Le processus démocratique est irréversible


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Le processus démocratique au Congo-Kinshasa ne déraillera pas. C’est ce qu’à tenu à démontrer jeudi dernier à Paris, Olivier Kamitatu, le Président de l’Assemblée nationale de RDC. Qu’en est-il des 420 jours restant avant d’avoir un Président de la République constitutionnellement et démocratiquement élu ? Des rapports avec les Etats voisins ? De l’économie du pays ? Eléments de réponse.

Par Firmin Mutoto Luenmba

« Nous avons mis en place une structure institutionnelle très complexe mais qui, malgré tout, fonctionne et tient bon. » Olivier Kamitatu, tout jeune président du Parlement de la République démocratique du Congo (RDC), se veut optimiste et rassurant, en dépit d’une situation nationale demeurant globalement préoccupante. Particulièrement dans l’Est du pays où 400 éléments rwandais ont à nouveau fait incursion. Fait grave, et qui conforte les contestataires de la formule 1+4 adoptée à la tête de l’Etat : 1 Président et 4 Vice-Présidents. Pour ceux-là, la concurrence militaro-politico-rebelle instituée au sommet de l’Etat n’augure toujours pas une fin heureuse pour cette cohabitation à la congolaise, d’ici à l’échéance de juin 2005. Afin de décanter ce mauvais sort, Olivier Kamitatu expose différentes mesures légales, institutionnelles, prévues ou déjà appliquées, et qui doivent être avalisées par les « représentants du peuple » qu’il a la charge de diriger.

Course au pouvoir ?

Politiquement parlant, les Joseph Kabila, Jean-Pierre Bemba, Azarias Ruberwa, Arthur Z’Ahidi Ngoma, Abdoulaye Yerodia, tous « têtes de pont » présidentielles, ne sont-ils pas déjà entrés en campagne diplomatique et électorale les uns contre les autres ? « Non, assure Kamitatu. Au contraire, ils font montre d’un leadership exemplaire, gage d’un processus démocratique apaisé et positif. » Il étaye ses dires en prenant exemple sur l’attaque militaire qu’a connu Kinshasa dans la nuit du 28 au 29 mars derniers : « Ce fait malheureux a néanmoins révélé un point positif, c’est qu’il y avait un contact permanent entre le Président et ses Vice-Présidents ». Une commission d’enquête parlementaire et sénatoriale a été mise en place. Autres retombées attendues : celles de la saisie de la Cour Pénale Internationale (CPI) par Joseph Kabila, autour des massacres et crimes contre l’humanité ayant été éventuellement commis en RDC.

Ancien chef rebelle naguère accusé pour ces mêmes faits, Jean-Pierre Bemba se sentirait-il visé ? Membre du même parti politique (MLC : mouvement pour la libération du congo) que ce dernier, Kamitatu joue la transparence. « L’impunité ne peut prévaloir en RDC. En contrepartie, personne ne peut instrumentaliser la CPI. » Par ailleurs, la Constitution devant régir la nouvelle RDC n’étant pas encore votée, il est prématuré et illogique que les différents protagonistes fassent aveuglément une course au pouvoir, semble dire le président de l’Assemblée législative : « C’est la Constitution qui déterminera les pouvoirs de chaque institution et, par ricochet, les réelles ambitions de chacun ».

Harmoniser les rapports

Les différents foyers de tension qui persistent au Kivu incitent les dirigeants congolais à restaurer dans les plus brefs délais l’autorité de l’Etat. Cela, notamment, sur concertation entre le Président et ses quatre Vice-Présidents, en nommant de nouveaux gouverneurs de provinces, en accélérant l’intégration de l’armée et de la police (avec l’aide de la France pour ce dernier cas), et en activant le désarmement suivi de la réinsertion des jeunes et enfants militaires, appelés « kadogos »[[<*>Phénomène né au pays suite à l’agression orchestrée dans certains pays africains de l’Est( Ouganda, Rwanda, Burundi), soutenant Kabila le « Lion », contre le régime de Mobutu, le « Léopard du Zaïre »]].

« Nous devons résolument tourner cette page qui consiste, pour la RDC, à pleurer continuellement sur son sort d’agressée », a déclaré en substance le premier parlementaire de la République, qui s’est également appesanti sur les relations entre son pays et ses nombreux voisins. En commençant par le Rwanda : « Les 400 éléments de l’armée patriotique rwandaise, (APR) qui ont récemment mis pieds sur notre territoire, constituent pour nous un signal important, en vue de mettre vite en place le noyau de notre armée intégrée. Autrement, on connaîtra toujours des victimes de la violence. » Pour sa part, la Monuc (Mission de l’organisation des Nations Unies au Congo) aurait déjà rapatrié dix mille éléments rwandais. Leur présence (encore supposée) sur le sol congolais, demeure, pour l’APR, un prétexte afin d’envahir à nouveau celui-ci.

Prolonger la transition de six mois

La volonté des autorités congolaises de normaliser les rapports avec les Etats voisins parait être réelle. « Il est important d’organiser une conférence des Etats des Grands Lacs( RDC, Rwanda, Burundi, Ouganda, Tanzanie, Kenya), mais tout en l’élargissant aux autres Etats voisins. C’est de la sorte que nous pourrions globalement résoudre les questions qui nous préoccupent en commun, à savoir : la sécurité régionale, l’exploitation illégale des richesses, une économie mieux intégrée, ainsi que des questions humanitaires d’urgence. » Le peuple congolais, avec l’accompagnement du Parlement, pourra-t-il aller jusqu’au bout pour insuffler à l’Exécutif sa souveraine volonté ? Affirmatif, si l’on en croit Olivier Kamitatu qui soutient que l’organe législatif « exerce un contrôle sur l’Exécutif à travers des questions parlementaires. En sus, depuis quelques temps, la télévision nationale relaie en direct les débats qui se tiennent à l’Assemblée Nationale ».

Toutefois, un grand nombre d’observateurs n’accordent pas crédit aux actuels dirigeants de la transition en RDC de vouloir s’en remettre réellement à la sanction électorale prévue l’an prochain. Une déclaration (maladroite) de Kamitatu leur a peut-être donné provisoirement raison : « Si, et seulement si, pour des raisons techniques, la Commission électorale indépendante proposait de prolonger la transition de 6 mois, nous devrions l’admettre dans ce cas-là ». La politique, voire la « diplomatie parlementaire » ( l’expression est de lui-même !) n’a-t-elle pas comme particularité, d’avancer lentement mais sûrement vers son objectif ? Olivier Kamitatu vient de mettre au grand jour ce que bon nombre de politiciens envisagent secrètement : prolonger la transition de quelques mois.

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