Affaire Gnakadè : la justice, pilier de la démocratie


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Essossimna Marguerite Gnakadé
Essossimna Marguerite Gnakadé

L’arrestation de Marguerite Gnakadè, dénoncée par les activistes sur les réseaux sociaux, constitue un véritable test pour le Togo, qui compte tout mettre en œuvre pour montrer le bon fonctionnement de sa justice.

Sur les réseaux sociaux, les activistes du M66, mouvement togolais de contestation, ont profité de l’arrestation de l’ancienne ministre des Armées, Marguerite Gnakadè, pour contester le pouvoir togolais. Une opération de communication qui, de facto, place l’ex-dirigeante politique en tant que prisonnière d’opinion. Or, de nombreuses choses ont été dites avant que l’on ne sache les raisons de l’arrestation. Depuis, le procureur de la République du Togo, Mawama Talaka, a expliqué ce qui était reproché à Marguerite Gnakadè, poursuivie entre autres pour « appels séditieux à l’armée » et « incitation au soulèvement contre l’autorité de l’État ». L’ancienne ministre est également accusée d’avoir « délibérément » détruit près d’un millier de preuves et donc d’avoir entravé le cours de la justice.

Des rumeurs aux faits

Marguerite Gnakadè est-elle une prisonnière politique, comme on peut le lire ici et là ? Certains médias, principalement tenus par des activistes installés à l’extérieur du pays, n’hésitent pas à donner du Togo l’image d’un pays qui empêcherait tout opposant de s’exprimer. C’est oublier que, en mai dernier, plusieurs centaines d’opposants, principalement issus de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et des Forces démocratiques pour la République (FDR) s’étaient rassemblés à Lomé pour protester contre Faure Gnassingbé. Une manifestation qui s’était déroulée sans incident, comme le relatait alors Le Monde. « Depuis 1991, le multipartisme a été légalement restauré au Togo », rappelle un expert politique. Le cas de Marguerite Gnakadè dépasse donc le simple cadre de l’opposition politique. Reste que les prochains mois qui attendent la justice togolaise seront un véritable test pour la démocratie Togo.

Une démocratie qui a évolué ces derniers mois avec une révision des textes. « Avec la nouvelle révision constitutionnelle, le Togo instaure un système de séparation souple des pouvoirs », résume Koffi Améssou Adaba, enseignant et chercheur en sociologie politique à l’Université de Lomé. En juillet 2021, le Comité des droits de l’Homme des Nations unies avait indiqué à une délégation togolaise que « l’indépendance du parquet, ou du moins son autonomie, est une condition indispensable à l’indépendance et impartialité des tribunaux ». Depuis, le pouvoir judiciaire togolais a subi une véritable réforme. « Les juges de la Cour constitutionnelle sont nommés par le président du Conseil des ministres, par le parlement et par le Conseil supérieur de la magistrature à raison d’un quota de tiers pour chaque institution. Ils sont (…) garants du respect de la Constitution par le législatif et l’exécutif », poursuit Koffi Améssou Adaba.

Les réseaux sociaux ne sont pas des tribunaux

Si la justice peut toujours être améliorée, force est de constater qu’elle évolue de la bonne façon au Togo. Selon l’index du World Justice Project, le Togo fait partie des bons élèves en matière de sécurité, qui est, selon l’ONG, « l‘un des aspects déterminants de toute société fondée sur l’État de droit et constitue une fonction fondamentale de l’État. Elle est également une condition préalable à la réalisation des droits et libertés que l’État de droit vise à promouvoir ». Le Togo, dans le même index, bénéficie également de notes honorables en termes de justice civile, de justice criminelle et d’application de la réglementation. « Derrière les discours biaisés des activistes se cache une réalité plus importante : la justice fonctionne de mieux en mieux au Togo », indique notre observateur politique. Preuves de cette progression : le rappeur Aamron, impliqué dans l’affaire Gnakadè, a lui été remis en liberté sous contrôle judiciaire. En juin, si 56 personnes avaient été arrêtées lors de manifestations, seuls trois avaient été placées en détention.

« La justice, comme dans toute démocratie, se base sur des faits et des enquêtes. Le rôle de l’Etat est de garantir la sécurité de ses citoyens », affirme une source judiciaire. Du côté du procureur de la République, concernant Marguerite Gnakadè, « l’instruction judiciaire se poursuivra sous la conduite du juge, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale ». Quelques jours après l’arrestation de l’ancienne ministre, il est temps de remettre la raison au centre du dossier : les réseaux sociaux ne sont pas des tribunaux et la justice se déroule dans les tribunaux. « La justice est une composante essentielle de la démocratie, un facteur de transformation démocratique de la société dans un sens égalitaire », résume Mariarosaria Guglielmi, magistrate et procureure européenne déléguée pour l’Italie. En suivant le déroulement de l’affaire Gnakadè, nous pourrons nous rendre compte de l’état d’avancée de la démocratie togolaise.

Omar Lucien Koffi

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