La petite entreprise d’Abdelhamid


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Drapeau de la Tunisie
Drapeau de la Tunisie

Abdelhamid Ben Abdallah est Tunisien et passe la moitié de son temps à Paris. A 45 ans, il est à la tête de plusieurs entreprises fructueuses. Lancé dans le textile, il diversifie aujourd’hui ses activités. Portrait d’un entrepreneur discret mais efficace.

Une semaine à Paris. Une autre à Tunis. Abdelhamid Ben Abdallah partage son temps entre la France et la Tunisie pour faire tourner à plein régime ses différentes sociétés. Dans la capitale française, il reçoit tout sourire dans son bureau sans ostentation. Quelques chutes de tissus dans un coin. Un coup d’oeil à ses deux portables et aux photographies grand format qui le montrent aux côtés de Bill Clinton. Le textile et les relations : voilà ce qui a transformé l’apprenti avocat en homme d’affaires accompli.

Drôle de parcours pour cet homme de 45 ans à la chaleur communicative. Débarqué en France son bac en poche, il use les bancs de la faculté de droit de Paris-Assas jusqu’à obtenir son doctorat en 1984, spécialisé dans le droit commercial et économique. La même année, il entre à l’ OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) comme consultant international, jusqu’en 1987, où il intègre l’Institut du monde arabe. Il y est responsable des relations publiques et passe une partie de ses semaines à la faculté d’Assas pour donner des cours et  » revenir à ses premières amours « , dit-il en riant. Mais pour l’instant, aucun lien avec le textile…

Réseau relationnel

C’est dans les années 89-90 qu’Abdelhamid va penser sa future société. Fort de son réseau relationnel  » politique  » (il est proche de la famille Chirac, ayant donné des cours à Claude, la fille, pendant ses études, connaît les enfants Giscard d’Estaing et a fait les 400 coups avec Dominique Baudis, ancien maire de Toulouse et aujourd’hui président du CSA), il s’inscrit à des déjeuners d’affaires qui rassemblent des entrepreneurs français et européens. C’est là qu’il entre en contact avec la direction générale du groupe Carrefour. C’est avec cette centrale d’achat qu’il passera ses premiers contrats.

Il créé un groupe d’industrie textile avec trois plates-formes : Gitex, dont les usines travaillent exclusivement pour le groupe Carrefour, Editex (qui produit pour Naf-Naf, Chevignon ou Camaïeu) et Sicotex.  » J’ai voulu que les plates-formes soient étanches entre elles mais elles connaissent la même organisation, fonctionnent de la même manière. Ce qui donne des résultats intéressants pour nos clients et nous permet d’être très réactifs face aux centrales d’achat européennes. Aujourd’hui, nous avons le meilleur positionnement, même face au sud-est asiatique ou au Maroc. Nous ne sommes pas forcément les moins chers mais nous sommes les plus réactifs « , explique-t-il. Résultat : Abdelhamid ne travaille pas qu’avec la France. L’Espagne, l’Italie, le Portugal ou la Finlande lui font aussi confiance.

6 500 employés

Abdelhamid s’occupe de l’amont avec la société commerciale basée à Paris qui développe les contacts commerciaux avec les différents partenaires européens. Cette partie est relayée par une cellule technique qui comprend huit modélistes et deux stylistes qui mettent au point les produits. Là encore, c’est la rapidité qui prime :  » Nous avons une base de données énorme qui nous permet de sortir les modèles très rapidement « . Ensuite, les plates-formes centralisent les matières premières (tissus et accessoires) et les dispatchent sur les usines en fonction de leur spécificité. Le rendu final est contrôlé par une autre de ses sociétés, Star Wash.

 » Nous avons vingt-six usines en Tunisie et nous travaillons avec un groupe de soixante-trois usines qui forment notre relais de sous-traitance « . En tout, pas loin de 6 500 personnes travaillent pour Abdelhamid. Rien qu’en Tunisie. Une réussite-éclair dont il est le premier étonné :  » En étant néophyte et sans formation adéquate, j’aurais dû avoir plus de difficultés ! Mais la faiblesse de l’industrie textile tunisienne c’est qu’elle n’est pas structurée, qu’elle est attentiste « , analyse-t-il. Lui, il fonce. La recette de la réussite ?  » 50% de chance, 30% de formation et 20% d’acuité, de capacité à exploiter les opportunités « .

Fidélité, loyauté et confiance

Abdelhamid a su tirer parti de son pays natal.  » La Tunisie a une structure très souple : on ne peut pas rêver mieux pour encourager l’export. La douane est déjà intégrée dans les usines, ce qui évite aux marchandises de rester bloquées au port ou à l’aéroport « , explique-t-il. Et le self-made man tunisien ne compte pas s’arrêter là. Il diversifie aujourd’hui ses activités : dans le tourisme (il a créé des centres d’animation dans  » sa  » région, Hammamet) et l’immobilier. Il vient notamment de remporter un appel d’offre pour construire un centre commercial à Tunis, doté de parkings, et devra gérer le stationnement payant dans toute la zone.  » Je vais me faire beaucoup d’amis ! »

Lorsqu’on lui parle d’empire, l’homme sourit. Pour lui, qui vient d’un milieu modeste, les sociétés qu’il a bâties gardent leur côté familial. Fidèle en amitié, l’un de ses proches collaborateurs est un ami de fac.  » Pour moi la loyauté et la confiance priment sur la formation. Le noyau central d’une société est primordial, il faut s’entourer de gens proches qui n’abusent pas du pouvoir que vous leur donnez. » Voilà le secret de la  » petite  » entreprise d’Abdelhamid. Qui n’est pas prête de connaître la crise.

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