Le diabète, une « bombe à retardement »


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Une étude menée par l’université de Yaoundé alerte sur le nombre grandissant des cas de diabète en Afrique. En Algérie, 6 à 8% des cas mènent à une amputation du pied. Le président de la Fédération internationale du diabète, Jean-Claude Mbanya, explique ce phénomène lié à une occidentalisation du mode de vie des Africains.

Le diabète est une « bombe à retardement dans le secteur de la santé publique et dans le domaine socio-économique ». Telle est la conclusion de l’étude sur le diabète en Afrique subsaharienne menée par l’Université de Yaoundé au Cameroun et publiée en juin par The Lancet. Si aucun progrès majeur n’est réalisé, le nombre de cas de diabète devrait être multiplié par deux en Afrique subsaharienne, pour atteindre 24 millions d’ici 2030, précisent les chercheurs. Amputations, maladies cardio-vasculaires ou rétinopathie notamment, les complications dues au diabète sont nombreuses et peuvent mener à la mort. Des spécialistes ont souligné le weekend dernier à Alger que 6 à 8% des diabétiques algériens subissent une amputation du pied.

Les auteurs de l’étude menée par Jean-Claude Mbanya soulignent que des campagnes de prévention « adaptées sur le plan socioculturel » sont nécessaires, notamment en termes d’alimentation. L’obésité est encore parfois vue comme un signe de bonne santé en Afrique subsaharienne. Un meilleur accès au traitement et un dépistage plus précoce est également indispensable. Une coiffeuse sénégalaise citée par IRIN affirme que « chaque centime » qu’elle gagne lui sert à acheter de l’insuline. Elle précise également que le régime alimentaire à base de légumes prescrit par les médecins est trop onéreux pour elle.

Contrairement à une idée répandue, le diabète n’est pas une maladie de pays riche : 70% des cas surviennent dans des pays à revenus faible et intermédiaire, précise la Fédération internationale du diabète (FID). Selon des estimations de cet organisme basé à Bruxelles, 6% de la mortalité totale en Afrique subsaharienne sera probablement causée par le diabète en 2010.

mbanya.jpgTrois questions à Jean-Claude Mbanya, directeur de l’étude menée par l’université de Yaoundé et président de la FID.

Afrik.com : Pourquoi le diabète se développe-t-il en Afrique ?

Jean-Claude Mbanya :
Les Africains vivent de plus en plus dans des centres urbains pour trouver du travail. Ils s’y déplacent en voiture et en mobylette, quand ils se déplaçaient auparavant à pied. Le mode de vie des Africains s’occidentalise, ils regardent de plus en plus la télévision, font de moins en moins d’exercice physique et mangent de plus en plus de sucreries et de boissons gazeuses. La génétique joue un rôle, mais l’élément fondamental de développement du diabète est l’environnement dans lequel on évolue.

Afrik.com : Les malades ont-ils accès aux soins ?

Jean-Claude Mbanya :
Non, il y a un véritable problème d’accès aux soins. La prise en charge n’est pas appropriée aux maladies chroniques. Il y a aussi un gros problème de diagnostic : on estime que 70% des cas de diabète ne sont pas connus en Afrique. On diagnostique la maladie quand le patient en est au stade des complications : insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, problèmes oculaires… Les pauvres meurent des complications dues au diabète.

Afrik.com : Les gouvernements ont-ils conscience du problème ?

Jean-Claude Mbanya :
Les pouvoirs publics ont conscience du problème mais n’ont pas les moyens financiers de lutter contre, c’est pourquoi nous avons réclamé un sommet de l’ONU sur le diabète. Cette maladie nécessite en effet une solution globale, et la mobilisation des bailleurs de fonds. En septembre 2011 se tiendra donc un sommet à New York en présence de tous les chefs d’Etat pour trouver une solution globale aux maladies chroniques.

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