La délocalisation est-elle un mal ?


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En période d’élections, la controverse sur les délocalisations fait rage. Beaucoup d’électeurs croient que les entreprises qui délocalisent leur production, sont, d’une manière ou d’une autre, responsables de pertes nettes d’emplois dans le pays. En réalité, les délocalisations sont loin d’être à l’origine des difficultés économiques. Elles sont consubstantielles à toute économie de marché développée. La délocalisation, en un sens, est à la source de toute richesse.

Pour démasquer les idées fausses qui entourent cette controverse, commençons par une définition. Délocaliser signifie « embaucher des travailleurs étrangers, plutôt que des travailleurs nationaux, pour réaliser une tâche particulière ». Cette externalisation permet donc à l’entreprise de vendre ses produits à des prix plus faibles et à ses actionnaires de toucher des profits plus élevés. Cela indique que l’entreprise crée plus de valeur avec la même quantité de ressources. Pour défendre une stratégie de délocalisation, un dirigeant d’entreprise pourrait s’exprimer de la façon suivante : « c’est économiquement bénéfique pour nos clients et nos actionnaires. »

Qu’en est-il du sort des travailleurs ? Les médias sont obnubilés par un aspect particulier du phénomène, les « délocalisations d’emplois nationaux à l’étranger ». Même s’ils reconnaissent les gains pour les consommateurs (des prix plus faibles) et pour les actionnaires (des profits plus élevés), nombre de commentateurs prétendent que ces gains sont compensés par des pertes d’emplois nationaux.

Rotation des emplois

La plupart des emplois sont des arrangements contractuels qui peuvent être rompus par la volonté des parties, à n’importe quel moment et pour n’importe quelle raison. Les travailleurs perdent leurs emplois, pour diverses raisons, et en trouvent de nouveaux, même pendant une récession. Les licenciements massifs associés aux délocalisations ne sont pas différents économiquement, ils sont simplement plus visibles, et, partant, sont davantage la cible des hommes politiques démagogues, particulièrement pendant une récession.

Il ne faut pas pour autant ignorer le malaise des travailleurs, quelle qu’en soit la cause. Le processus d’ajustement associé à l’externalisation peut être douloureux. Ce n’est jamais facile pour les individus de trouver de nouvelles opportunités d’emploi, d’autant plus que dans ce cas un grand nombre de travailleurs se retrouvent sur le marché du travail et cherchent un emploi au même moment. Mais le changement économique ne se produit pas pour rien! Sur un marché libre, lorsqu’une stratégie d’externalisation devient viable, les forces du marché indiquent aux entrepreneurs, aux travailleurs, aux propriétaires des ressources, que les vieilles méthodes de production, les anciens emplacements, les vieilles habitudes, ne sont plus d’actualité. Beaucoup de gens sont désormais capables de produire à un moindre coût ailleurs ce que les gens produisaient ici. Cela signifie que les travailleurs locaux doivent trouver une autre occupation, se déplacer de région, se diriger vers une autre industrie, mettre à jour leurs compétences etc.

Les échanges

Bien sûr, le marché n’est pas une personne et n’a pas d’objectif à proprement parler. Lorsque nous parlons du marché, nous nous référons à une forme d’organisation des échanges, de la production, de la spécialisation, qui relie d’innombrables individus à travers le monde. Pourtant, l’intuition centrale de la science économique est que, lorsque les gens poursuivent leur intérêt propre, les « forces du marché » font en sorte que la valeur de ce qui est produit à travers l’espace du marché (ici, le monde) est maximisée. Les échanges internationaux sont centraux et font partie intégrante de ce processus de marché. On appelle délocalisation le fait que des grandes entreprises réorganisent certains processus de production au-delà des frontières nationales arbitrairement définies. En réalité, le progrès économique s’accompagne toujours de délocalisations. Nous « délocalisons » tous constamment! Quand le client d’un supermarché préfère une bière allemande ou un café colombien à un produit national, peu de gens l’accusent de délocaliser (mis à part les militants « localistes »). Pourtant le consommateur s’engage dans un échange impliquant une production lointaine. N’est-ce pas un acte de délocalisation quand j’achète un livre en ligne en provenance de Boston, ou un costume en provenance de Seattle ? La délocalisation est partout!

Pour comprendre l’importance de la délocalisation, considérez un monde où cette stratégie serait absente. Dans ce monde, tout – je dis bien tout! – ce que vous utilisez doit être acquis dans une zone proche de l’endroit où vous vivez. Comme l’économiste Russ Roberts l’a souligné, nous avons déjà tenté l’expérience : cela s’appelait le Moyen Âge, et la vie y était « désagréable, brutale et brève ». Les progrès économiques des siècles récents ont été accompagnés d’une délocalisation, d’une externalisation croissante de l’activité, ce qu’Adam Smith appelait l’élargissement de la « division du travail », et David Ricardo « l’avantage comparatif ». Nous avons délocalisé notre production de vêtements, abandonnant le métier à tisser familial au profit de l’industrie textile, qui elle-même a connu une délocalisation du nord de l’Angleterre vers la Nouvelle Angleterre, puis vers le sud des Etats-Unis, et désormais vers l’Asie. Nous avons délocalisé la production de loisir, abandonnant le troubadour du village au profit des grands studios d’enregistrement et désormais, grâce à Internet, au profit de multiples spécialistes à travers le monde.

La croissance de la productivité

La liste pourrait être étendue infiniment. Tout au long de l’histoire, la croissance de la délocalisation s’est traduite par une croissance de la productivité, une croissance des opportunités et des accomplissements humains, une croissance du niveau de vie. Ce n’est pas une coïncidence. La science économique souligne que le problème central est la rareté, et non la délocalisation, qui est au contraire (une partie) de la solution. Les hommes politiques et toutes les personnes favorables au progrès économique, devraient réfléchir à des politiques qui permettraient aux entrepreneurs, aux travailleurs, et aux propriétaires des ressources de mieux s’insérer dans l’économie mondiale, qui, fort heureusement, est de plus en plus interconnectée.

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