
Le 24 septembre, la plus haute instance administrative de France, le Conseil d’État, a validé la dissolution, décidée en décembre 2020 par les autorités françaises, du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), une importante organisation anti-discrimination. Cette décision du Conseil d’État endommage gravement la réputation auto-proclamée du pays de champion des libertés d’expression et de réunion. Une décision susceptible d’avoir un impact glaçant sur la société civile en France et au-delà.
Au cours des années, le CCIF a joué un rôle essentiel en fournissant un soutien juridique à des personnes confrontées à des discriminations anti-musulmanes et en documentant l’impact discriminatoire à l’encontre des musulmans des mesures antiterroristes prises par la France, indique Human Rights Watch, dans un communiqué transmis à la rédaction.
Dans son jugement, le Conseil d’État a affirmé que la dénonciation par le CCIF de l’hostilité de la France vis-à-vis des musulmans dans le cadre de sa lutte contre le terrorisme, ainsi que le fait que l’organisation se soit abstenue de « modérer » des commentaires antisémites et d’autres commentaires hostiles affichés par des tiers en réponse à des affichages du CCIF sur les réseaux sociaux, constituaient des incitations à la discrimination, à la haine et à la violence, justifiant la décision de la dissoudre. Le Conseil a également accepté des allégations controversées selon lesquelles le CCIF entretenait des liens étroits avec des partisans de l’islamisme radical, notamment par l’intermédiaire de son ancien directeur exécutif.
Aux termes du droit international et européen en matière de droits humains, les États ne peuvent intervenir dans les domaines des droits aux libertés de réunion, de religion et de culte, et d’expression que lorsqu’une telle intervention repose sur une base légale, et qu’elle est nécessaire et proportionnée. La dissolution d’une organisation indépendante devrait être une mesure de dernier ressort, à prendre dans les cas où elle se fait l’avocate d’une menace claire et imminente de violence ou a agi en grave violation de la loi. Le Conseil d’État a rejeté tous les autres arguments du gouvernement français selon lesquels le CCIF laissait percevoir une telle menace, et pourtant il a approuvé la décision de le dissoudre.
La dissolution du CCIF entre dans le cadre d’une répression plus large de la part des autorités françaises en réponse à des attentats imputés à des extrémistes islamistes. Une loi controversée visant à « lutter contre le séparatisme et les atteintes à la citoyenneté [française] » a été adoptée en août dernier, suscitant des préoccupations de la part de Commission nationale consultative des droits de l’Homme en France et de la Commission européenne.
La dissolution du CCIF et la décision du Conseil d’État la semaine dernière sont susceptibles d’avoir un effet glaçant sur les libertés d’expression et de réunion des personnes qui travaillent dans le domaine de la non-discrimination en France et ailleurs en Europe. Fermer le CCIF affaiblit la crédibilité du pays en tant que champion des droits et offre un dangereux exemple à d’autres gouvernements qui sont prompts à recourir à des lois vaguement formulées afin de réduire leurs détracteurs au silence. Les autorités françaises devraient cesser d’imposer une censure aux organisations de la société civile et démontrer à l’inverse leur attachement aux libertés d’expression et de réunion, ainsi que leur détermination à lutter contre la discrimination.



