Les Africains ont soif d’eau potable


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Une goutte d'eau
Une goutte d'eau

Les instances de l’Association africaine de l’eau (AAE – conseil technique, comité de direction et assemblée générale) se sont réunies à Douala du 28 février au 4 mars. Ces rencontres étaient co-organisées par la Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater) et la Camerounaise des Eaux (CDE) sur le thème : « Partenariat et innovation, clé du développement des sociétés d’eau et d’assainissement en Afrique. » Leur objectif était de faire le point sur les activités de l’AAE et de dresser le bilan des pays africains en matière d’accès à l’eau potable. Elles ont regroupé 200 opérateurs et gestionnaires des services de l’eau et de l’assainissement venus d’environ 40 pays africains membres de l’AAE.

De notre correspondante

Le problème de l’accès à l’eau potable se pose encore en Afrique avec acuité. Cependant, les questions d’assainissement et de recyclage des eaux usées sont également l’objet de préoccupations. Si certains pays, comme le Sénégal, affirment atteindre les objectifs du millénaire pour le développement à l’horizon 2015, d’autres comme le Cameroun en sont encore très loin. Les membres de l’Association africaine de l’eau veulent donc améliorer les indicateurs relatifs au taux d’accès à l’eau potable qui leur permettront d’atteindre les objectifs du millénaire pour le développement d’ici 2015.

Les pays africains connaissent des fortunes diverses en matière d’accès des populations à l’eau potable. « La République de Guinée est très avancée pour ce qui est de l’accès à l’eau potable. Mais en matière d’assainissement et de recyclage des lacunes sont à surmonter. Les populations de Guinée ont un taux d’accès à l’eau potable de 70% dans la capitale. Cependant les efforts sont à fournir à l’intérieur du pays pour que les conduites d’eau soient rapprochées des clients afin qu’ils puissent tous s’abonner» déclare Hadja Fatoumata Keita, ingénieure Hydro-technicienne à la Société des Eaux de Guinée. L’autre difficulté dans ce pays est que l’assainissement reste flou. Car on ne sait qui fait quoi. Pourtant, trois sociétés au moins ont la charge de ce secteur.

Le taux d’accès à l’eau est de 50% au Togo, mais l’objectif est d’atteindre au plus vite le niveau de 60 à 70%. Evenya Yawo Elihoho est le directeur général de la Société togolaise des Eaux. Pour lui, c’est le matériel et l’équipement devant donner de l’eau potable aux populations qui posent problème : « Nous ne les fabriquons pas sur place, nous sommes obligés de les importer de même que les produits pour le traitement de l’eau. Nous sommes soumis aux règles du marché pour les équipements et tout le matériel que nous utilisons. C’est ça qui handicape un peu les pays africains et ralentit leur cheminement vers l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement», avoue-t-il.

Le Sénégal est l’un des rares pays africains au sud du Sahara qui est un peu avancé dans le traitement des eaux usées. Il y existe une station d’épuration qui fait un traitement des eaux usées. Elle rend les eaux usées réutilisables pour l’arrosage des plantes par exemple et une partie de cette eau est rejetée en mer. Toutefois, les quantités d’eau recyclées sont moins importantes que les quantités rejetées dans la nature. Pourtant en matière de desserte en eau potable, le Sénégal est d’après Mamadou Dia, directeur général de la Sénégalaise des Eaux et président de l’Association africaine de l’eau (AAE), « le pays africain qui va atteindre les objectifs du millénaire pour le développement avant 2015. Le taux de desserte en eau potable en milieu urbain est de 98%. Et en milieu rural il est de 82%. L’objectif en 2015 pour le milieu rural est d’atteindre les 90%. » Il faut cependant noter que la tendance au Sénégal est surtout portée sur l’accès à l’eau par borne fontaine que par branchement.

Le Cameroun à la traîne

Au Cameroun, la desserte en eau est des plus insignifiantes. Le taux d’accès à l’eau potable s’élève à 35% en milieu urbain. Contrairement à la plupart des pays africains, l’accès à l’eau potable demeure une grosse difficulté pour les populations camerounaises. Le directeur général de la Camwater, Basile Atangana Kouna affirme à cet effet que l’objectif premier pour le moment est de porter la desserte moyenne en eau potable en milieu urbain à 60%. Pour ce faire, la Cameroon Water Utilities Corporation a mis en place un programme d’investissements évalué à plus de 400 milliards de FCFA.

Yaoundé, la capitale camerounaise connaît une forte pénurie d’eau potable depuis quelques années. Dans les quartiers comme Damase, les populations n’ont jamais eu l’eau du robinet, tandis qu’à Nsimeyong et Efoulan par exemple, l’approvisionnement en eau potable se fait surtout dans la nuit. Pour remédier à cela, des projets d’envergure sont annoncés dans l’optique d’optimiser la fourniture du service public de l’eau potable au Cameroun en milieu urbain et périurbain. Un projet d’adduction en eau potable de Yaoundé et trois villes secondaires est en cours. Il consiste en la construction d’une usine d’eau potable sur la Mefou d’une capacité de 50 000m3/jour. Il permettra de faire passer la ville de Yaoundé de 100 000 à 150 0000m3/jour. Soit une augmentation de 50%. Son coût est évalué à 72,16 milliards de francs CFA.

De manière générale, les préoccupations des responsables des entreprises de l’eau restent l’accès de manière durable à un approvisionnement en eau potable et à un système d’assainissement de base. Selon Brahim Ramdane, directeur général de la Camerounaise des Eaux, la rencontre de Douala était « une grosse opportunité pour les opérateurs de l’eau potable dans les pays africains d’échanger entre eux, de partager les expériences, de nouer des partenariats, de trouver des créneaux de formation. »

Créations de nouveaux programmes

Pour cela, des programmes ont été mis en place par les participants aux travaux en collaboration avec leurs partenaires afin d’améliorer l’accès à l’eau potable et l’assainissement. Il s’agit par exemple du programme dénommé « Water operator partnership ». C’est une sorte de coopération Sud-Sud où les entreprises qui ont atteint un niveau de performance vont devenir les mentors des entreprises qui rencontrent quelques difficultés pour faire progresser leurs performances. L’AAE a également créé une académie des eaux. Une idée née du constat que les difficultés en Afrique sont inhérentes au leadership, au management et à la bonne gouvernance. Cette académie aura pour objectif de renforcer les capacités des dirigeants africains dans le domaine du leadership, du management et de la bonne gouvernance. A ce sujet, un séminaire de haut niveau est annoncé par l’AAE au mois d’Octobre 2011 à Kampala. Cette académie va s’orienter vers une coopération entre des scientifiques africains pour développer des thématiques qui vont toujours dans le sens de l’amélioration des performances et qui vont permettre aux Africains de rivaliser avec tous les autres dans tous les fora mondiaux en apportant le savoir-faire africain, la compétence et la capacité de ceux-ci à parler des problèmes de l’eau, à innover et à créer pour que le maximum de personnes accèdent à l’eau et à l’assainissement.

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