Le Mali, AEG Power Solutions et les centrales hybrides


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Leader mondial en solutions énergétiques, la société AEG Power Solutions, a pour vocation l’accompagnement de besoins nés de la révolution énergétique « verte » en marche. En Afrique, elle a adopté une stratégie tournée vers les solutions d’énergie en site isolé. Le premier pays à en bénéficier est le Mali. Depuis un an maintenant, une première centrale hybride, solution solaire, a été installée dans le village de Oussélébougou. Trois autres sont en cours d’implantation. Le directeur commercial d’AEG Power en France, Philippe Jentet, nous explique leur stratégie en Afrique et le fonctionnement de leurs centrales au Mali.

Dans un contexte de crise, il y a un continent en particulier où il existe une forte dynamique. C’est l’Afrique. Une croissance économique de 4,5% pour l’ensemble du continent africain en 2012, selon la Banque africaine de développement (BAD), qui devrait continuer d’augmenter en 2013 avec 4,8%. Et ça, comme de nombreuses autres entreprises, AEG Power Solutions (AEG PS) l’a bien compris. Ancienne fusion entre Alcatel Converters et Saft Power Systems, AEG Power Solutions (AEG PS), spécialisée dans les énergies traditionnelles et renouvelables, a été rachetée en 2009 par l’entreprise allemande Germany1. AEG Power est aujourd’hui présente dans 17 pays, son siège social est à Zwanenburg, aux Pays-Bas, et emploie 1 700 personnes. En 2011, son chiffre d’affaires était de 428 millions d’euros. Depuis maintenant un an, la première centrale hybride à solution solaire made in AEG PS fonctionne en Afrique. Plus précisément au Mali. Malgré les circonstances politiques du pays et la conquête du Nord par des groupes Touareg et islamistes, trois autres centrales hybrides sont en cours d’implantation dans le pays. Après le Maroc, le Mali, par le biais d’AEG PS, est le deuxième pays africain a bénéficier d’un tel dispositif. Pour nous en parler, Philippe Jentet, Directeur commercial D’AEG PS.

aeg_ps_-_philippe_jentet_directeur_commercial_france.jpgAfrik.com : Pourquoi vouloir développer votre activité en Afrique ?

Philippe Jentet :
A l’origine, la société était une filiale d’Alcatel et elle suivait les grands donneurs d’ordre pétroliers comme Total. Mais elle suivait aussi les sociétés énergétiques. Ce qui est récent, ce sont les énergies renouvelables. Le but est de bâtir des solutions crédibles et les faire marcher face à un marché en devenir et en forte croissance. L’Afrique, surtout subsaharienne, n’est que très peu connectée au réseau.

Afrik.com : Vous avez à ce jour conclu 4 contrats avec Electricité du Mali (EDM) pour construire des centrales hybrides afin d’électrifier les villages de Ouélessébougou, Bankass, Koro et Tominian. Où en est le projet ?

Philippe Jentet :
Une centrale est en exploitation depuis un an et trois autres en construction. Le boostage des centrales en cours est prévu pour milieu 2013, sous le label ECOpx. Nous mettons en place deux solutions, une forte puissance pour alimenter les villages et une solution hybride à faible puissance pour alimenter les antennes GSM.

Afrik.com : A hauteur de combien le Mali est-il aujourd’hui dépendant énergétiquement et quelles économies pourra-t-il faire ?

Philippe Jentet :
A ma connaissance, le mali est dépendant quasiment à 100%. L’efficacité d’un système comme le notre réduit à 75% les dépenses d’un groupe électrogène.

Afrik.com : Combien de kilowatt-heure cela représente et quels sont les impacts sur l’environnement ?

Philippe Jentet :
A Ouélessébougou (région de Koulikoro), on tourne à 216 kW·h et on devrait passer à 400 en 2013. Les futures centrales de Bankass et Koro (région de Mopti) fonctionneront à 400 kW·h et celle de Tominian (région de Ségou) à 216 kW·h. Les centrales que nous installons sont des solutions solaires avec cache batterie, c’est 75% d’émissions en moins. Les batteries, en plomb, sont recyclées au bout de dix ans. L’impact énergétique est faible et la durée de vie est de 25 ans.

Afrik.com : Une centrale hybride équivalente à celles que vous développez, ça vaut combien dans un pays comme le Mali ?

Philippe Jentet :
Environ 1,5 million d’euros. Il y a deux manières de le financer. Soit Electricité du Mali (EDM) apporte une solution de financement clé en main, soit on procède à un retour sur investissement sur cinq ans donc on fonctionne en négatif. La banque prête à EDM qui émet des traites et qui sur une période de cinq ans rembourse. Au bout des cinq ans, EDM est gagnante. Lorsque ça se passe dans des pays où le gasoil est subventionné, on s’adresse alors directement avec les organismes spécialisés.

Afrik.com : Comment les populations locales ont-elles accueilli le projet ?

Philippe Jentet :
Ce que les gens d’EDM nous ont dit, c’est qu’il y avait une forte demande. A Ouélessébougou, la population est très sensible à la notion de pollution sonore et à la qualité d’énergie. Nos installations fournissent une électricité pure et nos groupes électrogènes fonctionnent uniquement le soir alors que précédemment c’était 24h/24. Pour les autres villages, je n’y suis pas encore allé donc je ne sais pas. Deux villages sur trois ne sont pas du tout alimentés en énergie, donc c’est tout nouveau pour eux. Mais je pense que les habitants sont enchantés à l’idée d’être connectés à ce nouveau système. On le voit avec la première centrale, la demande a énormément augmentée et puis ça participe au développement du pays : des villages « green ».

Afrik.com : Comme vous le savez, le Mali est actuellement touché par une crise sans précédent. Comment voyez-vous l’avenir d’AEG PS dans ce pays ?

Philippe Jentet :
Ce que je trouve extraordinaire au Mali aujourd’hui, c’est que le pays est coupé en deux mais le sud fonctionne encore, les institutions aussi. On espère tout de même une intervention pour réunifier ce pays. J’espère que ça va évoluer dans le bon sens. Deux de nos projets sont en zone limitrophe du conflit. On est dans l’impossibilité d’envoyer notre technicien à Mopti, le Quai d’Orsay nous le déconseille. On va, pour le moment, très certainement devoir utiliser Skype pour assurer le suivi des installations. Toutefois, nous avons des procédures très carrées, nos partenaires maliens ont été formés en France et sont des professionnels. On leur fait confiance mais ça aurait été plus simple si nous étions aussi sur place. Notre partenaire malien, ZED, nous conseille d’aller ailleurs comme au Burkina Faso, Côte d’Ivoire ou au Sénégal. A ce jour, il est difficile de faire du commerce au Mali, il faut de la stabilité. Lorsque nous aurons terminé l’installation des trois autres centrales, on stoppera notre activité de déploiement au Mali. Je pense que s’il n’y avait pas ce conflit on aurait continué.

Afrik.com : Et celui du Mali ?

Philippe Jentet :
Pour le conflit, ça dépendra peut-être de la France on verra. Le Mali est un pays qui a peu de ressources naturelles mais qui a su développer des solutions nouvelles et des ambitions de développement assez forte. La situation géopolitique n’est pas simple avec les grandes frontières algériennes, mauritaniennes et nigériennes. Le pays ne dispose pas de port, il dépend du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. Il est un peu enclavé. Mais il y a des entrepreneurs, comme notre partenaire, très vifs. Ce n’est pas pour rien qu’une solution comme la nôtre est plus prompte à se développer dans un pays comme le Mali.

Afrik.com : Avez-vous d’autres idées ou projets de ce type à développer en Afrique ?

Philippe Jentet :
Aujourd’hui, c’est surtout de la prospection. On a des contacts au Burkina Faso, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. On s’oriente vers des zones où il existe des villages non connectés au réseau électrique domestique. Pour le moment, on étudie le plan d’investissement et la situation de chacun de ces pays.

Afrik.com : Comment imaginez-vous l’avenir des énergies renouvelables sur le continent africain?

Philippe Jentet :
Je pense que les centrales solaires classiques ont un avenir en Afrique mais à court ou à moyen termes. Le coût d’investissement est beaucoup trop important par rapport a une rentabilité qui serait classique en Europe, bien que le foncier en Afrique vaille 0. Les solutions hybrides ont davantage leur place. Elles sont moins chers et en « smart grid » (réseau de distribution d’électricité « intelligent », ndlr). En Afrique le réseau est compliqué à monter mais les villages sont plus accessibles pour en monter un. La réalité est en revanche différente dans un pays : l’Afrique du Sud, où les réseaux sont beaucoup plus développés et où les centrales solaires se justifient par conséquent davantage. C’est d’ailleurs pourquoi AEG Power Solutions y a implanté récemment une usine de fabrication de panneaux solaires.

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