
La fermeture annoncée de plusieurs ambassades belges en Afrique subsaharienne, notamment au Burkina Faso et au Niger, modifie substantiellement la politique étrangère du Royaume. Entre contraintes budgétaires, dégradation sécuritaire au Sahel et concurrence des puissances émergentes, cette décision révèle les limites d’une diplomatie héritée de l’époque coloniale.
Alors que Bruxelles redéfinit ses priorités sur le continent, ce retrait partiel interroge plus largement sur l’avenir de l’influence européenne en Afrique et la capacité des anciennes métropoles à maintenir leur pertinence dans un ordre géopolitique en pleine mutation.
La Belgique vient d’annoncer la fermeture de plusieurs missions diplomatiques en Afrique subsaharienne. Cette décision, qui concerne notamment les ambassades au Burkina Faso, au Niger et potentiellement d’autres représentations, s’inscrit dans une reconfiguration plus large de la présence belge sur le continent, longtemps façonnée par l’héritage colonial et les relations privilégiées avec la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Burundi.
Une rationalisation budgétaire dans un contexte de restrictions
La première explication avancée par les autorités belges relève de la contrainte économique. Face à un déficit public important et à la nécessité de réduire les dépenses de l’État, le ministère des Affaires étrangères subit des coupes budgétaires significatives. Le maintien d’une ambassade représente un coût substantiel : personnel diplomatique et local, sécurité, infrastructures, véhicules blindés dans certaines zones. Dans ce contexte d’arbitrages budgétaires, les postes considérés comme moins stratégiques deviennent des variables d’ajustement.
Cette logique comptable s’accompagne d’une volonté de modernisation du réseau diplomatique. Bruxelles privilégie désormais les « ambassades régionales » couvrant plusieurs pays depuis une capitale, complétées par des bureaux de liaison plus légers et le recours accru à la diplomatie numérique. Cette approche permet théoriquement de maintenir une présence tout en réduisant les coûts fixes.
L’impact de la dégradation sécuritaire au Sahel
La détérioration spectaculaire de la situation sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne constitue un facteur déterminant. Le Burkina Faso et le Niger, où la Belgique ferme ses représentations, sont confrontés à une expansion continue des groupes armés jihadistes. Les capitales elles-mêmes ne sont plus épargnées par les attaques, rendant le travail diplomatique particulièrement périlleux et coûteux en termes de sécurité.
Les récents coups d’État militaires dans ces pays ont également compliqué les relations diplomatiques. Les nouvelles juntes au pouvoir adoptent des positions de plus en plus hostiles aux partenaires occidentaux traditionnels, privilégiant de nouveaux axes de coopération, notamment avec la Russie via le groupe Wagner. Dans ce contexte, maintenir une ambassade devient non seulement dangereux mais aussi politiquement peu productif.
Une remise en question de la politique africaine belge
Au-delà des considérations immédiates, ce retrait révèle une interrogation plus profonde sur la pertinence et l’efficacité de l’engagement belge en Afrique. Depuis les années 1960, la Belgique a maintenu une politique africaine ambitieuse, disproportionnée par rapport à sa taille, largement héritée de son passé colonial. Cette politique est aujourd’hui remise en question par une nouvelle génération politique moins attachée sentimentalement à ces liens historiques.
Enfin, les priorités se déplacent vers les questions migratoires, climatiques et économiques, avec une approche plus transactionnelle et moins paternaliste. Cette évolution reflète aussi les changements dans l’opinion publique belge, où l’Afrique occupe une place décroissante dans les préoccupations, hormis lors de crises humanitaires médiatisées.
Le retrait belge s’inscrit dans un contexte de redistribution des cartes géopolitiques en Afrique. La montée en puissance de la Chine, de la Turquie, des Émirats arabes unis et le retour de la Russie ont profondément modifié les équilibres. Face à ces acteurs disposant de moyens financiers considérables et d’une approche dénuée de conditionnalités politiques, la Belgique, comme d’autres pays européens moyens, peine à maintenir son influence.
Cette nouvelle donne pousse Bruxelles à concentrer ses ressources limitées sur les zones où elle dispose encore d’avantages comparatifs : l’Afrique des Grands Lacs, où les liens historiques, linguistiques et économiques restent substantiels. Le choix est fait de préserver une influence réelle dans un périmètre restreint plutôt que de disperser les efforts sur l’ensemble du continent.
Pour la Belgique, le défi sera de maintenir une politique africaine cohérente et visible malgré la réduction de son empreinte diplomatique. L’approche « Team Europe » promue par l’Union européenne pourrait offrir un cadre permettant de mutualiser les moyens tout en préservant une certaine influence.



