La théorie du pouvoir de Mme Konaré


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La femme du président malien, Adame Ba Konaré, livre dans  » L’os de la parole  » une cosmologie du pouvoir. Pour elle, le lien d’interdépendance entre le président et les citoyens est le même qui lie le soleil aux planètes.

Adame Ba Konaré est l’épouse du président malien, Alpha Oumar Konaré. Femme de tête et de coeur, elle vient de publier son dernier livre,  » L’os de la parole « , aux éditions Présence Africaine. Dans cet essai, elle énonce une théorie, une  » cosmologie  » du pouvoir, que lui a inspirée sa vie de première dame de l’Etat malien. Interview.

Afrik.com : Dans votre dernier livre,  » L’os de la parole « , vous avancez une théorie du pouvoir. Quelle est-elle ?

Adame Ba Konaré : Lorsque je me suis retrouvée assaillie par les problèmes afférents à la gestion du pouvoir, je me suis demandé si ce dernier avait une essence propre et c’est en cogitant que j’ai trouvé cette théorie cosmique du pouvoir. Tout chef est soleil dans un univers de planètes. Le président est donc le soleil autour duquel gravitent les citoyens-planètes, ainsi que les citoyens-astéroïdes ou météorites qui sont des forces de défiance qui défient le pouvoir. De même que les citoyens-planètes ont besoin de la lumière du soleil, de même, le soleil a besoin que ces planètes gravitent autour de lui pour qu’il projette sa lumière. C’est donc une solidarité cosmiquement agencée qui le lie aux citoyens. Cette théorie débouche sur des recommandations et un concept triptyque : solidarisme, humilitarisme et mesurisme.

Afrik.com : Pensez-vous que solidarité, humilité, et mesure sont les vertus cardinales d’un chef d’Etat ?

A.B. K. : La solidarité est une exigence vitale pour la survie de la communauté. Quant au sens de la mesure et à l’humilité, ce sont des nécessités. Nous devons être de plus en plus exigeants sur le choix de nos chefs. Dans un monde rempli d’arrogance, les chefs doivent être suffisamment sages pour savoir que nous ne sommes que 6 milliards d’âmes, au sein d’un univers de 100 milliards de galaxies et qui n’en finit pas de s’étendre. Nous sommes une espèce rare et ils doivent en être conscients pour mettre fin aux guerres et aux excès.

Afrik.com : Vous écrivez que vous êtes née pour être une  » missionnaire  » et aider votre prochain. Votre qualité d’épouse de président vous permet-elle d’effectuer votre  » mission  » ?

A.B. K. : Pour moi, chacun est en mission sur cette terre, pourvu qu’on sache la découvrir. J’ai le sentiment que je suis faite pour secourir mon prochain. Cette mission a été décuplée au niveau de la responsabilité du pouvoir. Dans la société africaine, la femme est l’épicentre du système social, c’est autour d’elle que la famille s’organise. Dans la société malienne, je suis devenue en quelque sorte la maîtresse de maison à l’échelle nationale. On m’appelle d’ailleurs  » mère de la nation « . Compte-tenu de mon militantisme, je récusais au début ce terme, mais à présent je m’en accommode.

Afrik.com : Quelles sont vos actions concrètes ?

A.B. K. : Lorsque mon mari est arrivé au pouvoir, je ne voulais pas entrer dans le cliché de la femme de chef d’Etat qui crée une fondation et fait de l’humanitaire, mais j’ai été happée par la société. Lorsque des gens démunis viennent me voir et me demandent de les aider, je ne peux pas rester sourde à cet appel. Je ne peux pas les renvoyer sous prétexte que c’est l’Etat qui doit assurer le bien-être collectif. A travers ma fondation (la Fondation Partage, Ndlr) je fais de la conscientisation, de la sensibilisation sur le sort des plus fragiles d’entre nous.

Afrik.com : La démocratie est arrivée au Mali avec l’élection de votre mari. Qu’en est-il aujourd’hui ?

A.B. K. : Au Mali, le fait démocratique a précédé la culture démocratique. La démocratie a été arrachée de haute lutte par les intellectuels, mais le peuple continue à fonctionner globalement sur une idéologie monarchiste. Il y a tout un travail à faire sur les mentalités, par le truchement d’une éducation permanente et continue, dans des centres appropriés.

Afrik.com : Des  » centres  » ?

A.B. K. : La démocratie est un processus que nous sommes en train d’expérimenter. Il faudrait des centres de démocratie, chez nous, mais aussi dans le reste du monde… La démocratie est une valeur relative qui évolue avec le temps. Il ne suffit pas de créer un Etat avec des institutions démocratiques pour dormir sur ses lauriers. La démocratie a besoin d’être soignée. De la même façon que nous soignons notre corps physique et mental, nous devons donner une matérialité à nos valeurs et créer des centres de soins, de maintenance pour ces valeurs.

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