La tournée maghrébine de Donald Rumsfeld


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Donald Rumsfeld
Donald Rumsfeld

Donald Rumsfeld, Secrétaire d’Etat américain à la Défense, a achevé mardi sa tournée en Afrique du Nord. La première de ce genre. Le renforcement de la coopération militaire et la lutte contre le terrorisme, priorité absolue de l’administration Bush depuis les attentats du 11 septembre 2001, étaient les deux principaux axes des entretiens avec ses hôtes tunisiens, algériens et marocains.

Le chef du Pentagone américain, Donald Rumsfeld, en provenance de la Sicile (Italie) où il a participé pendant deux jours à la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, avait entamé le samedi 11 février dernier à Tunis, une visite de travail au Maghreb. La campagne de Rumsfeld, entourée étrangement d’une très grande discrétion, s’est poursuivie en Algérie où il a passé quelques heures dimanche et s’est achevée mardi au Maroc. La coopération militaire bilatérale et la lutte anti-terroriste étaient au centre des discussions avec les différents chefs d’Etats et ministres de la Défense des pays visités.

« Nous entretenons diversement avec ces trois pays des rapports militaires que nous apprécions et voulons renforcer », a-t-il indiqué à la presse dès le début de sa tournée, en qualifiant les trois Etats maghrébins de « partenaires constructifs » contre le terrorisme. Jouissant d’une certaine influence dans cette région, Washington essaye d’associer ces derniers dans ses plans de lutte contre les groupes terroristes, véritable fer de lance de l’administration Bush.

La lutte contre le terrorisme international

La Tunisie, l’Algérie et le Maroc sont confrontés, tout comme les Américains, aux aléas du terrorisme international, ils ont tous été victimes des violences des extrémistes musulmans. Ainsi, quelques mois après le double attentat contre les tours jumelles à New-York en septembre 2001, la synagogue de Djerba, dans le sud tunisien était la cible des terroristes d’Al Qaïda dans une opération qui avait fait 21 morts en avril 2002. Un an après, le 16 mai 2003, c’était au tour du Maroc de subir le même sort avec les cinq attentats-suicides de Casablanca qui ont provoqué la mort de 33 personnes et blessé des dizaines d’autres.

Enfin, rappelons que l’Algérie a également été continuellement frappée par des attentats terroristes pendant plus d’une décennie. C’est la raison pour laquelle, l’approche sécuritaire du gouvernement américain pour endiguer le fléau du terrorisme, semble avoir eu un écho favorable auprès de ces trois pays.

Il semblerait selon la presse maghrébine, que les Américains soient très inquiets des risques d’activités terroristes de la part d’une mouvance d’Al Qaïda, dans la région du Sahara. « Avec nos partenaires en Afrique du Nord, nous demeurons naturellement préoccupés par la capacité de ces groupes extrémistes à opérer dans la région du Sahara », a déclaré Donald Rumsfeld, dans un entretien accordé au journal marocain Le Matin. L’administration américaine aurait même manifesté la volonté d’envoyer des observateurs militaires dans le désert algérien pour surveiller les activités du Groupe Salafiste pour la Prédiction et le Combat (GSPC) qui a installé dans le Sahara algérien une base militaire consacrée à l’entraînement de jeunes recrues de la région.

La coopération militaire et sécuritaire

Les Etats-Unis entretiennent depuis plusieurs années des relations militaires avec Tunis et Rabat, et plus récemment avec Alger. « Nous allons poursuivre nos relations militaires avec chacun de ces trois pays, d’une façon ou d’une autre », a ainsi indiqué le numéro un du Pentagone à la presse tunisienne et internationale. Ainsi, en témoigne, la participation de certains éléments des forces des marines algériens et marocains dans des manœuvres militaires de l’OTAN en Méditerranée en décembre dernier.

D’autres opérations, comme le « Fintlock 2005 », entre dans le cadre de la sécurisation et la défense des espaces méditerranéens et sahéliens. Lancée par les Américains durant l’été 2005, cette opération a permis de déployer 800 soldats américains et 2 000 soldats africains dans des pays du Sahel, afin qu’ils puissent sécuriser les frontières de ces derniers contre l’infiltration terroriste. Et le Pentagone a promis de multiplier de tels exercices conjoints, notamment avec l’Algérie.

Une base militaire américaine dans la région ?

Nombreux sont ceux qui voient dans cette tentative des Américains de vouloir renforcer la coopération militaire avec les pays du Maghreb, un désir plus profond d’installer une base militaire dans la région, avec notamment en ligne de mire, la Mauritanie. Une présence physique de cette nature pourrait provoquer le mécontentement de l’Europe et de l’opinion publique arabe. Elle ne ferait que dégrader davantage l’image de l’administration Bush, déjà négative dans cette partie de l’Afrique. Elle symbolise pour certains le pouvoir qui a détruit l’Irak et renversé le régime de Saddam Hussein sans parvenir à restaurer cette démocratie qu’elle entendait apporter aux Irakiens.

La visite de Donald Rumsfel s’est accompagnée, dimanche, d’une manifestation regroupant quelque 200 personnes devant le siège du Parlement marocain à Rabat. Les manifestants présents à l’appel de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), brandissaient des banderoles avec des slogans tels que : « Non à l’intégration du Maroc dans les plans sécuritaire et militaire de l’impérialisme américain » et « Non au terrorisme d’Etat exercé par les Etats-Unis ».

Cette manifestation montre clairement que le secrétaire d’Etat américain est loin de faire l’unanimité dans la société marocaine et plus généralement dans les sociétés arabes. Il est perçu comme « l’un des concepteurs et exécutants de la politique criminelle de l’impérialisme américain contre les peuples et des violations généralisées des Droits humains, les massacres d’Irakiens, la séquestration et la torture devenues célèbres dans les prisons d’Abou Ghraib en Irak et Guantanamo à Cuba » comme l’a indiqué le président de l’AMDH dans un communiqué à la presse.

Par Vitraulle Mboungou

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