Le lourd fardeau de l’homme noir


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Le sommet de Bamako s’achève ainsi. Avec son catalogue de vœux pieux. Le fardeau de l’Homme noir est plus que chargé. Sida, guerres de rapines, effondrement des institutions, affaissement du système sanitaire (absence d’une politique de santé publique digne de ce nom), dégradation du système éducatif et scolaire, délabrement de toutes les infrastructures… ce qui rend les pays africains en général et francophones, en particulier, peu attractifs pour les investisseurs internationaux. D’ou la difficulté à voir surgir des pays émergents africains francophones.

Par Bolya Baenga[<*>Bolya Baenga est l’auteur d’« [Afrique, le Maillon faible » et de la « Profanation des vagins, le viol arme de destruction massive ». Editions Le Serpent à Plumes.]]

Le sommet de Bamako s’achèvera ainsi. Avec son catalogue de vœux pieux. Le fardeau de l’Homme noir est plus que chargé. Sida, guerres de rapines, effondrement des institutions, affaissement du système sanitaire (absence d’une politique de santé publique digne de ce nom), dégradation du système éducatif et scolaire, délabrement de toutes les infrastructures… ce qui rend les pays africains en général et francophones, en particulier, peu attractifs pour les investisseurs internationaux. D’ou la difficulté à voir surgir des pays émergents africains francophones.

La multiplication des codes d’investissements favorables aux capitaux du marché financier international n’y fera rien. Tant que l’environnement institutionnel, psychologique (la confiance en soi, énorme capital) n’évoluera pas, rien ne pourra changer le Continent et sa destinée. C’est dire qu’il faut en finir avec les représentations du monde, les idéologies « victimaires ». Ce sont les femmes et les hommes qui font l’Histoire. Et l’Histoire qui fait les peuples et qui forge les Civilisations….

Alors on se dira une fois pour toute, et que cela soit gravé dans l’esprit, dans la mémoire, voire dans l’inconscient de tous : Aucun pays au monde en Occident et Orient, du Nord comme du Sud, ne s’est développé grâce à l’aide internationale. D’aucuns invoqueront comme à l’accoutumée, la ritournelle du plan Marshall en oubliant ou négligeant que ce fameux plan n’était en aucun cas un plan de développement, mais un plan de modernisation, un plan de reconstruction de l’Europe de l’Ouest. Le continent européen disposait, en effet, avant la deuxième guerre mondiale d’une base industrielle et d’un socle de savoir scientifique permettant de rebondir dans la Modernité. En définitive, le plan Marshall ne fut qu’un appoint, considérable certes, mais un appoint seulement. Aussi, croire que le Continent, notre Continent, sortira de la pauvreté absolue de masse grâce à l’aide de la communauté internationale est un leurre, pour ne pas dire une imposture. Car on ne développe pas un peuple ou des peuples. Ils se développent.

Les discours victimaires, voire victimistes, sont donc contre-productifs. Ils font le lit du sous-développement, de la pauvreté de masse, et surtout culturellement de l’abaissement de soi par soi : de la dévalorisation de la culture, de la civilisation africaine. Les discours iréniques, hors du champs du réel, nous entraînent dans la régression, dans l’asservissement, dans l’assistanat international (la pire des situations étant la mendicité internationale). Dans un monde globalisé, à défaut d’un « village planétaire » qui tarde malgré les prophéties des futurologues.

Pour le vingtième anniversaire du quotidien économique français La Tribune, on trouvait cette analyse prospective sur l’Afrique : « Même si d’importants moyens sont mobilisés, le sida affectera durablement le continent. Environ 25 millions d’Africains sont séropositifs. Une génération entière est menacée. Au-delà du drame – 2 à 2,5 millions de décès par an – l’épidémie mine le potentiel économique des pays les plus touchés ». De grâce, qu’on ne vienne pas nous fatiguer comme on dirait en « petit nègre », en français d’Afrique, avec les discours iréniques et slogans sur le supposé complot contre les Nègres. Car l’heure est trop grave pour se contenter d’approximations, de délire négateur ! Les dénégations n’ont jamais changé le réel ! Et le réel, c’est la progression de la pauvreté absolue de masse. Le réel, c’est la marginalisation du Continent sans l’économie mondialisée. Le réel, c’est de ne pas compter sur la Taxe Tobin, encore moins sur la taxe sur les billets d’avions, qui rapporterait selon les estimations entre 200 ou 300 millions d’euros pour aider les pays pauvres de la planète. Il ne faut pas être grand économiste pour savoir que ce montant est en deçà des besoins des besoins des pays pauvres.

Le même quotidien La Tribune ajoutait : « Le continent semble se structurer autour de trois pôles : Maghreb, Nigeria et Afrique du Sud. L’Afrique francophone, en perte de vitesse depuis des années, se marginaliserait davantage au profit de l’Afrique anglophone. Mieux intégrée à l’économie internationale, libérée de son tête-à-tête avec son ancienne puissance coloniale, l’Afrique anglophone est l’avenir du continent…. ». Face à l’urgence, aux urgences qui sont les nôtres, la percée des entreprises chinoises est certes porteuse d’intégration à l’économie globalisée, voire mondialisée. Cependant, la passion des Chinois pour l’ivoire, par conséquent pour les pointes d’éléphants africains, espèces en voie d’extinction, classée patrimoine de l’humanité par l’Unesco, augure mal des transferts de technologies.

On ne saurait conclure sans rappeler le mot de l’immense poète qu’est Aimé Césaire : « Notre doctrine, notre idée secrète, c’était : nègre je suis et Nègre je resterai. Il y avait dans cette idée celle d’une spécificité africaine, d’une spécificité noire. Mais Senghor et moi, nous nous sommes toujours gardés de tomber dans le racisme noir. J’ai ma personnalité et, avec le Blanc, je suis dans le respect, un respect mutuel » (Les Echos, quotidien économique français, 22 novembre 2005).

Il faut se méfier plus que jamais de ces marchands d’illusions, de ces colporteurs qui prétendent avoir inventé l’eau chaude…Bien sûr, pour sauver le Continent.

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