Le baume du coeur de Néné Tebou Diallo


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Madame Dienabou Diallo, dite Néné Tebou Diallo, est une femme qui sort de l’ordinaire. Outre ses 117 enfants adoptés de par le monde, cette sage-femme guinéenne a mis au point un produit révolutionnaire, issu de la pharmacopée africaine traditionnelle : le Kalanga. Ou comment mettre le beurre de karité au service des hommes.

« Imaginer une montagne sublime de verdure.
Imaginer Warea mon village natal tapi au pied de la montagne dont surgit une rivière tranquille.
Songer à ce vent qui caresse les fragiles cases.
Songer à un lieu où la sérénité a droit de cité. »

L’auteur de ces vers a quitté sa Guinée natale il y a 37 ans mais n’a de cesse de vouloir recréer une Afrique meilleure, accueillante et humaine. Cette personne s’appelle Dienabou Diallo, dite Néné Tebou, « une femme exceptionnelle, une mère extraordinaire ». Vous pouvez demander à ses cinq filles, qu’elle a élevées seule à Paris, dans un pays qui n’était pas le sien, abandonnée par un mari « sordide », et à ces cent-dix-sept enfants adoptifs à travers le monde. « Je leur dis toujours : il y a un biberon chaud pour vous jour et nuit. Mais il y a aussi le bâton, pour aller droit ».

Kalanga, produit précieux

Droite et « digne » – l’une de ses expressions fétiches -, cette sage-femme de 64 ans l’est assurément. « Je ne suis pas de celles qui gémissent », assure-t-elle. Pieuse et passionnée, elle a vu défiler dans sa propriété de dix-sept pièces, en région parisienne, toutes les ethnies. A la recherche d’un toit et de réconfort. Elle donne aujourd’hui des cours pour aider les Africains à trouver un travail et « à repartir en Afrique aider leurs frères ».

Pour redonner au pauvre et à la femme africaine dignité et confiance en soi, elle est à l’origine d’une association de solidarité. « Re-vivre Afrique » est « un arbre aux multiples branches » qui doit permettre de créer des conditions de vie harmonieuses pour la femme enceinte et son enfant, permettre aux femmes d’être autonomes financièrement et aux hommes « qui en valent la peine de s’en sortir ».

Le coeur du programme de « Re-vivre » est « le savoir ». Ou le retour à l’Afrique, aux ancêtres, aux traditions, à la pharmacopée traditionnelle. Après un baccalauréat passé à 40 ans, Néné Tebou rencontre à Paris un guérisseur malien qui lui révèle les pouvoirs du beurre de karité. Elle part alors à la rencontre d’autres guérisseurs et commence des recherches sur cette plante. Résultat : la création du Kalanga, produit unique, mélange de karité et de malanga – une plante qui amplifie les principes actifs contenus dans le beurre de karité.

Pouvoir antibiotique et cicatrisant

« Les tests ont donné de bons résultats et les gens le plébiscitent. C’est un produit qui a de l’avenir », explique Mme Diallo. Le « Kalanga Intense » servira notamment à réparer les dégâts causés par les crèmes éclaircissantes utilisées par les femmes, en stimulant leur métabolisme cellulaire et en régénérant leurs cellules. Le « Kalanga confort » s’adresse, lui, aux bébés. « À utiliser dès leur premier jour et ce, jusqu’à l’âge adulte, pour éviter de tomber malade », conseille Dienabou Diallo. Dans l’attente du financement qui permettra de commercialiser ses crèmes en Afrique et en Europe, elle ne tarit pas d’éloge sur le karité.

« La variété de karité que j’utilise pour le kalanga est à la peau ce que le lait maternel est à l’enfant : indispensable ». Le karité est utilisé différemment selon les pays. Outre son utilisation esthétique, la plante a des vertus gynécologiques et obstétriques. Au Sénégal oriental, la femme enceinte s’enduit le corps de karité deux fois par jour, pour être moins fatiguée. Ce dernier est anti-spasmodique, calme les douleurs lors de l’accouchement et permet d’éviter les avortements. En pédiatrie, on en enduit le bébé dès son premier jour de vie afin de former une enveloppe protectrice contre les agressions cutanées.

Dans la pharmacopée bambara, le karité a un rôle dans le traitement des maladies « incurables ». Les Ivoiriens font boire une décoction de jeunes feuilles de karité aux enfants pour que le sevrage d’avec le lait maternel soit moins brutal. En Guinée, il est prisé pour ses vertus orthopédiques et son pouvoir antibiotique, anti-inflammatoire et cicatrisant.

Outil de développement

Une plante ancestrale, traitée d’une façon moderne par Néné Tebou. « Je ne renie pas la technologie occidentale. Les plantes utilisées sont cueillies d’une certaine façon, en suivant un rite précis mais elles sont ensuite envoyées dans un laboratoire à Monaco. » 20% de la vente du Kalanga, qui lui reviennent, sont versés à l’association. Cela pour donner 30 000 FF et des instruments pour cultiver la terre à trois villages parmi les plus pauvres, au Niger, Cameroun, Mali.

« Le village travaille avec cette aide pendant cinq ans, au bout desquels il est autonome et rembourse la somme qui ira à un autre village. Et ainsi de suite… Des magasins vont être ouverts pour vendre le kalanga et une partie des bénéfices seront reversés à ‘Re-vivre’ pour aider les villages », explique Néné Tebou.

Son prochain challenge ? Ecrire un livre pour expliquer le Coran. « Dieu a donné une place exceptionnelle à la Femme dans le Coran. Mais entre le livre et le comportement des hommes, il y a un espace aussi grand que celui qui va de la terre au ciel. Qu’ils soient Noirs ou Blancs, les hommes ont toujours eu peur de l’intelligence, du courage et de la détermination des femmes. Il est temps qu’elles aient conscience de leurs droits ». Néné Tebou, qui prie vingt heures par jour, n’a pas fini d’aider ses frères, ses soeurs et ses enfants…

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