Le massacre des militaires noirs mauritaniens déterré à Inal


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Plus de 300 Mauritaniens ont effectué un pèlerinage à Inal les 27 et 28 novembre, où des centaines de militaires noirs Mauritaniens ont été exécutés par le pouvoir en 1990. Ces soldats ont laissé derrière eux des familles, veuves, enfants qui n’ont jamais su où reposaient leurs dépouilles. Pour leurs proches, il était important de retourner sur les lieux du drame pour leur rendre hommage.

L’association de lutte contre le racisme, IRA Mauritanie, qui a organisé le pèlerinage en partenariat avec plusieurs ONG, réclame que l’Etat mauritanien reconnaisse sa responsabilité dans ce massacre. Un massacre que les autorités mauritaniennes tentent à tout prix d’étouffer. Youba Dianka, président du comité Inal-France, l’un des organisateurs du pèlerinage, répond à Afrik.com.

Afrik.com : En quoi consiste le projet Inal ?

Youba Dianka :
« Le projet Inal » consistait à organiser le pèlerinage dans la ville d’Inal, le 27 et 28 novembre, des familles de centaines de militaires négros mauritaniens qui y ont été exécutés par le pouvoir en place en 1990. Inal est une localité située à plus de 200 km au nord de Nouadhibou, la capitale économique de la Mauritanie. Ce projet a été initié et mis en œuvre par l’association IRA Mauritanie qui lutte contre le racisme à l’encontre des noirs mauritaniens en partenariat avec plusieurs organisations non gouvernementales mauritaniennes, des partis politiques et des associations de droits Humains. Prières et recueillement étaient au programme pour le repos des défunts. Au passage, je remercie (en ma qualité du président du comité Inal-France) toutes les individualités qui ont participé de près ou de loin à sa réalisation.

Afrik.com : Comment s’est déroulé le pèlerinage ?

Youba Dianka :
Il y a eu beaucoup de tracasseries subies de la part des autorités mauritaniennes qui ne voulaient pas voir ce pèlerinage s’accomplir. Tout au long du parcours, des policiers et des gendarmes ont procédé à des contrôles sans arrêt suivis d’arrestations. Malgré tout, le pèlerinage a été un vrai succès ! Plus de 300 personnes avaient courageusement effectué le déplacement à Inal avec à sa tête, le président de IRA-Mauritanie Biram Dah ould ABEID.

Afrik.com : Pouvez-vous revenir sur l’histoire de ces massacres de militaire noirs dans la ville d’Inal ?

Youba Dianka :
L’histoire de ces massacres de militaires noirs en Mauritanie est triste et inhumaine. Les négros mauritaniens ont vécu des années de braise de 1989 et 1991. Dans cette folie meurtrière, vingt-huit militaires noirs ont été pendus dans la nuit du 28 novembre 1990 pour célébrer le trentième anniversaire de l’indépendance de notre pays dans la caserne militaire de la localité d’Inal. Je tiens à préciser qu’Inal n’est qu’un exemple; il y’ a eu plusieurs Inal en Mauritanie. Des horreurs ont eu lieu à Azlatt, à Sory Malé, à Wothie, à Walata, à Jreida et dans toute la vallée. A l’intérieur de la caserne militaire d’Inal et environs, il y a eu des militaires écartelés, enterrés vifs, tués à bout portant, et pendus pour célébrer la fête de l’indépendance du pays en 1990.

Afrik.com : Vous évoquez un travail de sensibilisation envers la diaspora mauritanienne et africaine à travers ce projet. Cela veut dire que peu de Mauritaniens ont connaissance de cette histoire ?

Youba Dianka :
Oui, il nous faut sensibiliser en permanence car la lutte ne doit pas s’arrêter tant que nous subirons l’injustice et la discrimination. J’ai envie de lancer ce slogan : Non à l’oubli ! Nous ne pouvons pas oublier ce qui s’est passé dans ce pays. Tous les mauritaniens sans exception savent ce qui s’est passé en Mauritanie ; mais nous devons faire notre devoir de rappeler en permanence ces faits jusqu’à ce que la justice fasse son travail et que les coupables soient punis.

Afrik.com : Actuellement quelle est la situation des Mauritaniens noirs dans le pays ? Subissent-ils toujours des discriminations ?

Youba Dianka :
La situation des Mauritaniens noirs n’a pas changé. Ils subissent quotidiennement des discriminations. Ils sont discriminés politiquement, socialement et économiquement dans leur propre pays. Leur situation devient de plus en plus intenable.

Afrik.com : Où en est le recensement national entrepris par le gouvernement depuis mai 2011 ? Le pouvoir a-t-il reculé face à la colère des manifestants ?

Youba Dianka :
Le recensement continue toujours avec quelques difficultés même si une légère amélioration a été constatée ces derniers temps. Cela est certainement dû à la lutte que nous avons menée et que nous continuons. A ce propos, la main d’un jeune mauritanien qui se nomme Abou FALL a été déchiquetée par une grenade raciste des policiers suite à une manifestation pacifique du mouvement « Touche pas à ma nationalité » organisée le 28 novembre à Nouakchott, alors que nos compatriotes effectuaient leur pèlerinage. Ce jeune musicien du Groupe de rap « HABOOBE BAASAL » a eu le malheur de participer à une marche pour réclamer ses droits à la Mauritanie.

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