La loi OGM met en péril l’avenir de l’Ouganda : Slow Food propose une alternative


Lecture 4 min.
arton60269

Pas besoin d’OGM : la biodiversité ougandaise apporte déjà une solution aux grands problèmes rencontrés.

« En Ouganda, Slow Food continue d’adopter, de mettre en œuvre et de diffuser des pratiques agroécologiques résolvant de manière légitime les problèmes du système alimentaire actuel et travaille sur des initiatives défendant une biodiversité alimentaire, riche et périssable, menacée par les OGM », explique Edie Mukiibi, président de Slow Food Ouganda et vice-président de Slow Food International.

« Pour que les générations futures puissent bénéficier de la biodiversité alimentaire ougandaise, les agriculteurs du pays doivent soutenir, préserver et défendre leur culture alimentaire locale contre l’invasion des gènes brevetés, une invasion qui transformerait les agriculteurs indépendants en clients prisonniers d’une poignée de puissants agroindustriels.»

L’introduction des variétés OGM met en danger la maîtrise locale du système alimentaire et limite les exportations de fruits et légumes ougandais vers les marchés où les OGM sont interdits. En outre, le projet de loi ne dit rien de l’étiquetage de ces produits, tout en imposant de lourdes pénalités aux emballages présentant de fausses informations.

L’Ouganda pourrait bientôt devenir le deuxième pays africain à ouvrir son marché aux aliments génétiquement modifiés, sans être sûr de la sécurité de cette nouvelle technologie pour l’environnement et la santé humaine. À l’heure actuelle, seule l’Afrique du Sud cultive des OGM (maïs, soja et coton), tandis que deux autres pays africains (Égypte et Soudan) cultivent uniquement du coton génétiquement modifié.

OGM : UNE AUTRE AGRICULTURE EXISTE

Prenons l’exemple des bananes : il s’agit d’un aliment de base pour le pays, autour duquel plusieurs multinationales travaillent pour créer une super-variété chargée en vitamine A, en zinc et en fer et résistante aux maladies les plus communes (telles que le flétrissement, les nématodes et les charançons). Tout cela dans le but d’améliorer la nutrition dans le pays et d’éviter des pertes économiques aux petits agriculteurs.

Que dit Slow Food de cette nouvelle «super banane» génétiquement modifiée ? La biodiversité alimentaire locale offre déjà la solution aux deux problèmes énumérés. En ce qui concerne la malnutrition, l’anémie et les carences en micronutriments, plusieurs aliments traditionnels permettent de surmonter facilement ces problèmes. On pense par exemple aux variétés locales de millet (comme l’éleusine, que Slow Food protège via la Sentinelle des Variétés de Millet Teso Kyere) riches en méthionine, un acide aminé dont manquent de nombreux aliments de base dans la région ; l’amarante rouge et violette est riche en minéraux et en vitamines, les carottes locales sont riches en vitamine A. Quant aux maladies qui attaquent la production bananière, l’agroécologie apporte des solutions spécifiques pour les combattre, surtout si les agriculteurs pratiquent des mesures agricoles préventives : l’utilisation d’outils décontaminés, la taille opportune des bourgeons, un système d’assainissement approprié sur la plantation et le maintien d’une bonne fertilité du sol, d’une bonne nutrition des plantes et d’une conservation adéquate de l’eau dans et autour des bananeraies.

Alors que cette nouvelle variété OGM arrive bientôt sur le marché, plus de 50 variétés de bananes traditionnelles en danger d’extinction nourrissent la population ougandaise depuis plus de 1000 ans. Plus de 50 arômes, goûts et couleurs différents disparaîtraient pour être remplacés par une seule variété génétiquement modifiée. Il s’agirait d’une énorme perte pour la biodiversité ougandaise et pour le monde entier. Slow Food est fier d’avoir développé avec 25 producteurs ougandais la Sentinelle du Plantain Kayunga Kayinja. Celle-ci préserve le kayinja, l’une des principales variétés de bananes traditionnelles et partie intégrante de la culture alimentaire de nombreuses tribus du pays, comme les Banyoro, les Basoga et les Baganda. Le bananier est très durable, produisant parfois des fruits sur plus de 50 ans.

Pour Slow Food, la véritable solution réside dans la promotion et le développement de la biodiversité alimentaire locale et traditionnelle, ainsi que le soutien aux producteurs par de meilleurs mécanismes de gestion post-récolte, la réhabilitation agroécologique des sols, des techniques pour inverser la dégradation des sols dans les écosystèmes fragiles, une bonne sélection des semences et l’amélioration des structures dans les communautés rurales. Slow Food appelle les petits agriculteurs à rejeter les OGM dans leur ferme et à résister collectivement à cette invasion.

OÙ EN EST LA SITUATION ?

Le projet de loi national sur la biotechnologie et la biosécurité, connu sous le nom de « loi OGM » (puisqu’elle ignore les autres formes de biotechnologie et se concentre uniquement sur les OGM), a été approuvé par le Parlement ougandais le 4 octobre. Le projet de loi sera maintenant transmis au président Yoweri Museveni, qui a à plusieurs reprises approuvé la biotechnologie et exprimé sa frustration quant au retard d’adoption du projet de loi, qui deviendra immédiatement opérationnel. Le projet de loi est censé former un cadre réglementaire facilitant le développement et l’application en toute sécurité des biotechnologies en Ouganda, pour le développement et la commercialisation générale des organismes génétiquement modifiés (OGM). Les recherches sur le terrain et la diffusion des OGM dans l’environnement seront donc encadrées légalement.

QUELLE EST LA PROCHAINE ÉTAPE ?

Avec l’approbation de la loi, les semences et produits OGM seront vendus sur le marché sans restriction : il s’agit de 88 nouvelles variétés de semences et de tissus génétiquement modifiés (notamment maïs, bananes, manioc, pomme de terre, riz, soja et patates douces). Le projet de loi, une fois promulgué, confèrera au National Council of Science and Technology (UNCST) le pouvoir d’approuver de nouvelles variétés OGM et de les mettre à disposition des agriculteurs ougandais, sans aucune procédure législative ou démocratique.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News