La Guinée, « otage » du capitaine Dadis Camara ?


Lecture 3 min.
arton17666

Pressé par les Guinéens et la communauté internationale de renoncer à se présenter aux élections présidentielles de janvier 2010, le capitaine Dadis Camara, chef de la junte militaire au pouvoir en Guinée, s’est décrit comme l’homme sans qui son pays ne saurait trouver la paix. Acculée néanmoins, la junte propose de former un gouvernement d’union nationale.

« Je suis entre le marteau et l’enclume », a confié mercredi le président guinéen, le capitaine Dadis Camara, sur les antennes de la chaîne française d’information en continu France 24. « Je suis dans le dilemne : soit je ne suis pas candidat et il y a des problèmes, soit je suis candidat et il y a des problèmes ». Des propos réitérés à l’AFP et à RFI qui l’ont interviewé dans la même journée. Le chef du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) a déclaré être « l’otage » de l’armée et du peuple. « Ils (les militaires) disent : « si tu laisses le pouvoir, nous, nous allons le prendre ». Une partie du peuple dit « Dadis ne doit pas être candidat » (…), une partie du peuple dit qu’il faut que Dadis soit candidat » a-t-il poursuivi, avant d’affirmer : « Si je quitte le pouvoir aujourd’hui, la Guinée ne connaîtra pas la paix (…) ». La société civile guinéenne représentée par le Forum des forces vives, l’Union africaine, l’Union européenne, les Nations unies ont pourtant invité le chef militaire à renoncer à une éventuelle candidature aux présidentielles de janvier 2010. Il avait promis qu’il n’y participerait pas lors de son accession au pouvoir en décembre 2008.

L’« otage », tiraillé, tente néanmoins de se montrer conciliant depuis les massacres du lundi 28 septembre qui ont fait, selon la société civile guinéenne, au moins 157 morts. Le ministère de l’Intérieur en a seulement dénombré 57. Dans un communiqué publié mercredi, la junte militaire a annoncé la formation imminente d’un gouvernement d’union nationale « intégrant l’ensemble des partis politiques, chargés de gérer la transition ». Une proposition déjà balayée par l’opposant guinéen Sydia Touré, leader de l’Union des forces républicaines (UFR), blessé lors des manifestations. « Ça ne nous préoccupe pas actuellement. En ce moment, nous sommes préoccupés par nos morts », a-t-il déclaré.

Un gouvernement d’union nationale

Autre résolution du CNDD : l’ouverture prochaine d’une enquête nationale et internationale en collaboration avec les Nations unies sur les évènements du 27 janvier 2007 et ceux du 28 septembre 2009. La junte propose également la désignation d’un sage président africain pour conduire une médiation en Guinée. Mercredi, Navi Pillay, la Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme prenait note de « la décision des autorités guinéennes de mener une enquête » tout en insistant « sur le fait qu’il est essentiel que cette enquête soit indépendante et impartiale ». « Le bain de sang de lundi ne doit pas ajouter au climat d’impunité qui règne depuis des décennies dans le pays », a-t-elle souligné. De même, l’Union européenne envisage des « sanctions ciblées » contre « les auteurs des violences ». Elles devraient être officialisées le 9 octobre prochain.

Une chape de plomb règne toujours sur Conakry. Cellou Dalein Diallo, l’ancien Premier ministre, leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UDFG) et candidat à l’élection présidentielle de janvier prochain, n’a pu quitter son pays mercredi pour la France. Il devait y recevoir des soins après avoir été pris à parti par les militaires lors de la manifestation de lundi dernier. Reporters sans frontières a également exprimé son inquiétude quant au sort des journalistes Mouctar Bah, correspondant en Guinée pour l’Agence France-Presse (AFP) et Radio France Internationale (RFI), et Amadou Diallo, de la British Broadcasting Corporation (BBC). Ils ont reçu des menaces de mort pour avoir couvert les massacres de lundi.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News