Le Niger s’ensable


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Drapeau du Niger
Drapeau du Niger

La désertification menace la majeure partie du territoire nigérien. Président, gouvernement, populations : tous se mobilisent pour ne pas être enterrés vivants.

Au Niger, le désert est une vraie menace et les citoyens, qu’ils soient dirigeants ou simples paysans, ont pris conscience du danger. Le Niger est affecté par la sécheresse depuis 1968, les précipitations sont inférieures à 600 mm sur 99% du pays, et sur une superficie de 1, 267 millions de km2 les 4/5 du territoire nigérien sont menacés par la désertification.

Le bois est la principale source d’énergie pour 90% des ménages, notamment dans les centres urbains où l’environnement s’est beaucoup dégradé ces dernières années, et l’appauvrissement des populations qui dépendent de ces écosystèmes n’est un mystère pour personne. Devant l’ampleur du problème, le président nigérien Mamadou Tanja a invité son peuple à planter des arbres.

Août, le mois des pluies

Un ministère de l’Environnement et de la lutte contre la désertification vient d’être créé en janvier dernier. Un ministère spécifique dont Souley Aboubacar est le secrétaire général. Il explique que « l’Etat a dégagé cette année une enveloppe de 1 milliard de FCFA. Ce qui est encore insuffisant, mais très encourageant. »

Depuis 1974, le gouvernement nigérien profite du jour de la célébration de la fête nationale, le 3 août, pour s’adresser à la population. Pendant tout le mois d’août il pleut assez régulièrement – une fois par semaine -, c’est donc pendant cette période que peuvent être menées les opérations de reboisement. Le mois d’août est le mois de la promotion de l’arbre au Niger. Une journée nationale lui est même consacrée : le 10 août dernier c’est à Agadez qu’a eu lieu la cérémonie.

Impact limité

Les actions à entreprendre concernent le maintien du couvert végétal existant, la réduction du déboisement et la régénération des forêts. Pour cela, le gouvernement compte sur la mobilisation de la population. Les 6, 7 et 8 septembre prochains se tiendra un forum national qui permettra de trouver un plan d’action à grande échelle. Car Souley Aboubacar note que pour l’instant il n’y a pas d’actions de grande envergure : « Les actions se font à l’échelle des villages et ont encore un impact limité. Les progrès existent, mais à échelle réduite et ne sont pas significatifs pour un pays aussi vaste. »

Certains projets ont pourtant porté leurs fruits comme « le projet intégré Keita qui lutte contre la désertification à travers la récupération de terres. La population s’est approprié ce genre d’action et la duplique. La lutte contre l’ensablement a ainsi donné de bons résultats. Le Niger est à 90% désertique, et les programmes de fixation des dunes ont donné des résultats intéressants » explique M. Aboubacar.

Alou Djibril, 45 ans et six enfants, a créé l’ONG Action pour la Lutte contre la Désertification (ALUDES) en 1996. Alou note deux phases de reboisement : « Une première action de plantation d’arbres là où les pertes ne sont pas très graves, et une deuxième action de plantation dans des régions où le sable avance, où les dunes menacent. Comme à Agadez, par exemple. »

L’ONG compte aujourd’hui une dizaine de personnes, et Alou ne ménage pas sa peine. Il est le plus souvent sur le terrain. Un terrain difficile : « Les opérations ont d’abord été menées auprès des grandes agglomérations, là où la densité de population est la plus grande. Car le Niger est constitué de petits villages peu peuplés et distants les uns des autres : la population à mobiliser est éparse, et cela augmente les coûts des interventions en conséquence. »

Un combat perdu d’avance

Pourtant Alou insiste : « A certains endroits, les routes sont totalement enterrées. C’est une lutte acharnée entre le désert et l’homme. On sait qu’on est perdant, mais on essaie quand même de ralentir l’avancée du sable. »

L’ONG cherche à sensibiliser la population. Pour cela il faut se déplacer dans les villages « au moment des fêtes, lorsque les gens ne sont pas aux champs. Pour prendre contact avec la population, il faut attirer l’attention : nous avons installé des moulins à grains tout neufs dans certains villages. Il faut d’abord attirer la population vers nous, et ensuite mettre en place des opérations de reboisement. Il faut leur expliquer aussi pas à pas pourquoi leur village est en danger. »

Les femmes sont celles qu’il faut informer et former en premier car elles sont beaucoup plus impliquées que les hommes dans les problèmes de gestion des ressources naturelles à partir des activités qu’elles réalisent. « Ce sont les femmes qu’il faut toucher en premier. Ce sont elles qui ont le plus d’action sur la nature » explique Alou. Et de conclure : « Avec de la chance, le Niger s’en sortira. » Avec de la ténacité surtout.

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