Le mauvais sort des handicapés togolais


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Drapeau du Togo
Drapeau du Togo

Dur, dur d’être handicapé au Togo. La société voit en vous la conséquence d’une malédiction, de la sorcellerie. L’Etat se désengage du social, faute d’argent frais. Et il faut dix ans de travail pour acheter un fauteuil roulant. Quatrième article de notre série : les handicapés en Afrique

 » Les parents continuent de croire que le handicap est dû à une malédiction et à la sorcellerie. Ils préfèrent envoyer leurs enfants valides à l’école parce qu’ils pensent que leurs progénitures handicapées n’ont pas d’avenir « , proteste Viviane d’Almeda, coordinatrice du programme de sensibilisation des handicapés au Togo. Les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé sont très éloquents. Sur une population de 4 millions de Togolais, environ deux cent mille sont handicapés moteurs ou mentaux.  » Les principales causes sont la polio, les accidents de voitures et les morsures de serpents. Il y a beaucoup de personnes qui ont été amputées des jambes ou des mains suite à une morsure. Quand la personne mordue arrive à l’hôpital, si elle y arrive, c’est déjà trop tard « , remarque Karl Blanchet, responsable de Handicap international à Lomé.

Sorcellerie, mariage et tricycle

 » Les fauteuils roulants ne sont pas adaptés pour le Togo. Les rues sont ensablées, même à Lomé. Les handicapés préfèrent utiliser des tricycles car ils peuvent, de cette façon, pédaler avec leurs mains « , explique méticuleusement Karl Blanchet. Un tricycle coûte environ 1 200 FF et le salaire moyen au Togo est de 200 FF.  » Aucun paysan togolais ne peut se permettre un tricycle. C’est généralement des associations caritatives et des fondations qui se cotisent pour les offrir aux démunis « , note la coordinatrice togolaise, Viviane d’Alméda.

L’insertion sociale passe par le travail et le mariage, les deux sont intimement liés.  » Si un handicapé trouve un travail, il peut se marier et avoir des enfants et donc s’intégrer totalement dans la société. Car, au Togo, il est important de fonder une famille pour être accepté par les  » gens normaux « , analyse Karl Blanchet. Viviane d’Alméda, elle, insiste sur l’aspect psychologique.  » La personne handicapée est surprotégée par sa famille durant son enfance. Elle ne fait strictement rien et reste toute seule chez elle. Arrivée à la majorité, elle fait face à un processus inverse : ignorée complètement, elle devient une charge. Il faut changer cette image et dans notre société et chez les handicapés eux-mêmes. Nous essayons de donner aux personnes handicapées un métier qui puisse leur assurer des revenus décents « .

Eyadema, sport et lutte contre la discrimination

 » Le pays est en crise politique et économique. La communauté internationale, notamment l’Union Européenne, a coupé court à toute intervention humanitaire. Elle a conditionné son aide à la tenue d’élections législatives transparentes. Pour l’instant, rien n’est décidé « , affirme le responsable d’une ONG. Avec un budget annuel de 5 millions de FF, Handicap international fait du lobbying auprès du gouvernement togolais pour améliorer le sort des handicapés.  » Nous voulons faire passer une loi contre la discrimination des personnes handicapées. Il est absurde de voir un handicapé réussir brillamment son concours d’entrée à la fonction publique et se voir refuser le poste à cause de son handicap ! « , s’insurge Karl Blanchet.

Ce forcing commence à donner des résultats. L’entreprise danoise Fan Milk, basée à Lomé, a embauché 10 personnes handicapées dans cette ville, 10 à Cotonou et 10 à Ouagadougou, au Burkina Faso, pour la vente ambulante de produits laitiers. Le parlement togolais votera, prochainement, un projet de loi contre la discrimination  » physique « . En mai 2001, le Togo accueillera les Jeux handisports africains. 400 athlètes, venant de 14 pays, se disputeront les médailles dans 30 épreuves. Leurs performances contribueront à redorer symboliquement l’image des handicapés dans la société togolaise, et à faciliter leur insertion… Nous y reviendrons.

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