Le Maroc traque les clandestins


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Le ministre français de l’Intérieur, Brice Hortefeux, s’est rendu lundi, pour une durée de deux jours, au Maroc. Il devrait rencontrer son homologue Chakib Benmoussa pour discuter notamment de son thème de prédilection, l’immigration clandestine, et du trafic de faux papiers – une pratique en pleine expansion dans le Royaume chérifien.

Brice Hortefeux pose ses valises pour deux jours sur le territoire marocain. L’occasion pour le ministre français de l’Intérieur de s’entretenir avec son homologue Chakib Benmoussa sur différents points. Au programme de cette visite de travail : lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et aussi… l’immigration clandestine et les faux papiers. Des thèmes chers à Brice Hortefeux, autrefois ministre de l’Immigration et de l’identité nationale qui avait fait du Maroc son partenaire privilégié en matière de « gestion des flux migratoires ». En octobre 2008, le Royaume chérifien avait d’ailleurs obtenu, grâce au soutien de l’Hexagone, « le statut avancé » de l’Union européenne pour sa coopération. Les rapports de connivence entre la France et le Maroc ne datent pas d’hier. Et ce n’est donc pas au hasard que Brice Hortefeux a choisi ce pays, pour sa première visite au Maghreb en tant que ministre de l’Intérieur, afin d’aborder le sujet épineux de l’immigration clandestine.

Pratiquement un an après l’obtention par le Maroc du « statut avancé » de l’Union européenne, la répression à l’encontre des migrants est toujours d’actualité. Les immigrés continuent d’être reconduits violemment à la frontière marocaine. Dimanche dernier encore, onze rescapés du naufrage d’une embarcation au large du Maroc, à proximité de l’île espagnole de Perejil, ont été abandonnés par les autorités marocaines vers la bande frontalière avec l’Algérie. Dans un rapport publié en février 2009 par le Groupe anti-raciste d’accompagnement et de défense des étrangers (GADEM), un clandestin raconte : « les militaires armés (…) nous ont indiqué la direction de l’Algérie et nous ont dit de partir et qu’ils tireraient sur quiconque essaierait de revenir. Nous avons marché un peu vers l’Algérie, nous avons rencontré des militaires algériens. Ils ont commencé à tirer en l’air pour nous faire fuir et nous sommes partis en direction du Maroc ». Les immigrés ne peuvent pas franchir la frontière, d’un côté comme de l’autre, ils sont indésirables. « Il vivent sur la zone frontalière dans des petites cabanes en plastique, abandonnés. Ils sont toujours mobiles pour éviter que les policiers les arrêtent », explique Hicham Rachidi, le président du Gadem, à Afrik.com.

Reconduite à la frontière mauritanienne

Depuis un an, la donne a un peu changé. La reconduite à la frontière se fait dorénavant de manière plus « sournoise ». Les migrants sont de plus en plus nombreux à rejoindre la frontière mauritanienne beaucoup moins hermétique que celle entre le Maroc et l’Algérie. « Les autorités marocaines souhaitent que les clandestins s’éloignent le plus possible de l’Europe. En les laissant à la frontière mauritanienne, il espèrent que les immigrés rentreront clandestinement dans leurs pays d’origine », précise Hicham Rachidi. Les migrants proviennent pour la majorité d’entre eux de l’Afrique subsaharienne notamment du Nigeria. Selon une enquête de l’association marocaine d’étude et de recherche sur les migrations (AMERM), le nombre estimé de migrants subsahariens dans les principales villes du Royaume (Rabat, Casablanca, Oujda, Laâyoune, et Tanger) s’élèverait à 6500 personnes en 2007. Faute de moyens, le gouvernement marocain ne peut les expulser et trouve donc des combines pour remplir au mieux sa mission : celle de gendarme de l’Europe. « Cette situation est un non sens, les immigrés ne sortent pas du territoire et ils sont livrés à eux-mêmes », souligne-t-il.

Trafic de faux passeports

Avant leurs reconduites à la frontière, les clandestins interceptés sont emprisonnés dans des commissariats ou des lieux qui dépendent des autorités. Les conditions de détention sont souvent très difficiles comme en témoigne J., interrogé par le Gadem, à Rabat en juillet 2008 : « Douze personnes pour une cellule de trois mètres sur quatre (…). C’est la cave. Vous ne savez pas s’il fait jour ou s’il fait nuit. Vous êtes dans un sous sol où vous êtes complètement coupés du monde ».

Ces récits révèlent le quotidien des migrants au Maroc. Face aux répressions, aux difficultés de rejoindre l’Europe clandestinement, les immigrés ont de plus en plus recours à la fabrication de faux passeports français et marocains. Ainsi, en 2008, le Royaume chérifien a saisi 10 000 documents falsifiés contre 1700 en 2005, selon les chiffres officiels. Une pratique en pleine expansion qui devra faire l’objet d’une concertation entre la France et le gouvernement marocain. Même ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux n’abandonne pas son cheval de bataille : l’immigration clandestine, et compte sur son allié pour éviter que la forteresse française ne soit assaillie.

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