Le Forum des entrepreneurs réunis ou le grand frère des affaires


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Action solidaire et militante, le Forum des entrepreneurs réunis se propose, en France, d’accueillir, d’accompagner et de conseiller des porteurs de projet et des jeunes chefs d’entreprise. La structure exporte également son expertise en Afrique, où elle œuvre à développer le secteur privé local en jouant le rôle de facilitateur entre les entrepreneurs en France et le Continent. Son credo : la micro-entreprise. Interview de Patrick Bidilou-Niabode, fondateur du Forum.

Main tendue vers les jeunes pousses de l’entreprenariat en France, le Forum des entrepreneurs réunis mise sur l’entraide et la solidarité économique. Le Forum est né de la volonté du chef d’entreprise congolais Patrick Bidilou-Niabode d’apporter sa pierre à l’édifice. Celui du développement, en France, mais aussi à l’international et en particulier en Afrique. Accueil, accompagnement et conseil : trois mots pour construire. La dynamique structure a arrimé, en septembre dernier, les bases d’un partenariat avec le Tchad, tête de pont continentale pour établir le lien entre les secteurs privés africain et français. Pas de grands discours sinon des actes, axés spécifiquement sur les petites et très petites entreprises.

Afrik.com : Quand et pourquoi est né le Forum des entrepreneurs réunis ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Le forum est né le 7 janvier 2001. Cette initiative date de 99, lorsque j’ai créé ma première entreprise de sécurité. Je voulais initialement créer un syndicat. Mais les choses ont évolué. Pourquoi le forum ? Parce qu’il faut arrêter de se contenter de ses propres intérêts. Il faut prendre conscience qu’autour de nous il y a des frères, des sœurs et des amis, qui, eux aussi, sont dans le monde de l’entreprenariat et qui ont du mal à se développer et à s’épanouir. Nous nous sommes dit : « Autant se donner la main, être solidaires, pour développer nos entreprises en commun ».

Afrik.com : En quoi consiste exactement l’action du Forum ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Nous guidons les entrepreneurs à travers les dédales administratif et juridique de sa société en création et nous l’accompagnons tout au long de son activité. Nous avons développé au fur et à mesure des prestations de proximité, comme la location de bureaux (nous accueillons souvent les entreprises à titre gracieux pendant les six premiers mois, après nous partageons équitablement les frais). Nous avons également un pôle management et gestion. Nous avons accompagné 35 sociétés en 2003 et une vingtaine en 2004. Sans compter les porteurs de projet qui viennent pour du conseil et qui attendent le moment venu pour se lancer.

Afrik.com : Quelle est l’équipe du Forum des entrepreneurs réunis ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Nous avons une équipe de sept personnes dont quatre permanentes (dont deux sont salariés par l’association, ndlr). Pour faire partie du Forum, il faut être chef d’entreprise ou porteur de projet. L’association est un pôle de compétence qui a autour des experts dans tous les secteurs d’activité.

Afrik.com : Comment un porteur de projet dois-je faire pour bénéficier des services du Forum des entrepreneurs réunis ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Le circuit est simple : il suffit d’appeler ou de passer directement à nos locaux à Fontenay sous-bois (proche banlieue parisienne, ndlr). Nous l’accueillons gratuitement et nous le conseillons, notamment quant au choix des statuts de son entreprise, sans pour autant attendre quelque chose en retour. La seule chose que nous faisons est, une fois que la personne a décidé de se lancer, de lui demander 150 euros de frais pour toutes les démarches de création de l’entreprise. Parallèlement nous encourageons les jeunes chefs d’entreprise à adhérer à l’association, pour qu’ils soit le mieux armés possible pour pouvoir réussir leur projet. En adhérant au Forum, ils bénéficient des prestations de proximité : l’expertise comptable est assurée, de même que tout ce qui est conseil juridique. Le tout pour une cotisation annuelle de 100 euros.

Afrik.com : A qui s’adresse le Forum des entrepreneurs réunis ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Il s’adresse à tout le monde. Mais la demande émane, pour l’instant, essentiellement de personnes issues de la communauté africaine. Elle constitue la quasi-totalité de nos adhérents. D’où la création du volet international du Forum, tourné initialement vers l’Afrique.

Afrik.com : Quels sont les problèmes que rencontrent les personnes de la communauté noire quand elles veulent monter leur structure ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Ils ont énormément de problèmes par rapport à l’accès à l’information ou à des marchés. Ils ont difficilement le soutien du milieu financier, c’est-à-dire les banques. Mais il ne faut pas simplement fustiger les autres, il faut également se regarder soi-même. Et il est vrai que beaucoup d’entrepreneurs africains n’ont pas une véritable culture d’entreprise. C’est d’ailleurs ce qui nous a amené à créer un volet formation pour palier ce type de lacunes. Notre centre de formation s’appelle Agifop : Agence d’ingénierie et de formation professionnelle. Par ailleurs il y a un problème, concernant les étudiants, par rapport aux premiers pas dans le monde de l’entreprise. C’est pourquoi nous tenons à accueillir un certain nombre de jeunes noirs en stage, simplement parce que je me souviens que lorsque je faisais mes études d’expert comptable je n’avais trouvé personne, en cinq ans d’étude, pour m’accueillir en stage.

Afrik.com : Que diriez-vous aux personnes de la communauté noire en France pour les inciter à dépasser la peur de créer leur propre entreprise ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Je leur dirais d’avoir le courage de se lancer et de ne pas hésiter. Je les découragerais d’aller augmenter le nombre de chômeurs en France, car cela fait de nous des assistés. Dès lors où la personne a bien réfléchi à son projet et qu’elle a bien identifié les structures qui peuvent l’aider et l’accompagner, il faut qu’elle se lance. Il est difficile pour les personnes de la communauté noire de trouver un emploi en France, excepté si l’on se tourne vers des secteurs réservés pour les Africains, comme la sécurité, le nettoyage et le transport. Pour ceux qui ont fait des études et qui ont d’autres ambitions, je pense qu’il est mieux d’être son propre patron pour mieux s’épanouir professionnellement que de faire un travail purement alimentaire.

Afrik.com : Avez-vous des partenaires en France ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Nous travaillons avec des partenaires, tels qu’Afrique solidarité, avec lesquels nous avons créé la confédération Synergie Sud Sud. A savoir que le développement ne viendra pas de l’extérieur mais de nous-même.

Afrik.com : Pourquoi avez-vous décidé de vous développer en Afrique ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Nous cherchons à promouvoir le secteur privé local. L’économie africaine est basée essentiellement sur l’informel. Nous souhaitons travailler avec les acteurs de l’informel pour, petit à petit, les amener vers le secteur formel. C’est-à-dire qu’ils aient une notion de management et de gestion. Nous avons parallèlement des investisseurs étrangers qui peuvent apporter des capitaux. Donc nous les aidons à créer de l’activité sur place en Afrique.

Afrik.com : N’y a-t-il pas de nombreux freins en matière d’environnement économique quant à l’arrivée d’investisseurs étrangers ?

Patrick Bidilou-Niabode :
C’est pour cela que nous n’avons pas voulu mettre la charrue avant les bœufs. Nous avons d’abord commencé nos démarches auprès des gouvernements en leur proposant un programme, que nous avons appelé Cap Développement. Nous essayons de mettre en lumière les conditions pour qu’il puisse être mis en œuvre. Il s’agit de dispositifs visant à favoriser l’initiative privée. Nous avons donc négocié diverses modalités. C’est au Tchad que les choses ont le mieux avancées.

Afrik.com : Quels sont concrètement les fruits de discussion avec le Tchad ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Nous avons signé en juin dernier un protocole de partenariat avec le gouvernement tchadien dans le cadre de la promotion du secteur privé. Concrètement, cela signifie que toute entreprise que le Forum des entrepreneurs réunis emmène au Tchad aujourd’hui est exonérée de charges pendant les cinq premières années d’activité. Et nous avons désormais le même statut que les grandes organisations internationales telles que l’Organisation mondiale de la santé ou le Programme des Nations Unies pour le développement.

Afrik.com : Le Tchad est-il le seul pays que vous avez démarché ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Nous avions commencé par la Centrafrique, où nous avions expertisé des projets, mais le coup d’Etat est venu tout balayer. Nous avions également entamé des démarches avec le Congo, mais les choses ont capoté à cause de problèmes de personne.

Afrik.com : Quel modèle d’entreprise défendez-vous ?

Patrick Bidilou-Niabode :
La France est une grande école. Quand on voit que la première entreprise française c’est l’artisanat, on se dit que les pays africains, au niveau des Etats, devraient en prendre bonne note. Pour moi, la vraie entreprise c’est la toute petite entreprise. On l’appelle TPE en France (Toute petite entreprise) et souvent micro-entreprise en Afrique. C’est elle qui fait vivre l’ensemble du tissu économique et social de l’Afrique.

Afrik.com : Le Forum est entrepreneurs réunis est une petite association française. Comment réagissent les gouvernements à vos propositions ?

Patrick Bidilou-Niabode :
C’est une question de culture que l’on apprécie à travers le comportement des différents dirigeants politiques. Si nous étions partis avec la même démarche au Congo et au Tchad, l’accueil n’a pas été le même. Nous n’avons même pas réussi à approcher l’équipe ministérielle au Congo, alors qu’au Tchad, les ministres eux-mêmes étaient à la recherche d’idées et de contacts pour développer leur pays. C’est un problème de projet et d’objectif. Si les dirigeants ont pour objectif d’aider le pays à se développer et à s’ouvrir, je crois que les ministres ne peuvent être que réceptifs, car ils sont là, avant tout pour servir le peuple.

Afrik.com : Dans quels autres pays souhaitez-vous vous développer ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Nous avons des pistes en Afrique de l’Ouest. Nous avions des discussions en Côte d’Ivoire qui étaient bien parties. Mais tout est gelé actuellement à cause de la situation dans le pays. Nous nous sommes tournés vers le Mali, mais nous allons d’abord nous rapprocher du Sénégal, par rapport à la volonté d’ouverture suscitée par le Nepad (Nouveau développement pour l’Afrique, ndlr).

Afrik.com : Croyez-vous au Nepad ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Pour nous, c’est une chance pour l’Afrique. Mais nous demandons aux autorités de ne pas se focaliser sur les gros projets, mais plutôt de commencer par la base. Par le secteur privé et en l’occurrence les petites entreprises. Ce n’est que par là que le Nepad pourra prendre corps. C’est en ce sens que nous y croyons.

Afrik.com : Pourtant, depuis ses trois ans d’existence, le Nepad semble toujours aussi abstrait ?

Patrick Bidilou-Niabode :
Le Nepad manque de concret. C’est vrai que les politiciens ont tendance à faire beaucoup de discours et ne se donnent pas les moyens de leurs ambitions. Mais j’y crois, pour peu qu’on considère le secteur privé à sa juste valeur.

 Le Forum des entrepreneurs réunis

Zone industrielle de la Pointe

22 rue Pierre Grange

94120 Fontenay-sous-bois

Tél 0 (0 33) 1 53 99 99 10

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