La microfinance donne du pouvoir aux femmes égyptiennes


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L’Association pour le développement et la promotion de la femme (ADEW) a vu le jour il y a plus de 20 ans à Mainsheet Nasser, à l’époque l’une des plus grandes zones de peuplement non reconnues et clandestines en Egypte. L’expérience sur le terrain et la recherche universitaire ont montré qu’il était particulièrement difficile pour les femmes chefs de famille d’accéder au crédit et à l’emploi et l’étude menée par ADEW a révélé qu’il n’y avait pas de programme de prêt qui prenait en compte la situation de ces femmes.

Par Iman Bibars [Dr. Iman Bibars est présidente de l’Association pour le développement et la promotion de la femme (ADEW, [www.dew.org/adew) et experte internationale en matière de genre et de développement. Article écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews).]]

Dans le cadre de la microfinance, les femmes se voient offrir la possibilité de créer un petit commerce chez elles ou près de chez elles, de sorte qu’elles ne sont pas contraintes de laisser leurs enfants seuls à la maison. La vente de légumes, d’articles d’épicerie, de vêtements ou d’accessoires confectionnés artisanalement sont autant d’exemples de ces petits commerces. De cette façon, les femmes peuvent subvenir aux besoins de leurs enfants, pourvoir à leur éducation et leur payer des soins médicaux.

En Egypte, les microcrédits sont proposés à des groupes d’au moins cinq femmes sans demander de garantie, mais à condition que chacune d’elles se soit engagée à travailler sur un projet précis. Pour obtenir un prêt, les femmes doivent avoir soit une activité existante, soit des idées pour en créer une. Des chercheurs, dont la spécialité varie selon la nature du projet, mènent ensuite mener une étude sur le terrain afin de s’assurer du caractère rentable et pertinent du commerce pour la région dans laquelle il est implanté.

Bien connu dans le monde de la microfinance, mais beaucoup moins en dehors de ce secteur, le taux d’amortissement du prêt pour les femmes qui en bénéficient est formidablement élevé : 99% dans le cas de l’Egypte. Les taux d’intérêt en microfinance sont généralement élevés comparés à ceux pratiqués pour les prêts conventionnels, car les bénéficiaires n’ont jamais été créditeurs par le passé ou ne détiennent pas de compte en banque. Cependant, les femmes qui bénéficient d’un prêt parviennent souvent à créer et à developer des projets privés.

Néanmoins, le secteur de la microfinance en Egypte se heurte malheureusement à des obstacles. A titre d’exemple, il n’existe pas en Egypte de lois spécifiques sur la microfinance comparables à celles d’autres pays dans le Grand Moyen-Orient, comme le Maroc. Ce dernier a institutionnalisé des cadres juridiques pour le microfinancement des ONGs à l’intérieur desquelles elles pourraient fonctionner.

Il existe aussi un manque d’information au sujet du programme et, en conséquence, près de 80% de la population égyptienne ignore les mécanismes de prêt existants ou les possibilités qui s’offrent à elle.

Il y a également besoin d’instaurer un quota selon les sexes car les programmes de prêts, bien que destinés aux deux sexes, sont le plus souvent accordés aux hommes, beaucoup de femmes n’ayant pas de carte d’identité ou autre document officiel.

Par ailleurs, les ONGs ou toute autre institution collaborent peu en matière de prêts. La collaboration institutionnelle est nécessaire pour que l’Egypte surmonte ces obstacles et s’assure que le microfinancement est accessible à plus d’individus dans le besoin. N’ayant pas de départements de microfinancement, les banques commerciales devraient peut-être envisager d’offrir aux ONGs des prêts spéciaux qui leur permettraient d’identifier les clients de la microfinance, en élargissant la portée du crédit aux pauvres tout en augmentant les marges des organismes de prêt.

La diversification des services de la microfinance qui comprend les prêts, la formation, le support technique et les études de faisabilité ainsi que la levée des restrictions sur des activités de crédit au-delà des prêts conventionnels pourrait également accroître la portée et les retombées des succès que la microfinance a enregistrés à ses débuts .

La création d’un centre d’information spécialisé pour documenter l’historique des emprunteurs et la mise en place de stages pour ceux qui travaillent dans les programmes de microfinance contribueraient également à améliorer le système. Par exemple, ADEW réclame la coordination entre les praticiens et le Social Fund for Development (Fonds social pour le développement), une initiative commune entre le gouvernement égyptien et le programme des Nations Unies pour le développement qui conçoit les programmes de développement et assure le financement de plusieurs initiatives liées au développement.

Le prêt n’est pas l’apanage des banques. Les ONGs qui travaillent dans la microfinance jouent déjà un rôle primordial dans le processus de développement en Egypte au travers de leurs connaissances approfondies des zones reculées et marginalisées qui ne sont pas ciblées par le secteur bancaire commercial.

Les ONGs comme ADEW sont donc remarquablement placées pour atteindre les bénéficiaires marginalisés et sensibiliser les personnes, auxquelles il ne serait pas possible d’avoir accès autrement, au sujet des mécanismes de prêts. La relation étroite avec les communautés marginalisées ainsi que la coopération avec les donateurs bilatéraux et multilatéraux font des ONGs des acteurs naturels dans le processus du prêt.

Bien que ces prêts ne réduiront pas totalement la pauvreté de l’Egypte ou n’apporteront pas de développement économique immédiat, ils représentent un moyen novateur de survie et d’emploi durable pour bon nombre d’Egyptiens et peuvent jouer un rôle important dans le développement global de l’Egypte.

 Source : Service de Presse de Common Ground (CGNews), 31 octobre 2008, www.commongroundnews.org.

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