Le tourisme au Niger cherche un nouveau souffle


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Le bilan de l’année 2007 s’annonce médiocre pour le tourisme nigérien. Le nord du pays, région la plus prisée par les visiteurs étrangers, est actuellement le théâtre d’affrontements entre les touaregs et l’armée régulière. Quelles orientations sont prises pour faire face à la crise du tourisme ? Comment développer ce secteur d’activité qui, pendant longtemps, a été considéré comme mineur par l’Etat nigérien ? Aïssa Amadou, ministre du Tourisme et de l’Artisanat, a répondu aux questions d’Afrik.com. Elle nous a également livré son bilan du Salon international de l’artisanat pour la femme 2007 (SAFEM), un événement placé sous la tutelle de son ministère.

Notre envoyé spécial à Niamey

Le produit touristique nigérien se décline en trois grands ensembles : le désert, essentiellement situé dans le nord du pays et de la région d’Agadez, et qui attire le plus grand nombre de visiteurs chaque année ; le fleuve, localisé à Niamey et aux alentours ; et la zone Centre-Est. A la tête du ministère chargé d’optimiser cette activité depuis juin 2007 : Aïssa Amadou, 45 ans, membre de l’Alliance nigérienne pour la démocratie et le progrès (ANDP)/ Zaman-Lahiya, parti de la majorité parlementaire au pouvoir. Elle connaît bien les professionnels des secteurs du tourisme et de l’artisanat. Depuis 2005 jusqu’au début de l’année 2007, elle a assuré la coordination générale de leurs activités eu qualité de secrétaire générale du ministère qu’elle dirige aujourd’hui. Elle a accordé une interview à Afrik.com.

Afrik.com : Combien de touristes viennent chaque année au Niger, et combien ce secteur d’activité rapporte-t-il au pays ?

Aïssa Amadou : En 2005-2006, 70 000 touristes ont visité le Niger. Principalement des Français. Il y avait aussi des Italiens, des Allemands, des Américains et des Canadiens. Il faut noter une nouveauté : la poussée des touristes américains dont deux groupes ont été directement à Agadez, dans le nord. Pour cette même période 2005-2006, le tourisme a rapporté 27 milliards de Francs CFA[[1 euro = 655 Francs CFA]] au Niger. Des revenus en progression depuis 2000, qui marquaient une très nette sortie de crise [[Durant les années 90, la rébellion touareg qui a sévi dans le nord du pays avait fait chuter les revenus du tourisme]]. Mais cette année, avec ce qui se passe dans le nord, le tourisme connaîtra un nouveau coup dur.

Afrik.com : Les affrontements qui ont lieu actuellement dans le nord du pays entre les touaregs et les forces gouvernementales font que de nombreux touristes se détournent de la destination Niger. Comment comptez-vous réagir à cette crise ?

Aïssa Amadou : C’était le Nord qui était la région phare du pays et qui attirait le plus. Donc nous allons maintenant mettre l’accent sur la région du fleuve et le Sud-Est. Nous comptons valoriser les sites qui s’y trouvent : le parc du W et son extraordinaire biodiversité, le site des girafes de Kouré, la mare d’Albarkaizé qui compte plus de 3500 espèces d’oiseaux, l’île de Lété et ses paysages superbes… C’est d’ailleurs sur cette île qu’il y a deux semaines nous avons ouvert officiellement la saison touristique. Sa particularité tient dans le fait qu’elle a été pendant longtemps, avec d’autres îles, un objet de litige entre le Niger et le Bénin. En 2005, la Cour de Justice a arbitré ce différend. Un certain nombre d’îles ont été réparties entre les deux pays, et la plus symbolique, celle de Lété, a été attribuée au Niger.

Afrik.com : Vous mettez particulièrement l’accent sur le patrimoine naturel du pays…

Aïssa Amadou : Nous sommes en plein dans l’élaboration d’une stratégie de développement durable par le tourisme écologique. Nous cherchons des partenaires techniques et financiers pour faire une étude sur le sujet. La Banque mondiale nous a dit qu’elle ne pourrait pas nous financer. Donc, actuellement, nous sommes en pourparlers avec l’Etat nigérien à qui nous avons demandé s’il pouvait financer cette étude d’un coût de 102 millions de F CFA[[200 000 $ US]].

Afrik.com : Le Niger a un fort potentiel touristique, pourtant ce secteur est relativement peu développé. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Aïssa Amadou : C’est vrai que le tourisme ne pèse pas lourd par rapport au reste des secteurs d’activité du Niger. De plus, ce n’est que cette année qu’il a été pris en compte par le gouvernement dans sa Stratégie du développement accéléré et de la réduction de la pauvreté (SRDP). Nous étions restés à une vision qui mettait en avant d’autres secteurs prioritaires : la santé, l’éducation, et les secteurs subséquents que sont la pêche, l’agriculture et l’activité minière. Ce n’est que très récemment qu’on s’est dit que le tourisme et l’artisanat pouvaient contribuer au mieux être de la population.

Afrik.com : L’artisanat se porte-t-il mieux que le tourisme au Niger ?

Aïssa Amadou : Les deux secteurs sont difficilement comparables. L’artisanat emploie plus de monde que le tourisme et a plus d’effets sociaux induits. Plus de 600 000 personnes exerçant 210 métiers travaillent dans l’artisanat dont plus de 360 000 dans des petites et micro entreprises. Cette activité représente 23% du Produit Intérieur Brut (PIB)[[PIB réel du Niger en 2006 = 1114,9 milliards de F CFA. PIB/ hab = 141 800 F CFA. Source : Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA).]]. Pour le tourisme, qui n’a été pris en compte que cette année dans la SRDP, nous n’avons pas le nombre précis de personnes vivant de ce secteur. Cependant, je peux vous dire qu’aujourd’hui il y a 73 hôtels et 150 agences de voyage au Niger, concentrés à Niamey et Agadez. Et beaucoup de mesures d’allègement fiscal et administratif ont été prises pour que plus de personnes investissent dans cette activité. Aucun grand groupe hôtelier n’est présent pour le moment dans le pays. Nous espérons que cela changera très vite.

Afrik.com : Le [Salon international de l’artisanat pour la femme (SAFEM)->] se tient actuellement à Niamey. Pourquoi l’Etat nigérien ne l’a institutionnalisé que cette année, pour sa cinquième édition ?

Aïssa Amadou : En fait, le SAFEM a été initié par le Ministère du tourisme et l’artisanat en collaboration avec le Ministère chargé de la promotion de la femme. Mais comme il a gagné en notoriété, les autorités ont décidé de l’institutionnaliser, de lui donner un siège permanent, et une commission nationale d’organisation a été mise en place spécialement pour la manifestation. Le Ministère du tourisme et de l’artisanat, qui assure sa tutelle, joue un rôle important dans la réalisation de l’événement. Nous sommes amenés chaque fois que besoin à faire un plaidoyer auprès du gouvernement pour obtenir les moyens techniques et financiers nécessaires.

Afrik.com : Le SAFEM 2007 est sur le point de fermer ses portes. Quel bilan faites-vous de cette édition ?

Aïssa Amadou : C’est la satisfaction totale. D’abord du point de vue de la participation. Nous n’avons pas encore les chiffres exacts, mais nous pouvons déjà dire qu’elle a été record. Il y a eu une grande affluence du public, et les 17 pays attendus étaient présents – j’ai même vu un stand Egypte. Pour ce qui est du SAFEM, en tant que cadre de rapprochement panafricain, l’objectif a été atteint également puisque presque tous les pays de la sous région étaient là. La Première dame de Guinée, la ministre de l’Environnement de Mauritanie, ainsi que plusieurs représentants des ministères du Tourisme et de l’artisanat des Nations sont venus au Salon. Sur le plan de l’organisation, de gros efforts ont été fournis, particulièrement lors de l’ouverture. Je tiens d’ailleurs à féliciter Mme Aichatou Kané, la coordonnatrice de l’événement, qui s’est particulièrement investie. Oui, le SAFEM 2007 est assurément une belle réussite.

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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