La France a une part d’Afrique en elle


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Baobab
Eléphant à l'ombre d'un baobab

« La France a une part d’Afrique en elle… » propos tenus, il y a tout juste un an, par le président de la République M. Macron lors des commémorations à Saint-Raphaël du 75è anniversaire du débarquement de Provence du 15 août 1944, afin que rappeler le rôle et le sacrifice des soldats des troupes coloniales engagées dans toutes les grandes guerres de la France.

Le discours fort du chef de l’État avait notamment pour objectif d’inviter les maires de France à baptiser des rues, des places et des édifices publics en hommage aux troupes d’Afrique et de l’ensembles des Outre-mer (Tirailleurs Sénégalais, Algériens, Indochinois, Goumiers et Tabors Marocains, Pieds-noirs, Marsouins du Pacifique et dissidents des Antilles…). Rappelons que pour le seul conflit 1939-1945, plus précisément, pendant le débarquement de Provence, le 15 août 1944, près de 225 000 hommes des Tirailleurs Sénégalais et Algériens, Goumiers et Tabors Marocains, Pieds-noirs, Marsouins du Pacifique et dissidents des Antilles versent le prix du sang. Rappelons également que certains Polynésiens et Néo-calédoniens s’engagent dans le bataillon du Pacifique et participent à la bataille de BIr-Hakeim.

À la suite du discours de Saint-Raphaël, un groupe de 193 personnalités (Sénateurs et députés de gauche comme de droite, associations patriotiques, civiles et culturelles, artistes, intellectuels, journalistes, universitaires et médecins) lance une lettre ouverte, citoyenne et non-partisane, adressée aux maires de France métropolitaine et des Outre-mer. Son objectif est d’inciter les maires à faire écho à la mémoire oubliée, celle de ces combattants – à égale distance celle des familles – souhaitant qu’ils prennent part au vœu du chef de l’État en baptisant des espaces publics en hommage aux soldats africains et de l’ensemble des Outre-mer qui ont participé à la Libération.

En octobre 2019, l’universitaire Marcel Lourel, professeur des universités et commandant de la réserve citoyenne dans le Nord, à l’initiative de la lettre ouverte, est reçu au Palais de l’Élysée afin de défendre le point de vue, celui exprimé par les signataires de la lettre ouverte.

Ils obtiennent gain de cause puisqu’en novembre 2019, les Armées et l’Association des Maires de France (AMF) signent une convention à l’occasion du congrès de l’AMF pour nommer des rues et des places au nom des « héros d’Afrique ». Une liste de noms de combattants identifiés par les Armées est même transmise aux élus, afin de matérialiser le travail de mémoire.

Qu’en est-il un an plus ? Étonnement, le sujet est passé sous les radars des candidats aux élections municipales, tandis que de nombreux maires traînent des pieds rien qu’à l’idée. Cela est consternant, à l’heure où des clivages raciaux persistent et divisent le tissu national, comme cela est le cas avec le mouvement Black Lives Matter. Certes, les sujets sont en rapport. Pourtant, à y regarder de plus près, ils ont un dénominateur commun : la reconnaissance. Depuis, le COVID est passé par là… Autrement dit, les promesses et les engagements tenus par François Baroin, le président l’AMF, sont toujours dans les cartons. Le Pr. M Lourel le regrette.

Le silence assourdissant des élus autour de la reconnaissance nationale des soldats d’Afrique, d’Outre-mer et du Pacifique est sans appel. Le sombre tableau ne fait, selon le Pr. M Lourel, que renforcer les divisions au sein de la Nation. Plus largement, faut-il y voir une France à double face : d’un côté les Blancs, de l’autre les Noirs ? On ne peut s’y résoudre.

Le Pr Marcel Lourel, petit-fils de Tirailleur sénégalais conclut en disant : « les maux sonnent comme un avertissement, en particulier, pour la jeunesse française et immigrée en quête de repères et de valeurs. Nous sommes assis sur un baril de poudre ! Dit plus clairement, pour elle, nous demandons aux responsabilités politiques de tenir leurs engagements, non seulement en nommant des espaces publics en hommage aux aïeux, soldats d’Afrique, d’Outre-mer et du Pacifique tombés pour la France, mais aussi en les honorant lors des cérémonies patriotiques dans les communes à savoir : le 11 novembre, le 8 mai, le 18 juin et le du 15 août. »

Par Marcel Lourel Professeur des universités en psychologie sociale à l’INSPE, académie de Lille

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