« La répression des pro-Gbagbo se poursuit en Côte d’Ivoire »


Lecture 7 min.
arton23156

La réconciliation nationale, un long et tortueux chemin pour la Côte d’ivoire ? Le parquet d’Abidjan vient de lancer les premières inculpations contre d’anciens cadres du régime Gbagbo. En parallèle, une mission de la Cour pénale internationale (CPI) séjourne dans le pays, pour vérifier si certains faits qui se sont produits lors des récents troubles connus par le pays ne rentrent pas dans les catégories de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Cependant, au fond du pays, certains groupes ethniques comme les Bidjan se déclarent toujours victimes d’une répression qui viserait à punir leur allégeance à Laurent Gbagbo, le président sortant, lors de la présidentielle de la fin d’année 2010. Pour se défendre, ces groupes ethniques du sud de la Côte d’Ivoire se sont constitués en une coalition baptisée « Akwaba », ce qui signifie « bienvenu ». Leur porte-parole en Europe, Ahouo Koutouan, fait l’état des lieux.

La réconciliation nationale, un long et tortueux chemin pour la Côte d’ivoire ? Le parquet d’Abidjan vient de lancer les premières inculpations contre d’anciens cadres du régime Gbagbo. En parallèle, une mission de la Cour pénale internationale (CPI) séjourne dans le pays, pour vérifier si certains faits qui se sont produits lors des récents troubles connus par le pays ne rentrent pas dans les catégories de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Cependant, au cœur du pays, certains groupes ethniques se déclarent toujours victimes d’une répression qui viserait à punir leur allégeance à Laurent Gbagbo, le président sortant, lors de la présidentielle de 2010. Pour se défendre, ces groupes ethniques du sud de la Côte d’Ivoire se sont constitués en une coalition baptisée « Akwaba », ce qui signifie « bienvenue ». Leur porte-parole en Europe, Ahouo Koutouan, fait l’état des lieux.

Petit fils de l’ancêtre des Bidjan qui avait résisté à la pénétration coloniale dans la zone d’Abidjan, Ahouo Kouotan lutte depuis quatre ans pour la reconnaissance des droits fonciers des siens, sur les terres autour de la capitale ivoirienne. Lors de la dernière présidentielle, les Bidjan ont massivement voté pour Laurent Gbagbo. Depuis la prise de pouvoir d’Alassane Ouattara, ils seraient victimes de représailles de la part des nouvelles autorités. Pour se défendre, ils se sont alliés à d’autres ethnies du sud de la Côte d’Ivoire dans une coalition baptisée Akwaba. En Europe, Ahouo Koutouan est leur porte-parole. Dans cette interview, il raconte les exactions dont ils seraient victimes depuis la chute de Laurent Gbagbo.

Afrik.com : On vous connaît en tant que représentant des intérêts des Bidjan en Europe. Vous parlez maintenant au nom d’une coalition appelée Akwaba. Que représente-t-elle ?

Ahouo Koutouan :
Tout d’abord, Akwaba signifie bienvenue. C’est une coalition créée par les trois régions du sud de la Côte d’Ivoire, qui sont les plus visées par la répression, depuis le changement de pouvoir à Abidjan. Il s’agit : de la région Agneby composée des peuples Abéy et Attié ; de la région des Lagunes (Abidjan, Bingerbille, Dabou, Tiassalé, Grand Alépé, Anyama) et de la région Sud Comoé (Abouré, N’zima, Agni). La coalition m’a chargé de la représenter et de dénoncer toutes les exactions dont ses populations sont victimes.

Afrik.com : Pourquoi ces peuples ont-ils créé une association tribale au moment où on parle de réconciliation en Côte d’Ivoire ?

Ahouo Koutouan :
La coalition Akwaba a été créée par ces peuples pour se protéger. Vous parlez de réconciliation, mais la répression se poursuit, à l’encontre des personnes soupçonnées d’avoir soutenu le président sortant, Laurent Gbagbo. Par exemple, des membres de ma famille de la commune d’Attécoubé ont été violentés, pour leur lien présumé avec le Front populaire ivoirien (FPI) de l’ancien président. On continue de pourchasser et de tuer des gens. Kokrasset Luc, qui est le chef de Lokodjo, mon propre village de l’ethnie des Bidjan, est entré dans la clandestinité. Comme la base de la marine se trouve dans mon village, on l’a accusé d’avoir reçu des armes pour les distribuer aux jeunes pour qu’ils défendent Laurent Gbagbo. Sa maison a été saccagée et pillée. Il y a un village Bidjan du nom d’Anonkwa. Ce village n’existe pratiquement plus. Les militaires d’Alassane Ouattara y ont tué cinq jeunes et emmenés plusieurs autres. Les autres habitants se sont enfuis. Il n’y a plus personne au village. A Abobo Baoulé, chez le peuple Atchan, c’est-à-dire dans le village qui a donné son nom à la commune d’Abobo, les hommes du nouveau président ont enlevé trois à quatre notables. On ne sait pas ce qu’ils sont devenus. Les militaires d’Alassane Ouattara continuent de pourchasser les pro-Gbagbo en dehors de tout mandat judiciaire. Dans le village Okrouyo (région de Soubré à l’ouest), entre le 6 et le 8 juin, il y a eu entre 35 à 40 villageois tués. On les a accusés d’être de connivence avec les rebelles libériens

Afrik.com: Comment les militaires identifient-ils les personnes à arrêter?

Ahouo Koutouan
: Il y a des contrôles d’identité. Et les noms trahissent les origines. J’ai également appris que les victimes avaient été dénoncées par d’autres personnes d’origine burkinabè qui se trouvaient dans la forêt proche du village, pour ce qui est d’Okrouyo. Les hommes de Ouattara font des descentes régulières pour arrêter les chefs des villages Atchan. Leurs biens sont pillés. Aujourd’hui, la structure traditionnelle du peuple Atchan est complètement détruite. Les gens ont fui dans toutes les directions pour se protéger. A (Grand) Bassam, Sassandra, Grand Lahou, les gens sont persécutés. On dénombre plusieurs morts, surtout chez les notables. Ceux-ci sont victimes des mêmes accusations: les rebelles libériens pro-Gbagbo seraient passés chez eux et auraient été protégés par les populations. Lorsqu’ils viennent, ils vérifient les cartes d’identité et embarquent les gens vers des destinations inconnues. Les seules personnes un peu à l’abri sont celles qui habitent au centre de la capitale, qui est en plein territoire Bidjan. Là également, il y a les médias. Par contre, dans les villages, les journalistes sont absents, ce qui facilite les exactions.

Afrik.com : Comment recevez-vous ces informations ?

Ahouo Koutouan:
Chaque jour, je reçois des appels de détresse d’Abidjan. Je suis en contact régulier avec les gens sur place qui font remonter les informations. Akwaba est structuré sur place. Dans la diaspora également, plusieurs associations d’Ivoiriens sont régulièrement informées des problèmes que rencontrent nos frères au pays.

Afrik.com : Pourquoi n’alertez-vous pas la communauté internationale, l’Onu, la force Licorne?

Ahouo Koutouan:
Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose à attendre de cette communauté internationale. L’Onuci et la Licorne sont complices de ce tout ce qui s’est passé jusqu’aujourd’hui. Nous savons que l’Onuci fournissait des tenues aux rebelles pour tromper la vigilance des gens. Ces mêmes rebelles étaient transportés dans des camions de l’Onuci pour mater les pro-Gbagbo. Comment voulez-vous que cette mission vienne à notre secours maintenant ?

Afrik.com : Le président Alassane Ouattara a mis en place une commission de réconciliation nationale. C’est peut-être un début de solution…

Ahouo Koutouan :
Non. Aucun Ivoirien ne croît en cette commission. Les massacres ont commencé depuis 2002. Il veut tenter de noyer le poisson en effaçant tout ce qui s’est passé depuis 2002 pour se concentrer uniquement sur la période postélectorale. Dans le même temps, la traque des pro-Gbagbo se poursuit.

Lire aussi:

 Côte d’Ivoire : les forces pro-Ouattara accusées de crimes

 Côte d’Ivoire : la violence s’incruste

 Crimes de guerre : les forces de Gbagbo et Ouattara dans le même sac

 Côte d’Ivoire : une commission d’enquête sur les crimes post-électoraux

 Exécutions sauvages en Côte d’Ivoire

 Côte d’Ivoire : pro-Gbagbo et pro-Ouattara responsables de crimes de guerre

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News