Le mythique chevalier de Saint-George sur France 3 le 10 mai 2011


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Le chevalier de Saint-George
Le chevalier de Saint-George

À l’occasion du dixième anniversaire de la loi française reconnaissant le caractère criminel de l’esclavage, France Télévisions va diffuser le 10 mai 2011 un docu-fiction de 52 minutes, consacré au chevalier de Saint-George, tourné notamment au château de Versailles, dans le donjon du château de Vincennes et sur l’île de Marie-Galante, en Guadeloupe. La réalisation et l’interprétation en ont été confiées à Claude Ribbe, écrivain et cinéaste, qui avait déjà signé l’an passé, pour France 2, Le Diable noir, un documentaire remarqué consacré au général Dumas, père de l’écrivain.

Pour la première fois, la télévision française de service public (France 3) rend hommage, à travers une fiction significative, au célèbre musicien-escrimeur, fils d’un « Béké » et d’une esclave, lui-même né esclave en Guadeloupe le 25 décembre 1745 et mort libre à Paris le 10 juin 1799.

L’acteur-réalisateur

Claude Ribbe, normalien, agrégé de philosophie, ancien membre de la commission nationale consultative des droits de l’Homme, est particulièrement engagé dans les actions rendant hommage à la mémoire des esclaves et dans la lutte contre le racisme. Organisateur de la cérémonie annuelle du 10 mai, place du général-Catroux à Paris (prochain rendez-vous le 10 mai 2011 sur la place, devant les fers brisés à partir de 18 heures) il s’est rendu célèbre en 2005 par un pamphlet révélant au grand public l’aspect esclavagiste de Napoléon. Ami de Césaire (auquel il rend hommage dans Le nègre vous emmerde, Buchet-Chastel) il a été l’initiateur de son entrée symbolique au Panthéon et de la réhabilitation du général Dumas (auquel un important monument est désormais consacré à Paris et pour lequel Claude Ribbe a demandé à Nicolas Sarkozy la réintégration symbolique dans l’ordre de la Légion d’honneur à titre posthume, avec l’appui d’une pétition signée par 7 000 personnes).

Il est également l’auteur de deux ouvrages consacrés à Saint-George : une biographie, Le chevalier de Saint-George (Perrin, 2004) et une fiction, Mémoires du chevalier de Saint-George, Orthéal, 2011, rééd. C’est de ce dernier ouvrage que le film est adapté. Claude Ribbe a également signé, pour Bartabas, un spectacle équestre et pyrotechnique
représenté au château de Versailles en 2004 devant 50 000 spectateurs : Le chevalier de Saint-George, un Africain à la Cour.

Un film d’époque

Dans ce nouveau film, Le chevalier de Saint-George, où il s’est personnellement investi d’une manière assez spectaculaire, le réalisateur, lui-même d’origine guadeloupéenne, violoniste, escrimeur et cavalier, a principalement mis l’accent sur la carrière musicale de Saint-George et les difficultés que ce compositeur surdoué (d’aucuns l’ont comparé à Mozart) eut à affronter du fait de sa couleur et de ses origines dans la société métropolitaine des Lumières, plutôt favorable à l’abolition (progressive) de l’esclavage, mais où commençait à se répandre le préjugé
de couleur.

Loin de tomber dans le manichéisme, le film ne passe pas sous silence le royalisme (modéré) de Saint-George – qui, par ailleurs franc-maçon notoire, créa sous la Révolution une « légion » montée composée d’anciens esclaves – ni ses liens avec le général Dumouriez (interprété par Antoine Blanquefort) qui passa à l’ennemi en avril 1793.

Des comédiens talentueux

On retiendra du chevalier de Saint-George, où se distinguent de jeunes comédiens souvent venus du théâtre, de nombreuses scènes cultes : la rencontre entre les parents de Saint-George, Nanon (Myriam Massengo-Lacavé) et Georges de Bologne (Jérémy Banster) l’embarquement dujeune Saint-George sur un somptueux trois mâts aux Antilles, l’arrivée en carrosse doré dans la cour du château de Versailles, la rencontre désopilante (et historiquement attestée) entre Saint-George, adulé du public, et le futur auteur des Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos (inconnu à l’époque et bien piètre poète) joué dans le film par David Palatino, les savoureux dialogues entre la marquise de Créquy (Élise Noiraud) – incarnant des préjugés hélas toujours en vogue – et un aveugle spirituel et cancanier, Lefebvre de Beauvray (Franck Boss), le marivaudage avec la marquise de Montalembert (Aurélie Matéo), le plan séquence (non-doublé) où Saint-George accompagne au pianoforte la comédienne et soprano lyrique Leïlani Lemmet, dans le rôle de Louise Fusil, le dialogue animé avec le duc d’Orléans (Fabien Carrara) tenant une « fille » (Sophie Anselme) sur ses genoux, séquence tournée à Versailles dans l’éblouissant salon des gardes de la Reine, l’assaut d’escrime avec un célèbre travesti, le chevalier d’Éon (l’escrimeuse Stéphanie Muel) les échanges entre Saint-George, un commissaire raciste (le truculent Jöchen Haegele) et le président de l’Assemblée (Victorien Robert dans le rôle d’Hérault de Séchelles) un dialogue équestre avec le général Dumas (Stany Coppet) et surtout le duo musical particulièrement intense entre le violoniste Saint-George (auquel on a prêté des talents de séducteur) et la reine-musicienne Marie-Antoinette (interprétée de manière saisissante par la jeune claveciniste Marie Van Rhijn) qui a été tourné au Pavillon français du Petit Trianon et n’est pas sans évoquer l’ambiance propre à La sonate à Kreutzer de Tolstoï.

À noter également la prestation discrète mais effi cace d’un jeune acteur marie-galantais, Christophe Prauca, dans le rôle d’Hippolyte, valet et protecteur de Saint-George et celle de Bruno Henry, dans le rôle de Narcisse, un compagnon de Saint-George qui fi nit par le trahir. Sans oublier Jean-Claude Tisserand en geôlier sadique (séquence tournée dans le cachot de Mirabeau au château de Vincennes).

Un film de cape et d’épée

Mais Saint-George, le compositeur, était aussi le meilleur escrimeur de tous les temps. Pour les cascades, duels et autres assauts d’escrime, qui n’ont rien à envier aux plus célèbres films de cape et d’épée, Claude Ribbe a fait appel à son ami et professeur (qui fut également celui de Jean Marais et de Jean-Paul Belmondo) le légendaire maître d’armes Claude Carliez, spécialiste incontesté du genre (outre sa collaboration à deux James Bond : Le Bossu, Les Mariés de l’An deux, La fille de d’Artagnan, Valmont de Milos Forman, etc.). Claude Carliez, à l’instar du facteur de clavecins Claude Mercier-Ythier – qui a fourni les instruments d’époque – fait d’ailleurs une courte apparition dans le film.

Un film musical

La bande sonore du Chevalier de Saint-George, particulièrement soignée – et dont plusieurs titres sont joués en live dans le film – est exclusivement constituée
d’oeuvres, souvent oubliées, dont les partitions ont été retrouvées dans les bibliothèques d’Europe. Elles ont été choisies parmi les plus belles musiques composées par le chevalier de Saint-George et réenregistrées sur instruments baroques par un ensemble spécialement réuni pour la circonstance, l’orchestre du chevalier de Saint-George. La BO du film fait l’objet de la sortie concomitante d’un superbe CD : Le chevalier de Saint-George, choix de musique pour la reine Marie-Antoinette (sous le label Ortheal, réf. Ortheal 011).

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