Lancement de Stad’ Afric, première chaîne africaine de sport


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Junior Rengou
Junior Rengou

Le Franco-camerounais Junior Rengou, âgé à peine d’une trentaine d’années, lance officiellement, en France, ce jeudi 7 janvier 2015, sa chaîne de télévision Stad’Afric, basée au cœur de Paris, dans le 10ème arrondissement. Elle est disponible sur Orange et le sera en février sur Bouygues. L’objectif de l’entrepreneur, très optimiste sur l’avenir du continent : promouvoir le sport africain dans le monde à travers sa chaîne, lancée il y a déjà deux mois en Afrique subsaharienne. Il présente son projet à Afrik.com. Entretien.

Junior Rengou ne fait pas les choses à moitié. Cela se ressent une fois qu’on franchit le seuil des confortables locaux de Stad’Afric, rue du Paradis, dans le 10ème arrondissement de Paris. Très souriant, accueil chaleureux, il dégage beaucoup d’énergie. En réunion de travail avec son équipe très jeune également, il lui arrive de s’arrêter pour prendre un appel par-ci par-là. Il n’a en effet pas une minute à perdre. Il faut finaliser les derniers détails avant le lancement officiel de la chaîne. Et c’est dans ce contexte qu’Afrik.com est allé à sa rencontre.

Afrik.com : Quel est l’esprit de votre chaîne Stad’Afric ?

Junior Rengou : Stad’Afric est la première chaîne francophone d’information en continue de sport en Afrique. C’est un média fédérateur des sports africains. On parle de compétition locales, des ligues nationales sur toutes les disciplines du continent, dont le basketball, le football, la lutte… Il y aura beaucoup de lutte, qui prend un essor important sur le continent. Il y a tout un lobby autour de la lutte. Les droits notamment de la lutte sénégalaise sont plus chers sur le continent que le football. Nous sommes actuellement en train de mettre en place une collaboration avec certaines personnes détentrices de ces droits, concernant la lutte traditionnelle et plus largement africaine.

Quels sont les types de programmes que vous proposez ?

Nos programmes seront concentrés sur le sport national de chaque pays. Nous avons des correspondants sur le continent qui vont nous fournir des sujets en temps et en heure ainsi que nos journalistes à Paris. On a toujours dit que l’Afrique n’était pas prête pour avoir de belles images. Moi j’estime qu’elle peut fournir de belles images, au contraire. A travers Stad’ Afric, on veut montrer l’Afrique autrement, sur un angle sportif qui puisse permettre aux téléspectateurs d’apprendre des choses. C’est donc un véritable défi que nous comptons relever avec le lancement de cette chaîne.

Quels sont les types d’émissions que les téléspectateurs auront l’occasion de regarder sur votre chaîne ?

Avec toute la rédaction, on a travaillé sur des concepts d’émissions comme « After stade », où des chroniqueurs analyseront autour d’un animateur l’actualité du football. Il y a aussi « Morning », qui sera un petit journal matinal pour fournir des informations, ou encore « Sport Palabre », qui est une émission plus tournée vers le talk show à l’antenne. On a constaté que jusqu’à présent, il n’y avait pas de tribune qui permette aux téléspectateurs de débattre. C’est important, je pense, de leur donner aussi la parole pour qu’ils puissent s’exprimer. Il aurait été intéressant que les téléspectateurs débattent par exemple sur les scandales autour de certaines équipes africaines en 2014. On s’est inspiré des larges débats qui ont été consacrés en France après le retour de l’équipe nationale de la Coupe du monde d’Afrique du Sud, en 2010.

En quoi ces débats sont-ils primordiaux pour vous ?

Ces nombreux débats autour de la situation dans laquelle se trouvait l’équipe de France par exemple ont permis des changements de mentalités et des évolutions. Raison pour laquelle on estime que c’est aussi important de faire participer les téléspectateurs dans ce type de débats. Il faut bien comprendre qu’à travers cette chaîne, nous voulons éduquer, informer et mériter notre nom de première chaîne de sport sur le continent africain. Concrètement, il n’y a aujourd’hui pas de chaîne thématique sur le sport en Afrique, du moins francophone. Seule l’Afrique du Sud a développé une grande chaîne spécialisée sur le sport.

Lancer une chaîne est loin d’être une mince affaire. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce projet ?

Il y a d’abord une chose que je tiens à préciser. Nous les Africains, on a souvent peur de nous lancer dans de tels projets car on préfère que les autres fassent le premier pas pour les suivre ensuite. Sauf que nous, nous ne voulions pas suivre mais être acteurs de notre propre destin. Et j’assume totalement, que le projet soit une réussite ou un échec. Je remercie aussi l’équipe qui m’a suivi dans ce projet car elle aussi a voulu relever ce défi. Ce n’est bien sûr pas évident car sur le continent, il y a déjà grands groupes qui ont conquis tous les sports comme Canal plus par exemple qui a aussi des droits de diffusion. Mais nous, on ne veux pas concurrencer ces groupes. On est une chaîne d’information et non de diffusion. On s’est dit que nous devions concrétiser le projet car si on ne s’y met pas personne ne le fera. Maintenant qu’on s’est lancé, on encourage aussi par la même occasion ceux qui sont intéressés par ce genre de projets, ce sera même une bonne chose. L’Afrique a besoin de telles initiatives. Avec mon équipe, on sera heureux de voir sur le continent chaque pays avoir une chaîne spécialisée sur le sport.

Vous ne craignez donc visiblement pas la concurrence ?

Il n’y a pas de loi concernant la concurrence. Nous, on sera les précurseurs à mettre ça sur pied. Beaucoup de gens ont parlé de mettre sur pied ce genre de projet, mais ne l’ont pas concrétisé. En regardant de plus près les médias africains, on se rend compte qu’il n’y a pas de chaîne spécialisée sur le sport. J’ai l’habitude de dire que la jeunesse africaine respire le sport, mange la culture et boit la politique. Ils ne rêvent plus de politique tout simplement parce qu’il n’y croient pas. Les politiques n’ont pas répondu à leurs aspirations. Notre premier combat avec cette chaîne est de faire rêver la jeunesse africaine, leur montrer qu’ils ont aussi des opportunités sur le plan sportif dans le continent. On veut qu’ils se rendent compte qu’ils ont des possibilités d’évoluer aussi en Afrique, et que l’Europe n’est pas la seule option niveau sport. C’est un défi important qui doit être relevé car l’exode humain provoque l’immigration clandestine qui peut avoir de lourdes conséquences. On veut donc les emmener à espérer qu’ils peuvent jouer dans un championnat local sans forcément penser à aller en Europe.

Vous semblez très attaché au continent. Pourquoi alors avoir décidé de vous installer au cœur de la capitale française ?

Beaucoup de gens posent cette question. Nous sommes basés à Paris pour des raisons surtout pratiques et d’efficacité. Cela nous facilite l’accès aux compétiteurs internationaux de passage dans la capitale. Cela nous permet de les recevoir au cœur de Paris. Il y aura des stars que nous pourrions interviewer.

Comment financez-vous votre entreprise ?

Il n’y a pas d’organisation derrière nous ou qui nous finance. Nous sommes juste de jeunes Africains qui veulent donner un autre souffle au continent. À la base, on est une petite régie ethnique et communautaire. On travaille sur la communication depuis sept ans après avoir étudié autour de nous. Tous nos partenaires qui achetaient des espaces publicitaires étaient en manque d’un média où ils peuvent annoncer. On s’est alors dit pourquoi ne pas montrer un média de chaîne thématique africaine, d’autant qu’il en manque en Afrique. On est parti du thématique pour pouvoir y calquer notre business. On travaille en partenariats avec des entreprises comme Kara, l’une des plus grosses agence de pub en Europe. En clair, nous sommes une petite start-up et nous sommes partis de la communication pour créer la chaîne. Une façon aussi de diversifier nos activités. On s’est tous battu dans mon équipe pour réussir. Il n’y a pas de « fils de » dans notre boîte. On a la possibilité de monter un projet dans un pays libre donc on saisit cette opportunité. La cohésion nous a permis de tous nous retrouver dans l’équipe. On a une force, on peut avoir de la valeur si on parle tous d’une même voix.

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