Le Safem : pour l’émancipation de la femme africaine par l’artisanat


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La cinquième édition du Salon international de l’artisanat pour la femme (Safem) se tient du 1er au 10 décembre dans le village artisanal de Wadata, à Niamey, la capitale nigérienne. Plusieurs centaines d’exposants venus de seize pays du continent y présentent leurs créations. Un événement coordonné par Aïchatou Kané qui entend œuvrer à l’émancipation économique et sociale des femmes africaines.

De notre envoyé spécial à Niamey

AichatouKaneok.jpgEn Afrique, l’artisanat est l’un des plus importants secteurs d’activité. Au Niger, il représente 23% du PIB et la proportion de femmes y travaillant est estimée à 52%. Elles opèrent essentiellement dans la transformation de produits agricoles et pastoraux. Maroquinerie, textile, vannerie, poterie, bijouterie, cosmétique…un large spectre d’activités que, tous les deux ans, le Safem promeut afin de leur permettre d’élargir leurs réseaux de distribution, d’augmenter leur chiffre d’affaire, d’échanger, et améliorer l’estime de soi. A l’origine de cet événement, un groupe de femmes nigériennes dont Aïchatou Kané qui en assure aujourd’hui la coordination du Salon.

Afrik.com : Vous organisez cette année la cinquième édition du Safem. Pouvez-vous nous expliquer comment l’aventure a commencé ?

Aïchatou Kané :
Au Safem, nous sommes un certain nombre de femmes, actives, entreprenantes, qu’on appelle « femmes leaders ». Dans le courant des années 1990, je participais à un projet de développement soutenu par le Luxembourg. Nous avions constaté que la majorité des artisans que nous appuyions n’arrivaient pas à faire leur chemin. Avec d’autres femmes, nous nous sommes rendues compte que si ces artisans rencontraient des problèmes pour subsister, c’était parce que les Nigériens ne consommaient pas les produits locaux. Les femmes sont les prescriptrices de la consommation des ménages, donc nous les avons ciblées pour qu’elles consomment l’artisanat local. Mais le Safem ne vise pas la femme seulement en tant que consommatrice, il la vise aussi en tant que productrice. Avec une vingtaine de femmes leaders, nous avons organisé une édition test en 2000 à laquelle ont participé le Togo et le Bénin. Comme elle a bien marché, nous avons recommencé en 2001. Cette fois, nous étions une centaine engagées dans le projet, et nous sommes parties à la rencontre des responsables politiques et des chefs d’entreprise qui importaient leurs produits de Chine et de Hong-Kong pour les sensibiliser. Nous avons alors invité les pays de l’Umoa (Union Monétaire Ouest Africaine, ndlr) sur les fonds de coopération luxembourgeois et de l’Union européenne. L’Etat nigérien ne nous a pas aidées. Mais nous avons poursuivi nos efforts. Et cette année, pour la première fois, le Safem a été institutionnalisé. Il fonctionne en tant que structure autonome, opérationnelle depuis février 2007. Nous sommes soutenues par le gouvernement nigérien et le Président de la République en personne. La Première dame est la marraine du Salon. Il faut dire qu’on a fait du lobbying, ce qu’il faut pour arriver à ce résultat…

Afrik.com : Au Burkina Faso, se tient déjà le Siao, Salon international de l’artisanat de Ouagadougou, tous les deux ans. Pourquoi organisez-vous un autre salon artisanal international au Niger ?

Aïchatou Kané :
Notre volonté n’est pas de faire un Siao bis. Nous voulons vraiment mettre en avant les femmes à travers l’artisanat, ainsi qu’une région méconnue des Nigériens eux-mêmes, et plus généralement des Africains. A chaque édition, nous mettons une région du Niger en avant. Cette année, il s’agit de Maradi, dans le Sud du pays.

Afrik.com : Cette année, le thème du Safem est « L’artisanat, facteur d’autonomisation des femmes africaines ». Pourquoi ?

Aïchatou Kané :
L’objectif du Safem est de valoriser le travail des femmes, surtout en milieu rural où elles ne rencontrent pas beaucoup de visiteurs. Les femmes sont trop marginalisées sur le plan social et économique. Elles n’arrivent pas à s’affirmer en tant qu’êtres humains. Et nous pensons que pour s’affirmer en tant que telles, elles doivent s’imposer dans le domaine économique. Une ambition qui rentre dans les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD, ndlr) des Nations Unies.

Afrik.com : Quelles sont vos ambitions en terme de fréquentation ?

Aïchatou Kané :
Pour cette cinquième édition du Safem, nous avons invité 16 pays. Des pays de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ndlr), de l’Umoa et la Mauritanie. Nous recevons plus de 500 exposants, installés sur 216 stands, dont 75% de femmes et 25% d’hommes qui fabriquent des produits pour les femmes. Nous attendons plus de 100 000 visiteurs sur 10 jours.

Afrik.com : Quels seront les temps forts de ce Safem 2007 ?

Aïchatou Kané :
En dehors de la cérémonie d’ouverture du 1er décembre, il faudra absolument visiter dans le hall « La chambre de la mariée moderne » dont les objets ont été confectionnés par trente femmes du Niger, originaires pour la moitié de Maradi, la région phare de cette année, sous la houlette de deux designers français. L’idée était de leur faire confectionner des produits exportables plutôt qu’elles restent confinées dans la tradition qui fournit des objets bien souvent peu vendeurs, même ici au Niger. Nous organiserons également deux conférences et ateliers organisés autour des thèmes  » Artisanat, facteur d’autonomisation des femmes » et « L’entreprenariat féminin en Afrique ». Enfin, il y aura à la fin une soirée de gala avec un défilé, présenté sur des musiques nigériennes et africaines, mettant en lumière des vêtements modernes inspirés de la tradition. Notre satisfaction dépendra de celle des femmes venues exposer et des visiteurs du salon.

 Consulter le site du Safem

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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