Le WAX au Musée de l’Homme : quand un tissu révèle l’histoire de trois continents


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Wax au Musée de l'Homme de Paris
Wax au Musée de l'Homme de Paris

Du 5 février au 7 septembre 2025, le Musée de l’Homme consacre une exposition exceptionnelle au wax, ce tissu aux couleurs éclatantes dont l’histoire méconnue révèle les migrations culturelles et les enjeux identitaires contemporains.

L’exposition « WAX », présentée dans le cadre de la saison « Migrations » du Musée de l’Homme, déploie sur 430 m² l’épopée singulière de ce textile emblématique. Répartie entre le Balcon des Sciences au 2e étage et le Foyer Germaine Tillion au 1er étage, cette manifestation révèle l’histoire méconnue et la puissance symbolique du wax, emblème culturel et identitaire en Afrique et dans sa diaspora.

Contrairement aux idées reçues, le wax, parfois perçu comme l’archétype même du tissu « africain », trouve pourtant ses racines bien loin du continent. L’exposition retrace ce parcours fascinant qui commence en Asie : le wax est inspiré du batik – tissu d’origine indonésienne teint grâce à une technique de réserve à la cire.

Tout démarre grâce à des soldats ghanéens, envoyés sur l’île de Java (Indonésie) et séduits par les batiks très populaires chez les Néerlandais installés sur place, au milieu du XIXe siècle. Cette rencontre fortuite va transformer à jamais l’identité vestimentaire du continent africain.

L’industrialisation européenne et l’appropriation africaine

Industrialisé par les Européens, le wax a rencontré le succès en Afrique de l’Ouest, puis s’est diffusé sur le continent, se taillant une place de choix dans la galaxie des textiles africains. L’exposition met en lumière le rôle clé du marchand écossais Ebenezer Brown Fleming dans l’adoption du batik industriel en Afrique, créant plus de 200 motifs qui s’inspirent des batiks indonésiens, des tissus des royaumes africains locaux, de l’Égypte ancienne et de la calligraphie arabe.

Chaque motif a un sens, inspiré de la nature, d’un proverbe ou d’un événement particulier. Ils délivrent un message et sont porteurs de valeurs sociales ou symboliques. L’exposition révèle la richesse de cette iconographie à travers des exemples concrets : des motifs à succès comme La main, Morceaux de sucre, Fleur de mariage, Œil, Hibiscus, Hirondelle, Le sac de Michelle Obama, Robinet, L’œil de ma rivale, Tu sors je sors, Chérie ne me tourne pas le dos ou Mari capable.

Les communautés (Nigéria, Bénin, Côte d’Ivoire, Togo…) puisent dans la faune, la flore et, progressivement, dans la politique et la religion pour personnaliser ce tissu, le revendiquer aussi d’une certaine manière.

Les « Nana Benz » : pionnières du commerce du wax

L’un des aspects les plus captivants de l’exposition concerne le rôle prépondérant des femmes dans la diffusion et la popularité de ce tissu en revenant, par exemple, sur la saga des Nana Benz. Ces premières commerçantes distributrices de wax sur les marchés du Togo dans les années 1960 ont fait fortune de ce commerce lucratif.

Comme l’explique Soloba Diakité, commissaire de l’exposition : « Na veut dire mère, grand-mère, c’est honorifique. Dans les années 1950 au Ghana, elles vont découvrir ces textiles et les commercialiser à Lomé. Ces femmes très importantes vont leur donner une valeur en les nommant après avoir observé la société. Entre 1960 et 1990, elles montent un empire et vont avoir des monopoles« .

Depuis plus de deux décennies, le wax fascine artistes, designers et couturiers, séduits par la modernité de sa palette et l’infinie variété de ses motifs. L’exposition présente les œuvres de figures majeures de la photographie africaine comme Malick Sidibé et Seydou Keïta, qui ont documenté dès les années 1960 la popularité grandissante du wax.
La section contemporaine met en valeur les créations de stylistes renommés tels que Lamine Badian Kouyaté (Xuly Bët), Alexis Temomanin et Adina Ntankeu, ainsi que les œuvres de photographes de renom comme Thandiwe Muriu et Omar Victor Diop.

L’exposition du Musée de l’Homme bénéficie d’un commissariat scientifique exemplaire avec Soloba Diakité, historienne de l’art et spécialiste du patrimoine textile africain, Cindy Olohou, historienne de l’art et critique d’art contemporain, et Manuel Valentin, anthropologue des patrimoines matériels. Cette approche pluridisciplinaire permet d’aborder le wax sous tous ses angles : historique, anthropologique, artistique et sociologique.

Entre appropriation culturelle et revendication identitaire

L’exposition interroge les tensions contemporaines autour du wax : « S’il est généralement perçu comme un tissu ‘africain’, certains artistes considèrent que le wax renvoie en réalité à un imaginaire de l’Afrique stéréotypé et dénoncent le fait qu’il a éclipsé les tissus traditionnels du continent. À contrario, il est aussi devenu un outil de revendication identitaire notamment pour les artistes afro-descendants de la diaspora« .

Tissus wax
Tissus wax

Cette dialectique constitue l’un des fils conducteurs de l’exposition, qui interroge la notion de patrimoine textile et la manière dont les cultures se réinventent en permanence à travers des objets du quotidien.

La scénographie valorise la richesse chromatique et motifs du wax dans un nuancier de couleurs captivant et engagé, offrant aux visiteurs une expérience à la fois esthétique et intellectuelle.

Informations pratiques

  • Musée de l’Homme
  • 17, place du Trocadéro, Paris 16e
  • Dates : Du 5 février au 7 septembre 2025
  • Horaires : Tous les jours de 11h à 19h, sauf le mardi
  • Métro : Trocadéro (lignes 6 et 9)
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