Le décolleté de la renommée


Lecture 7 min.
Meiway et Nastou Traoré alias Miss Lolo
Meiway et Nastou Traoré alias Miss Lolo

« Miss Lolo ». En tournant dans le clip de la chanson à succès de l’artiste ivoirien Meiway, Nastou Traoré est devenue l’icône des femmes à forte poitrine en Afrique. Un rôle que la comédienne de la célèbre troupe de théâtre Les Guignols d’Abidjan endosse avec grâce et lucidité. Elle explique ce que cette nouvelle image lui a apporté et comment elle a décomplexé de nombreuses femmes quant à leurs rondeurs (trop) avantageuses. Interview.

105 E de tour de poitrine. Tout le monde ou presque connaît Miss Lolo en Afrique et a déjà pu se perdre dans le généreux décolleté de la vedette du clip de Meiway. Mais beaucoup moins savent que derrière celle qui a personnifié la célèbre chanson ivoirienne se trouve une non moins célèbre comédienne des Guignols d’Abdijan. Avec ce rôle de Miss Lolo, Nastou Traoré est devenue l’icône de bon nombre d’Africaines, décomplexées, et mêmes fières, d’avoir une forte poitrine.

Afrik : Comment êtes-vous devenue Miss Lolo ?

Nastou Traoré :Miss Lolo est née de la chanson Miss Lolo de Meiway (sortie en 2002, ndlr). Il avait écrit une chanson à la gloire des femmes qui ont une forte poitrine. Pour le tournage de son clip, il recherchait une comédienne avec une poitrine très généreuse. Il a fait appel à moi (elle joue dans la troupe des Guignols d’Abidjan ) et j’ai accepté. J’ai été très flattée parce que je ne suis pas la seule comédienne à avoir de gros seins. Ce titre a eu beaucoup de succès, surtout grâce au clip. Depuis, je suis devenue l’icône des femmes qui ont des gros seins et j’ai en quelque sorte lancé cette mode.

Afrik : Comment ce manifeste ce phénomène de mode ?

Nastou Traoré : Certains pays, comme le Bénin, le Togo ou encore le Cameroun, mettent en place tous les ans une élection de Miss Lolo. Les organisateurs du concours font appel à moi pour sélectionner les jeunes filles éligibles. Quand Meiway n’est pas trop occupé, il se déplace avec moi. Au quotidien, les femmes complexées par leur forte poitrine s’assument beaucoup plus et elles me remercient pour ça. J’ajouterai que maintenant ce sont les Africaines qui ont une petite poitrine qui tendent à se cacher. Le message de la chanson de Meiway est très bien passé.

Afrik : Comment les Africaines vous témoignent-elles leur gratitude ?

Nastou Traoré : Lorsque je suis en déplacement pour une élection de Miss Lolo, des femmes viennent me voir à l’hôtel où je suis descendue pour me remercier d’avoir montré que les rondeurs font partie du charme de la femme africaine. J’ai même un fan club officiel. C’est le journal ivoirien Top Visage, qui recevait très souvent des courriers de fans, qui m’a suggérée l’idée. Je reçois des messages d’encouragement de nombreuses Africaines.

Afrik : Avez-vous vous-même souffert de votre forte poitrine ?

Nastou Traoré : Oui, beaucoup. Quand j’étais plus jeune, je portais des chemises très larges pour cacher mes rondeurs. Mais avec l’âge, j’ai vu que c’était une particularité qui plaisait aux hommes, alors je l’ai mieux acceptée. J’aime porter des décolletés, qu’on voit la naissance de mes seins. C’est une coquetterie qui a commencé bien avant le clip avec Meiway.

Afrik : Etes-vous la seule à avoir une forte poitrine dans votre famille ?

Nastou Traoré : Les gros seins, c’est une affaire de famille ! Ma mère avait une très grosse poitrine aussi, mais elle en a beaucoup perdu après ses accouchements. Ma grand-mère a part contre conservé une forte poitrine tout au long de sa vie. Quant à mes sœurs, elles se moquaient de moi quand nous étions plus jeunes, mais elles sont aussi bien loties que moi. Certaines cousines sont dans le même cas. En somme, nous sommes une famille de Miss Lolo (rires).

Afrik : Qu’est-ce que la casquette de Miss Lolo vous a apporté ?

Nastou Traoré : Cela a donné un gros coup de pouce à ma carrière. J’étais déjà une comédienne très connue, mais ce clip m’a donné plus de visibilité. Je suis très sollicitée. On me demande de participer à des spectacles et de parrainer des manifestations de mode ou autre, surtout à Abidjan. Parfois, j’invente des excuses pour justifier mon refus.

Afrik : Pourquoi ne profitez-vous pas de cette vague de succès ?

Nastou Traoré : Il faut savoir garder un peu de suspens, sinon à la fin ce n’est plus intéressant. A force de me voir, les gens risquent de se lasser de moi.

Afrik : Vous considère-t-on aujourd’hui avant tout comme une comédienne ou Miss Lolo ?

Nastou Traoré : Cela dépend. Il y a vraiment des deux.

Afrik : Avez-vous le sentiment que la taille de votre poitrine fausse votre relation avec les hommes ?

Nastou Traoré : Le plus souvent, si les hommes viennent me voir, ils viennent voir « la femme aux gros seins ». Ils ont vus à la télévision ou en photo, mais ils veulent vérifier par eux-mêmes ce qu’il y a. Cette attitude me pousse à être sur mes gardes. J’ai peur de m’investir dans une relation : comment savoir si l’homme qui m’aborde est franc ? Mais je ne suis pas la seule à rencontrer ce problème. Toutes les artistes passent par là.

Afrik : Sur scène, avec Meiway, votre poitrine est très dénudée. Est-ce que vous avez déjà été critiquée pour cela ?

Nastou Traoré : Les réactions sont mitigées. Certains comprennent que je le fais en tant que comédienne. Mais d’autres estiment que je devrais cacher mes seins, que je suis indécente. Certains disent : « Elle exagère ! Comment peut-elle mettre ses seins dehors comme ça ! ». Ce sont d’ailleurs souvent les plus virulents qui viennent me demander des autographes…Pour ce qui est de la scène, il y a des impératifs. Les spectateurs qui sont loin ne verront pas qu’ils y a de gros seins s’ils ne sont pas clairement mis en évidence. D’où les hauts très échancrés sur le devant que j’ai moi même créés : je suis également styliste et couturière dans le domaine du cinéma.

Afrik : Avez-vous déjà failli craquer à cause des critiques ?

Nastou Traoré : Non, j’ai un état d’esprit qui me permet de gérer. Je sais que je ne fais de l’exhibition. Et puis quand je vois tout ce que j’apporte aux gens, je me dis que le jeu en vaut la chandelle. Il y aura toujours des détracteurs : personne ne fait jamais l’unanimité.

Afrik : Comment réagissent vos parents à cette à votre image de Miss Lolo ?

Nastou Traoré : Mes parents n’ont jamais pris mal ce que je fais en tant que Miss Lolo. Ils savent que c’est professionnel, qu’on ne m’exploite pas.

Afrik : Avez-vous déjà eu le sentiment d’être une femme objet ?

Nastou Traoré : Il y a des moments où cela m’arrive. Je m’assois et je repense à tout ce que j’ai fait. A tous ces journaux qui mettent en première page mes seins et j’ai vraiment le sentiment d’être une femme objet. Et puis je passe au dessus de ça.

Afrik : Depuis que vous êtes devenue « l’icône Miss Lolo » vous a-t-on proposé de jouer des scènes très dénudées ?

Nastou Traoré : Non, en dix ans aux Guignols d’Abidjan on ne m’a demandé qu’une fois de jouer un rôle avec la poitrine assez dévêtue et c’était avant le clip avec Meiway. J’incarnais alors, dans Le cauchemar du viagra, une femme qui devait séduire un homme grâce ses seins. D’habitude je joue de tout : une villageoise, une prostituée, …Mais, on ne m’a jamais demandé de mettre mes seins dehors pour profiter de ma nouvelle image. D’ailleurs, pour que les gens ne pensent pas que je cherche à montrer ma poitrine à tout prix, j’ai récemment mis une écharpe autour de mes épaules pour couvrir le décolleté trop prononcé de mon costume. Malheureusement, elle est tombée et j’ai dû improviser et jouer sur la grosseur de mes seins. Sinon, les gens n’auraient pas compris pourquoi d’un seul coup ils étaient ainsi exposés. En tout cas, si demain je devais jouer avec les seins très dévêtus, je le ferai parce que c’est mon travail.

Afrik : Avez-vous peur d’être emprisonnée dans l’image de Miss Lolo ?

Nastou Traoré : Pour l’instant, ce n’est pas le cas, mais je me dis que ce n’est pas impossible.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News