatorienne (Corporación de Desarrollo Afroecuatoriano- Coda). Pour lui, une étape essentielle consiste à renforcer la présence de la culture africaine dans les manuels scolaires d’histoire.

À ce sujet, Ariruma Kowii, sous-secrétaire de l’Éducation pour le Dialogue Interculturel du ministère de l’Éducation explique que le ministère a publié un premier livre ayant pour titre “Nuestra Historia: Documento Didáctico Pedagógico de Etnoeducación Afroecuatoriana”(Notre Histoire : Document Didactique Pédagogique d’EthnoÉducation AfroÉquatorienne) dont les contenus sont généraux et peuvent être utilisés à tous les niveaux d’éducation pour faire connaitre cette ethnie.

De plus, Kowii explique qu’un travail est actuellement en cours sur un manuel de coexistence ethnique et culturelle que l’on souhaite institutionnaliser en 2010. Cet outil permettra de former les enseignants à la sauvegarde des valeurs culturelles de chacun de leurs étudiants de sorte que ces derniers puissent être fiers de leur histoire.

Jusqu’à présent, le travail a débuté avec les écoles et les collèges dans les régions du pays où il y a une plus grande concentration de populations afrdescendantes que sont Esmeraldas, Valle del Chota, la Concepción et Salinas.

Mayra Rios, une élève de cinquième est l’une des bénéficiaires. Elle se consacre à faire des apprentissages sur ses origines, car elle affirme que si les jeunes AfroÉquatoriens ne commencent pas à réhabiliter leur culture et à exiger qu’elle soit étudiée par tous les élèves des écoles, toute l’histoire de ce peuple et de ses luttes se perdront.

“Je ne connaissais pas l’histoire de mes ancêtres en profondeur, on apprend sur les luttes des indigènes dans les manuels scolaires, mais jamais sur nous les Noirs. Mes grands-parents vivent dans le Chota et eux ils nous en parlaient un peu, mais moi je veux vraiment en savoir sur l’histoire des Noirs et sur leur courage qui leur a permis de survivre à des siècles d’oppression ».

Et c’est précisément pour que les autres jeunes expérimentent le même processus que le ministère, selon Kowii, introduira dans le Programme d’Étude, dans tous les centres (d’études), les chapitres contenant des thématiques culturelles des indigènes et des afrodescendants. En attendant, ce programme a déjà été initié dans les « École du Millénaire » (Escuelas del Milenio) comme projet pilote de la qualité de l’éducation ethnique et pour l’an prochain, l’année scolaire suivante, on envisage de le mettre en place dans les écoles d’autres villes. (LR)

Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga

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